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28 mars 2024  

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Giovanni Sabadino

iovanni Sabadino degli Arienti est un Bolonais, né vers le milieu du XVe siècle, secrétaire de Bentivoglio, alors podestat de cette ville. Entre autres œuvres qu'il composa pour plaire à ses maîtres, et spécialement à celle qui fut successivement l'épouse de deux Bentivoglio, se trouve un recueil portant le titre original de Ginevera de le clare donne : Genièvre des illustres dames. Le titre est une allusion qui ne manque pas de finesse à la dame du podestat dont le nom était Ginevera, fille d'Alexandre Sforza. Autour de Ginevera, qui tient le premier rang dans la pensée de l'auteur, et à laquelle il revient souvent, Sabadino a groupé trente-deux autres dames des temps modernes, en sorte que son Genièvre est composé comme de trente-trois branches odorantes.
  La Pucelle est une des trente-trois dames de la Ginevera. La notice que lui consacre Sabadino n'est pas exempte de fables et de faussetés, qui s'expliquent par les intermédiaires dont il dit tenir son récit. C'est, dit-il, le gentil marchand, Fileno Tuvata, qui l'a appris, lorsqu'il était à Biamone (?), à trois lieues de Reims. Fileno Tuvata aurait reçu la merveilleuse histoire de deux soldats qui étaient pages dans les armées que la Libératrice conduisait à la victoire. Tuvata ou ses narrateurs ont prolongé de six ans le séjour de Jeanne dans les armées, et ont parlé de la vie de Domrémy d'après leur imagination, qui leur a fait voir un tableau dont ne s'étaient pas doutés les témoins oculaires.
  Le récit de Sabadino nous montre le souvenir que l'on gardait en Italie de la Libératrice cinquante ans après son supplice. Un des manuscrits de Sabadino porte, en effet, la date de 1483. Ce manuscrit a vu le jour quatre siècles plus tard. MM. Corrado Ricci et Bacchi della Sega l'imprimèrent en 1888.
  M. de Puymaigre traduisit ce qui regarde Jeanne d'Arc dans la Revue des questions historiques (avril 1889), en faisant précéder sa traduction d'une étude à laquelle sont empruntés les détails qui précèdent. Le laborieux érudit voudra bien nous permettre de lui emprunter aussi sa traduction.



                                                         


                                DE JEANNE LA GENTILLE PUCELLE DE FRANCE.
                                              (De Janna Polcella gaya de Franza)

  Nous lisons de Camille, valeureuse vierge, fille de Methabe, roi des Volsques, que, quand celui-ci, par une soudaine sédition de ses sujets, fut chassé de son royaume, il ne put emporter que sa petite fille Camille, née peu de jours auparavant, et qu'il aimait plus que toute chose, la mère étant morte en lui donnant le jour. Méthabe, arrivé dans sa fuite près du fleuve de Moscène et ne pouvant le passer parce qu'il était trop grossi par les pluies, eut une inspiration soudaine : il plaça la petite fille dans une écorce de liège dont il lia les deux bouts avec des branches de saule, et attacha l'esquif à une lance ou dard, vouant l'enfant à Diane, si elle était sauvée ; puis d'un bras vigoureux, il jeta la lance au delà du fleuve, la confiant à la rive. Lui, ensuite traversa le fleuve à la nage. Parvenu sur l'autre bord, il tira à lui les liens de saule, et vit sa fille saine et sauve. Il se retira avec elle dans les bois, et suivant sa promesse, l'éleva dans la virginité comme vouée à Diane. Armée d'un arc et de flèches, Camille devint forte et robuste, s'exerçant à la chasse des bêtes sauvages; son père étant mort, les Volsques, charmés de sa vertu, la rappelèrent et la reconnurent pour reine. Dans la suite, à la tête d'un grand nombre d'entre eux, elle porta secours à Turnus, roi des Rutules, dans la guerre qu'il soutenait contre Énée, l'époux de Lavinie : un jour, en combattant vaillamment à Corèbe, elle fut blessée par Aronte, et à la grande douleur de Turnus, elle tomba expirante entre les deux armées.

