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Chronique de la Pucelle - index
59 - Le Roy touche les écrouelles à Saint-Marcoul - Il se dirige par la Picardie vers l'Île de France

e roy séjourna,en ladite cité par trois jours. Or est vray que de tous temps les rois de France, après leurs sacres, avoient accoustumé d'aller en un prieuré qui est de l'église Sainct-Remy, nommé Corbigny, assis et situé à environ six lieues de Rheims, auquel est un glorieux sainct qui est du sang de France, nommé sainct Marcoul, auquel tous les ans a grande affluence de peuple pour la maladie des écrouelles, par le mérite duquel on dit que les roys en guarissent. Et pour ce s'en alla audit lieu de Sainct-Marcoul et y fit bien et dévotement ses oraisons et offrandes. Et de ladite église il print son chemin à aller en une petite ville fermée, appartenant à l'archevesque de Rheims, nommée Vailly, qui est à quatre lieues de Soissons et aussi quatre lieues de Laon. Et les habitans de ladite ville luy fisrent pleine obéyssance et le receurent grandement bien selon leur pouvoir, et se logea pour le jour, luy et son ost, audist pays et de là envoya à Laon, qui est une notable et forte cité, les sommer qu'ils se missent en son obéyssance, ce qu'ils firent très bien et volontiers. Et pareillement fisrent ceux de la cité de Soissons, en laquelle il alla droict de Vailly et y fut receu à grande joye. Il y séjourna trois jours et son ost, tant en la ville comme és environs. Et pendant qu'il y estoit, luy vint nouvelles que ChasteauThierry, Provins, Coulommiers, Crécy en Brye et plusieurs autres se rendirent françoises et en son obéyssance ; dans ce temps y mit officiers, et les habitants y laissoient entrer sans aucune contradiction ses gens et serviteurs.
  Quand le roy sceut que Chasteau-Thierry estoit en son obéissance, et qu'il eut séjourné par aucun temps en la ville et cité de Soissons, il se mit à chemin et alla audit lieu de Chasteau-Thierry, et dudit lieu s'en alla à Provins et y séjourna deux ou trois jours. Lesquelles choses vinrent à Paris en la congnoissance du duc de Betfort, qui se disoit régent du royaume de France pour le roy d'Angleterre, et dit qu'il viendroit combattre le roy. Si assembla gens de toutes parts à bien grande puissance et vint à Corbeil et à Melun, et assembla bien dix mille combatans qui estoit grande chose.
  Quand le roy sceut que le duc de Betfort le vouloit combatre, luy et les gens de son ost en furent bien joyeux, et se partit de ladicte ville de Provins et tint les champs, et rassembla son ost près d'un chasteau nommé La Motte de Nangis, qui est en Brye, et là les batailles furent ordonnées bien notablement et prudemment. Et c'estoit gente chose de voir le maintien de Jeanne la Pucelle et les diligences qu'elle faisoit. Et tousjours venoient nouvelles que le duc de Betfort venoit pour combattre. Et pour ce, le roy se tinst tout le jour en son ost emmy les champs, cuidant que ledit duc de Betfort deust venir ; mais il mua conseil et s'en retourna à Paris, combien qu'il eût bien en sa compaignée dix ou douze mille combattans comme dit est, et le roy en avoit bien autant, et la Pucelle et les seigneurs et gens de guerre estans avec elle, y avoient grand désir et volonté de combattre.
  Il y avoit aucuns en la compaignée du roy qui avoient grand désir qu'il retournast vers la rivière de Loire et luy conseillèrent fort ; auquel conseil il adhéra fort, et estoit de leur opinion et conclud qu'il s'en iroit, et luy fit-on sçavoir qu'il passeroit la rivière de Seine, par une ville nommé Bray, dans le pays de Champaigne, où il y avoit bon pont (1) et luy fut promis obéyssance et passage par les habitants d'icelle.
  Mais la nuict dont il devoit passer le matin, y arriva certaine quantité d'Anglois auxquels on ouvrit la porte et entrèrent dedans, et y eut des gens du roy lesquels s'avancèrent pour cuider passer des premiers dont les aucuns furent prins et les autres destroussez, et par ce moyen ce passage fut rompu et empesché , dont les ducs d'Alençon, de Bourbon et de Bar, et les comtes de Vendosme et de Laval et tous les capitaines furent bien joyeux et contents, pour ce que ladite conclusion de passer fut contre leur gré et volonté ; et estoient d'opinion que le roy devoit passer oultre pour tousjours conquester, veue la puissance qu'il avoit et que ses ennemis ne l'avoient osé combatre.
  La vigille de la Nostre-Dame my-aoust, le roy, par le conseil desdits seigneurs et capitaines, s'en retourna à Chasteau-Thierry et passa outre avec son tout ost vers Crespy en Valois, et se vint loger aux champs, assez près de Dampmartin ; et le pauvre peuple du pays crioit : Noël ! et pleuroient de joie et de liesse. Laquelle chose la Pucelle considérant, et qu'ils venoient au-devant du roy en chantant Te Deum laudamus, et aucuns respons et antiennes, dit audits chancelier de France et au comte de Dunois : "En nom Dieu, voicy un bon peuple et dévot, et quand je devray mourir, je voudrois bien que ce fût en ce pays." Et lors ledit comte de Dunois luy demanda : "Jeanne, savez-vous quand vous mourrez et en quel lieu ?" Et elle respondit qu'elle ne sçavoit et qu'elle en estoit à la volonté de Dieu. Et si dit oultre auxdits seigneurs : "J'ay accomply ce que Messire m'a commandé de lever le siège d'Orléans et faire sacrer le gentil roy ; je voudrois bien qu'il voulut me faire ramener auprès mes père et mère, et garder leurs brebis et bestail, et faire ce que je soulois (2) faire." Et quand lesdits seigneurs ouyrent ladite Jeanne ainsi parler, et que les yeux au ciel remercioit Dieu, ils creurent mieulx que c'estoit chose venue de par Dieu qu'autrement.

