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Chronique d'Enguerrand de Monstrelet - index
L.I-261 - [Comment Henry roy d'Angleterre eut l'obéissance du marché de Meaulx, et des exécucions qui furent faictes à ceux de dedans de par ledit roy.]

n après, le roy Henry d'Angleterre, qui à grant labeur et diligence avoit continué son siège et encores continuoit devant le marchié de Meaulx, et astraint les assègez par telle manière que grant partie de leurs murs estoient tout craventés et en plusieurs lieux desrompus, les fist ung certain jour sommer qu'ilz se rendissent franchement en la voulenté du roy de France et de lui, ou se ce ne faisoient, il les feroit assaillir. A laquelle sommacion pour ceste foiz ne vouldrent entendre, mais dirent qu'il n'estoit point encores heure de eulx rendre. Et pour tant, ledit roy fist commencer l'assault très puissamment, lequel dura de sept à huit heures, moult cruel et ensanglanté. Et y furent, tant d'un costé comme d'autre, maint homme navré et occis. Mais non obstant que lesdiz asségez feussent fort travaillez de résister à la puissance desdiz Anglois, qui estoit grande, néantmoins se defendirent moult vaillamment, et combatirent tant qu'ils n'avoient dedens ledit marchié de lances, si non en petit nombre, que toutes ne feussent rompues aux défenses dessusdictes. Mais ou lieu desdictes lances, se combatirent grant espace, de broches de fer. Et tant continuèrent que pour ceste foiz reboutèrent les Anglois hors de leurs fossez, dont grandement furent resjouiz. Et entre les autres desdiz défenseurs se y porta vaillamment Guichard de Chissay, et tant, que pour sa vaillance et prudence, le roy d'Angleterre, après la reddition du marché de Meaulx, lui fist offrir faire de grans biens s'il vouloit tenir son parti et lui faire serement; ce que point ne voult consentir, mais demoura Daulphinois. Si furent fais oudit assault plusieurs chevaliers nouveaulx de la partie des Anglois, entre lesquelz le fu Jean de Gingin, savoyen, et le bastard de Thien, qui autre foiz, comme dit est, avoient esté grans capitaines avec les gens de compaignes soubz le duc Jehan de Bourgongne défunct. Et d'autre part estoient avec ledit roy d'Angleterre à icellui siège, les seigneurs de Chastillon et de Jenlis, avec plusieurs autres nobles hommes des marches de France. Et de première venue que le siége y fut mis jusques au derrain que les asségez ne eurent plus espérance d'avoir secours, dirent moult de injures et paroles vilaines ausdiz asségans. Et entre les autres choses mirent sur les murs de la ville un asnes, lequel par force de cops ilz faisoient braire, en eulx moquant desdiz Anglois, en disant que c'étoit leur roy Henry, et et qu'ilz venissent secourir. Pour quoy le Roy anglois à cause de ce et autres choses, fut moult indigné contre eulx. Et aussi devant icelle ville fut occis ung jeune chevalier filz du seigneur de Cornouaille, qui estoit cousin germain audit roy Henry, et fut occis d'un canon. La mort duquel lui vint à grant desplaisance et à tous les seigneurs d'Angleterre. Car, non obstant qu'il feut jeune d'aage, si estoit-il très sage homme et prudent.
  En oultre, après toutes les continuacions et besongnes dessusdictes, environ la fin d'avril, iceulx asségez qui, comme dit est, plus n'avoient espérance d'avoir quelque secours du Daulphin, leur seigneur, sachans que longuement ne se povoient tenir ne défendre contre la puissance du roy d'Angleterre, commencèrent à parlementer pour avoir traictié. Et y furent commis de par icellui roy, son oncle le duc d'Excester, les contes de Warvich et Conversen, et messire Gaulthier de Honguefort; et de la partie des asségez, messire Phelippe Malet, Péron de Lupe, Jehan d'Aulnay, Sivador de Giresme, Le Borgne de Cauchon, Jehan de l'Espinace et Guillaume du Fossé. Lesquelles parties convindrent ensemble par plusieurs journées, et enfin vindrent à conclusion par la manière cy-après déclairée.
  Premièrement : Fut ordonné que le Xe jour de may, le marché de Meaulx seroit rendu et délivré par les asségez en la main des roys de France et d'Angleterre.