  Nous avons rappelé les vertus de cette vierge Camille afin de pouvoir la mettre en comparaison avec la gentille Pucelle, Jeanne, qui, de nos jours, n'a pas conquis moins de gloire, ni montré moins de valeur que l'antique Camille, ainsi qu'on va le voir.
  L'on doit savoir que cette Jeanne, la gentille Pucelle, naquit en France dans le pays de Barrois, et que de huit à seize ans, elle garda les troupeaux. Elle passait le temps dans les pâturages avec les autres petites bergères, tenant une grosse perche qu'elle portait sous son bras, comme les chevaliers portent leurs lances ; elle en frappait les troncs des arbres, et parfois montait les chevaux d'autres bergers. Qui la voyait s'en émerveillait. Ces exercices la rendirent forte et robuste (1).
  Elle fut belle, de visage un peu brun avec des cheveux blonds ; elle resta vierge et pieuse. Elle avait toujours sur les lèvres les noms du bon Jésus et de la glorieuse Vierge, les appelant à son aide, ainsi que l'atteste la renommée. Sa parole était douce, son sens aussi exquis que si, au lieu d'avoir vécu à la suite des troupeaux, elle eût été élevée dans la meilleure école de prud'homie et de bonnes moeurs.
  En ce temps-là, une grande armée d'Henri, roi encore adolescent d'Angleterre, sous la conduite de vaillants capitaines, faisait une rude guerre à Charles, roi de France. Déjà la capitale, Paris, avait été prise, une grande partie du royaume était conquise, et Orléans, qu'en latin nous appelons Aureliano, parce que cette ville est bâtie sur les rives de la Loire, anciennement Ligeris, Orléans était très étroitement assiégé. Cette cité était tellement serrée qu'il semblait impossible que le roi de France, qui n'avait qu'une armée bien inférieure à celle du roi d'Angleterre, pût lui porter secours. De là une grande anxiété, car le sort du royaume était attaché au sort d'Orléans, et perdre Orléans, c'était perdre le royaume de France. Le roi étant dans cette extrémité, Jeanne la Pucelle, — ainsi le voulait la Clémence divine, — laissa la garde des troupeaux, et s'en vint, elle une fille de seize ans, trouver le roi. Arrivée à la cour, elle dit qu'elle avait à parler au roi pour choses importantes, et que Dieu l'envoyait vers Sa Majesté. Les barons se moquèrent de la paysanne, qui, encore qu'elle fût belle, demandait avec tant de hardiesse à parler au roi ; ils la renvoyèrent plusieurs fois, refusant de l'introduire, et disant entre eux : « Il faudrait un autre secours que cela. » Elle insistait cependant pour avoir audience du roi, si bien que les barons finirent par la lui amener, au milieu de plaisanteries et des gaillardises dont les Français sont coutumiers ; et lui montrant un baron au lieu du roi, ils lui dirent : « Pucelle, celui-là est le roi, va et parle-lui. » Elle répondit : « Celui-là n'est pas le roi ; mais bien c'est celui-ci qui est là appuyé », et sans l'avoir jamais vu, elle le désigna du doigt; ce qu'elle ne pouvait faire sans une connaissance divine.
  Donc, arrivée devant Sa Majesté royale, elle fit une génuflexion et dit en présence des barons et des princes : « Seigneur roi, j'ai quitté la garde des troupeaux et je viens à vous, envoyée par Dieu, pour vous aider à reprendre et à recouvrer votre royaume. Mettez-moi à la tête de votre armée, et ne vous émerveillez que moi, pauvre Pucelle, j'aie la hardiesse de vous demander si grande charge; ainsi plaît-il à Dieu; croyez donc à mes paroles, car vous en verrez de glorieux effets. »

     

  Et le roi regardant cette Pucelle, et frappé de son langage ferme et persuasif, tourna avec étonnement les yeux vers ses barons, lesquels se regardaient les uns les autres avec surprise, et disaient à voix basse que le spectacle qu'ils avaient sous les yeux avait quelque chose de céleste. Le roi dit : « Pucelle, tu dis que tu viens à moi envoyée par Dieu pour m'aider; comment es-tu venue ? tu es encore toute jeune et tu veux avoir la conduite de mon armée; ce n'est point là affaire de jeune fille ; pense à ce que tu dis, à ce que tu demandes. » Elle répondit : « Seigneur roi, n'hésitez pas davantage ; Dieu qui m'a envoyée vers vous pourvoira à ce qu'il faudra. Ne perdez pas de temps, si vous tenez au salut de votre royaume. Pour prouver la vérité de mes paroles, écoutez secrètement ce que je vais vous dire. »
  Le roi alors la prit par la main et la conduisit dans une chambre retirée. Ce qu'elle lui dit, on ne l'a pas su. Le roi l'ayant entendue, après peut-être quelques objections, demeura préoccupé et étonné de la volonté du Ciel, et sans retard la fit générale de son armée, sans contradiction de ses barons.
  O chose incroyable et peut-être jusqu'alors inouïe ! Tous les excellents barons et capitaines et le roi lui-même, se soumirent tout à coup, sans hésiter, à voir le commandement de l'armée d'un si grand roi confié à une pauvre bergère. Dans un si haut rang, le roi lui fit donner de très brillantes armes, et monter un cheval caparaçonné de soie d'Alexandrie, brodée de lys d'or fin. Elle était belle avec le casque ayant pour cimier trois plumes d'autruche, sous lequel sortaient des tresses blondes pendant sur ses épaules, elle semblait vraiment un guerrier envoyé du Ciel sur la terre. Avec l'armée royale, elle s'approcha de la ville d'Orléans, assiégé par l'illustre comte de Salsbery (2) (Thomas de Montagu, comte de Salisbury), très habile général qui commandait pour Henri, roi d'Angleterre.
  La Pucelle, avec beaucoup de suite et une véritable habileté militaire, livra un combat, où il mourut près de dix mille Anglais. Orléans fut recouvré ; exploit miraculeux, incroyable pour quiconque ne l'avait pas vu, ainsi que le rapportent plusieurs personnes de France encore vivantes, et qui eu ce temps ont combattu sous les ordres de la divine Pucelle, et c'est ce que nous a certifié Fileno Tuvata, honorable marchand, qui, étant à Blamont (Baconnes), à trois lieues de Reims, avait appris les merveilles qui s'accomplirent alors en France de deux anciens soldats du roi de France, jeunes au temps de la Pucelle, présents en qualité de pages, et qui se trouvèrent notamment dans les dernières guerres devant Rouen, et dans les sanglantes batailles qui se sont livrées aux alentours de cette ville.