                                                         

  Le roi séjourna en la cité de Reims durant trois jours. Or il est vrai que de tout temps les rois de France, après leur sacre, avaient accoutumé d'aller en un prieuré dépendant de l'église de Saint-Rémy, nommé Corbigny, assis et situé à environ six lieues de Reims. Là est un glorieux saint qui est du sang de France, nommé Saint-Marcoul, vers lequel se rend tous les ans une grand affluence de peuple pour la maladie des écrouelles, par les mérites duquel l'on dit que les rois en guérissent. Et pour cela le roi s'en alla audit lieu de Saint-Marcoul, et y fit bien dévotement ses oraisons et ses offrandes.
  De ladite église, il prit son chemin pour aller en une petite ville fermée, nommé Vailly, appartenant à l'archevêque de Reims, à quatre lieues de Soissons et aussi à quatre lieues de Laon. Les habitants lui firent pleine obéissance et le reçurent grandement bien, selon leur pouvoir. Il se logea durant un jour, lui et son armée, en ce lieu, et de là il envoya à Laon, qui est une notable et forte cité, sommer les habitants de se mettre en son obéissance; ce qu'ils firent très bien et volontiers. C'est ce que firent pareillement ceux de Soissons, où il alla droit de Vailly, et où il fut reçu à grande joie. Il y séjourna trois jours avec son armée qui se logea soit dans la ville, soit dans les environs. Pendant qu'il y était, lui vinrent les nouvelles que Château-Thierry, Provins, Coulommiers, Crécy-en-Brie, et plusieurs autres cités, s'étaient rendues françaises et mises en son obéissance ; il y nomma des officiers ; et les habitants y laissaient entrer sans aucune contradiction ses gens et ses serviteurs. Quand le roi sut que Château-Thierry était en son obéissance, après avoir séjourné quelques jours en la ville et cité de Soissons il se mit en chemin et alla audit lieu de Château-Thierry, d'où il s'en vint à Provins, et y passa deux ou trois jours.
  Ces choses vinrent à Paris en la connaissance du duc de Bedford qui se disait régent du royaume de France pour le roi d'Angleterre, et il annonça qu'il irait combattre le roi. Il assembla donc des gens de toutes parts à grande puissance, vint à Corbeil et à Melun, et réunit bien dix mille combattants; ce qui était grande force. Quand le roi sut que le duc de Bedford voulait le combattre, lui et les gens de son armée en furent bien joyeux; il partit de Provins, tint les champs et rassembla son armée près d'un château nommé La Mothe de Nangis, qui est en Brie; là les corps de l'armée furent ordonnés très notablement et prudemment; et c'était gentille chose de voirie maintien de la Pucelle et les diligences qu'elle faisait. Et toujours arrivaient des nouvelles que le duc de Bedford s'avançait pour combattre; et pour ce, le roi se tint tout le jour en plein champ, pensant que le duc de Bedford dut venir; mais il changea d'avis, et s'en retourna à Paris, quoiqu'il eût en sa compagnie dix ou douze mille combattants, ainsi qu'il a été dit ; le roi en avait bien autant ; et la Pucelle, ainsi que les seigneurs et gens de guerre étant avec elle, avaient grand désir et grande volonté de combattre.
