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Chronique d'Enguerrand de Monstrelet - index
L.II-37- [Comment le seigneur de Filwatier vint au pays de Hollande en l'ayde de la duchesse Jaqueline de Bavière.]

n ces jours, le duc de Bourgongne estant ou pays de Hollande, menant forte guerre à la duchesse Jaqueline de Bavière, sa cousine, et à ceulx tenant son party, arrivèrent assez près de Sierixee (1) en Zéelande, cinq cens Anglois gens d'eslite, desquelz estoit capitaine le seigneur de Filsvatier (2), soy-disant lieutenant du duc de Glocestre ès pays de Hollande et Zéelande. Lesquelz Anglois aloient devers la duchesse Jaqueline pour ly aidier à maintenir sa guerre. Et lors le duc de Bourgongne, qui estoit à Leyde en Hollande, oyant les nouvelles d'yceulx Anglois, se partit de là, à tout quatre mille combatans qu'il avoit de plusieurs ses pays, et ala à Rotredame (3), où il se mist en l'eaue, en intention de trouver yceulx Anglois pour les combatre. Et yceulx attendans, y eut aucuns des gens du duc de Bourgongne qui rencontrèrent partie des dessusdiz Anglois. Si les desconfirent, prinrent et occirent. Après, ledit duc de Bourgongne, sachant que ses ennemys, Holandois et Zéelandois et Anglois, estoient de deux à trois mille combatans armés au port de Brauwers, ung havene où estoient lesdiz ennemis, il s'en vint ilecques. Si furent tost et victorieusement par ledit duc de Bourgongne et les siens, assaillis, combatus, et en brief desconfis. Et demourèrent mors sur la place, tant Holandois et Zéelandois, comme Anglois, environ de huit cens combatans, et les autres se mirent à fuir en grand desroy, et furent chaçés jusques à la mer, où il s'en sauva grand partie dedens leurs vaisseaulx. Entre lesquelz se sauvèrent ledit seigneur de Filwatier, capitaine desdiz Anglois, et le seigneur de Hautredee. Et de la partie du duc de Bourgongne furent mors sur la place, des gens de nom, messire Andrieu de Valines tant seulement. Et Robert de Brimeu fut rapporté de la place blécié, et en fin moru de ladicte bleceure. Après laquelle victoire ledict duc de Bourgongne rassambla ses gens, et regracia humblement son créateur de sa bonne adventure. Et brief ensuivant laissa en plusieurs villes ou pays, lesquelles estoient à luy obéyssans, garnisons de ses gens, et puis s'en retourna en son pays de Flandres, pour de rechef faire assamblée de gens pour mener guerre oudit pays de Holande, est assavoir à ceulx tenans le parti de la duchesse Jaqueline.

             

  Item, après ce que ledit duc de Bourgongne fut retourné des pays de Holande et de Zélande et qu'il eust laissiés ses garnisons oudit pays, ladicte duchesse Jaqueline de Bavière assambla très grand nombre de gens d'armes et les mena devers Herlem (4), laquelle ville elle asséga très puissamment tout à l'environ. Et estoit dedens, de par le duc de Bourgongne, le damoisiau de Ysembergue et messire Roland de Hutkerque, chevalier, avec certain nombre de combatans. Durant lequel siège, messire Jehan de Hutekerque, filz dudit messire Roland, assambla de sept à huit cens combatans, tant nobles comme communaulté du pays de Flandres, lesquels il amena hastivement ou pays de Holande, en intencion de souscourir son père. Mais sa venue fut sceue par la dessusdicte duchesse, laquelle envoia de ses gens au devant d'eulx. Et les trouvèrent en ung desroy vers la mer. Si les combatirent et desconfirent pour la plus grand partie, si non aucuns qui se sauvèrent avec le dessusdit messire Jehan Hutekerque. De laquelle besongne fut moult joieuse la duchesse Jaqueline, et fist mettre à mort cruelle ceulx qui avoient esté prins prisonniers. Et après, pour doubte de la venue du duc de Bourgongne, qui faisoit grande assamblée de gens en ses pays de Flandres et d'Artois, leva son siège de devant Harlem, et s'en ala en la ville de la Gaude.

  En cest an, le conte de Salsebéri asséga la forteresce de Moiniès en Champaigne, laquelle estoit forte oultre mesure, et bien garnie de gens et de habillemens de guerre que c'estoit merveille. Lequel siège durant y eut plusieurs grandes et fortes escarmuches entre les parties. Entre lesquelles en y eut une où fut mis à mort Waleran de Bernonville, frère de messire Lyonel de Bernonville, d'une lance qui ly traversa oultre le corps. Toutefois, non obstant la grande résistence que firent les asségiés, par longue continuacion furent constrains d'eulx rendre, et en fin se départirent à tout leurs biens, et ladicte forteresce fut démolie et abatue.

  Item, le duc de Bourgongne estant en son pays de Flandres eut plusieurs parlemens avecques le duc de Brabant, son cousin, et ceulx de son conseil, sur les affaires de Holande. Et entretant assambla gens de plusieurs lieux, et vinrent devers luy grand chevalerie de Bourgongne, desquels estoit le chief, le prince d'Orenge; à tout lesquelx, et foison de Picars et Flamens, vers la my-caresme, retourna en Holande. Et commença de rechief à mener forte guerre à la duchesse Jaqueline de Bavière et à ses bienvueillans. Et brief ensuivant se rendirent à luy plusieurs bonnes villes d'iceluy pays de Holande, et luy firent serement de loyauté.

  En ce meisme temps, se assamblèrent les gens de la duchesse Jaqueline, de trois à quatre mille combatans, et alèrent devant la ville de Hornes (5) sur les marches de Frise, pour ycelle envayr et prendre. Dedens laquelle estoit en garnison le seigneur de l'Isle-Adam et le bastard de Saint-Pol, à tout cinq cens combatans ou environ, qui en grand hardiesce yssirent contre leurs ennemys et férirent en eulx de grand courage, et en fin les vainquirent et mirent à fuite. Et en demoura sur la place, de mors, environ quatre cens, sans les navrés, dont il y eut grand nombre. Et de la partie du duc de Bourgongne furent mors, le bastard de Viesville et environ dix archiers. Pour laquelle desconfiture, grand partie du pays de Hollande se mist en l'obéyssance du duc de Bourgongne.

  Durant toutes ces tribulacions, ou pays de Holande y eut plusieurs rencontres et grans escarmuces par plusieurs fois entre les parties; qui seroient trop longues à racompter chascune par ly. Nientmains, la plus grand partie d'yceulx rencontres estoit à la confusion des gens de la duchesse Jaqueline de Bavière. Et estoit la cause pour ce que les gens du duc de Bourgongne étaient tous exercités et exités en armes et fais de guerre, et avec ce, avoient grand foison de trait (6), duquel les habitans n'estoient point acoustumés.

                                                 


Source : La chronique d'Enguerrand de Monstrelet - Tome IV (L.Douët d'Arcq - 1860)

Notes :
1 Zierik-See.

2 Fitzwalter.

3 Rotterdam.

4 Harlem.

5 Horn, ou Hoorn.

6 D'artillerie.




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