  Item. Seront rendus et délivrés en la voulenté desdiz roys, messire Loys Tost, le bastard de Vaurru, Jehan de Rouvères, Tromagon, Bernard de Meureville, et ung, qui avoit buisiné d'un cornet durant le siége, nommé Oraces; et seront mis en justice, laquelle leur sera faicte et administrée.
  Item. Que Guischard de Chissay, Péron de Luppe, maistre Robert de Giresmes, Phelippe de Gamaches et Jehan d'Aunay, demourront en la voulenté desdiz roys jusques à ce qu'ilz auront rendu ou fait rendre toutes les forteresses que eulx ou leurs commis tiennent en ce royaume, et après qu'ils les auront rendues, auront les vies saulves.
  Item. Tous ceulx estans dedans ledit marché, c'est assavoir Anglois, Galois, lrlandois et autres qui par avant avoient esté obéissans au roy d'Angleterre, demourront à la voulenté des diz roys.
  Item. Tous les autres, tant gens d'armes comme bourgeois ou habitans, demourront en la voulenté desdiz roys, saulves leurs vies.
  Item. Le comte de Conversan demourra quicte envers Péron de Luppe ou autres à qui ce peut toucher, de sa raençon et finance, et lui promectront de le tenir quicte à tous jours, sans fraude et malengin.
  Item. Que dedans les huit jours que les asségez doivent rendre la ville, ilz mectront et feront mectre tous leurs biens généralement en certains lieux, où ilz puissent venir à bonne clarté, sans les dégaster ou empirer, et bailleront par parties les inventaires aux commis desdiz roys.
  Item. Mectront et feront mectre les reliques, livres, aournemens et autres biens de l'église, en certain lieu, comme dit est.
  Item. Rendront quictes et délivres tous les prisonniers qu'ilz tiennent, tant oudict Marchié comme ès forteresses et autres lieux à eulx obéissans, et les acquicteront de leur foy.
  Item. Durans les jours dessusdiz ne soutireront que homme, de quelque estat qu'il soit, transporte ses biens hors dudit marchié, et pareillement n'y en lairont nul entrer, si non qu'il y soit commis de par les roys.
  Item. Pour entretenir et acomplir toutes les choses dessusdictes sans nulle enfreindre, sur peine de non demourer dans la grace desdiz roys, bailleront lesdiz asségez leurs lectres séellées de leurs seaulx ou signées de leurs mains jusques à cent des plus notables; desquelz vingt quatre des plus esleuz resteront en hostage devers lesdiz roys, telz qu'il plaira aux commis des rois dessusdiz.
  Item. Après ce que ledit traicté sera faict et accordé, cesseront toutes guerres et voies de fait entre les deux parties, et demourront en cest estat jusques au Xe jour de may, que les Daulphinois firent ouverture aux commis des roys de France et d'Angleterre et leur délivrèrent par la manière qu'il avoit esté traicté, ledit marché de Meaulx.
  Lesquelz commis envoièrent tantost tous les prisonniers en la ville, soubz bonne garde, et aucuns des principaulx furent envoiés par eaue à Rouen et de là en Angleterre. Et si en eut une partie de menez à Paris et emprisonnez en plusieurs lieux. Et povoient estre, de gens de guerre, en tout, de sept à huit cens. Desquelz, le bastard de Vaulru, leur général capitaine, fut décolé par le commandement du roy Henry, et son corps fut pendu à ung arbre au dehors de Meaulx, nommé l'arbre Vauru, auquel ledict Vaurru en son temps avoit fait pendre plusieurs Bourguignons et Anglois, et pour ce estoit cellui arbre ainsi nommé. Et avec ce fut mise sa teste sur le bout de son estandart, ataché dessus lui à l'arbre dessusdit. Et après fist, à Paris, décapiter messire Loys Gast, Denis de Vauru, maistre Jehan de Rommeres, et celui qui avoit servi le Roy durant le siége; et furent mises les testes sur lances, ès haies, et leurs corps pendus au gibet par les aisselles. Et tous les biens qui estoient oudict marchié de Meaulx furent distribuez du tout au plaisir dudict roy Henry. Lequel, glorieux de sa victoire, entra en moult noble arroy dedans le marché de Meaulx, et y séjourna aucuns jours avecques ses princes, pour lui soulacer et reposer. Et là, ordonna en brief de réédifier les portes et murailles de la ville et du marchié de Meaulx, qui par les gros engins avoient esté démolis et abatus durant le siége.

                                                 


Source : La chronique d'Enguerrand de Monstrelet - Tome IV (L.Douët d'Arcq - 1860)

Notes :
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