  Quelques-uns de la compagnie du roi avaient grande envie qu'il retournât vers la rivière de Loire, et le lui conseillaient fort, conseil auquel il adhéra très volontiers lui-même. Étant de leur sentiment, il conclut qu'il s'en retournerait. Or on lui fit savoir qu'il pourrait passer la rivière de la Seine par une ville nommée Bray-en-Champagne, où se trouvait un bon pont. L'obéissance et le passage lui étaient promis par les habitants. Mais la nuit du matin où il devait passer, vinrent un certain nombre d'Anglais auxquels on ouvrit les portes et qui s'établirent dans la ville ; et parmi les gens du roi qui s'avancèrent, croyant passer les premiers, quelques-uns furent pris et les autres détroussés, et par là le passage fut rompu et empêché ; ce dont les ducs d'Alençon, de Bourbon et de Bar, les comtes de Vendôme et de Laval, tous les capitaines, furent bien joyeux et contents ; car la résolution de se retirer allait contre leur gré et volonté; ils étaient d'avis que le roi devait aller de l'avant pour faire toujours des conquêtes, vu les forces qu'il avait à sa disposition et que ses ennemis n'avaient pas osé le combattre.
  La vigile de Notre-Dame de la mi-août, le roi, par le conseil de ces seigneurs et capitaines, retourna à Château-Thierry, passa outre, et avec toute son armée, se dirigea vers Crépy-en-Valois, et vint camper en rase campagne assez près de Dammartin.
  Le pauvre peuple du pays criait Noël et pleurait de joie et d'allégresse ; la Pucelle, considérant ce spectacle, et qu'ils venaient au-devant du roi en chantant Te Deum laudamus et certains répons et antiennes, dit au chancelier de France et au comte de Dunois : « En nom Dieu, voici un bon peuple, bien dévôt, et quand je devrai mourir, je voudrais que ce fut en ce pays ». Le comte de Dunois lui demanda : « Jeanne, savez-vous quand vous mourrez et en quel lieu ? » et elle répondit qu'elle n'en savait rien, et qu'elle était à la volonté de Dieu, et ajouta : « J'ai accompli ce que Messire m'a commandé, de lever le siège d'Orléans, et de faire sacrer le gentil roi; je voudrais bien qu'il voulût me faire ramener auprès de mon père et de ma mère et garder leurs brebis et leur bétail, et faire ce que j'avais coutume de faire ». Quand lesdits seigneurs virent Jeanne ainsi parler, et les yeux au ciel remercier Dieu, ils crurent plus que jamais que c'était chose venue de par Dieu.


                                                 

Source : édition Vallet de Viriville - 1859

Illustration :
- Eglise de Vailly ("La grande histoire illustrée de Jeanne d'Arc" - H.Debout - 4° éd.1922)

Notes :
1 On s'explique la valeur de ce trait, si l'on se reporte au portrait moral que Georges Chastelain nous fait de Charles VII : "N'étoit nulle part sûr, nulle part fort ; craignoit toujours mourir par le glaive par jugement de Dieu, parce que présent fut en la mort du duc Jehan. Ne s'osoit loger sur un plancher, ni passer un pont de bois à cheval, tant fût bon."

2 Que je soulois faire : que j'avais l'habitude de faire.



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