  La vaillante Pucelle, confiante dans la victoire, continua la guerre sans interruption durant huit ans (3), tenant tête par sa vaillance aux ennemis de son pays. L'épée à la main, montée sur son fort cheval, elle courait çà et là dans les rangs de son armée, commandant aux bataillons de se former en avant, en arrière, et ailleurs; ordonnant aux archers de se porter ici, là; elle prévoyait les dangers pour s'assurer de la victoire ; elle voyait sans trembler les morts tomber à ses côtés; on l'eût prise pour Mars ou Bellone.
  Le combat fini, elle pourvoyait aux besoins du camp, le jour, la nuit, avec grande sagesse, par le moyen de gardes et d'explorateurs. On n'avait jamais vu telles merveilles, et le roi s'émerveillait d'un tel appui. Trente-deux fois elle livra bataille, et fut toujours victorieuse. Elle prit Talbot, très grand et fameux capitaine anglais, et, prisonnier, le remit triomphalement au roi de France.
  C'est ainsi que, par la glorieuse Pucelle, le roi de France, Charles appelé de Valois, parce que son aïeul fut comte de Valois, fut mené à Reims, ville que les latins appellent Remis, pour y être sacré et couronné ; ce qu'il n'était pas encore. Il y fut conduit malgré les Anglais qui occupaient Reims et les pays environnants; il y fut oint et sacré avec grande pompe dans la magnifique cathédrale de cette ville, ainsi que le demande la constitution du royaume, qui ne permet pas que le roi reçoive l'onction hors de ladite ville et de ladite cathédrale; car c'est là que sont conservés les insignes de la sérénissime maison de France, la fiole de la sainte Ampoule, apportée du Ciel par un Ange au roi Clovis, alors qu'avec une grande ferveur de foi il embrassa le christianisme.
  Ledit Henri, roi d'Angleterre, étant maître de Paris et de Reims, voulut recevoir la sainte onction à Paris et s'y faire couronner roi de France; mais, par un miracle divin, il se trouva que la liqueur était desséchée, vu qu'il n'était pas le vrai et légitime roi, et il se fit oindre avec l'huile sainte de l'extrême-onction, croyant ainsi satisfaire à l'usage. Lorsque, au contraire, le vrai et légitime roi, Charles de Valois, voulut être sacré, on trouva que la céleste liqueur était revenue miraculeusement dans l'ampoule, et il en fut oint au milieu d'infinies louanges et d'actions de grâces rendues à Dieu.
  Cette Pucelle fleurissait, et était dans tout l'éclat de sa gloire militaire, vers les années de salut MCCCC ; elle remporta une infinité de triomphes et de victoires ; cependant, comme elle avait prédit sa mort par le feu, elle tomba dans une bataille au pouvoir des Anglais ses ennemis, et fut par eux conduite à l'ancienne Rotomagus, maintenant Rouen. Là les Anglais qui avaient soif de sa mort la firent par ordre de leur roi iniquement condamner à la peine du feu, l'incriminant publiquement, par esprit de vengeance, d'être adonnée à la magie et à la sorcellerie.
  Telle fut la cruelle fin de la belle et vaillante Pucelle, à l'âge de vingtquatre ans, d'après ce que l'on m'a dit. Bien des années plus tard, Charles, ayant conquis Rouen, en mémoire de l'illustre Pucelle, fit élever, sur le lieu même où elle avait été brûlée, une grande croix de bronze doré, finement travaillée.

  Après la mort du roi Charles, Louis son fils, le père du roi actuel, attristé que celle qui avait sauvé le royaume eût été condamnée à une mort si ignominieuse et eût fini par un si cruel supplice, obtint du Pape l'envoi de Rome de deux auditeurs de Rote chargés de revoir le procès fait à la Pucelle sur l'ordre du roi d'Angleterre. Par suite, deux des mauvais juges furent cités ; un rapide examen du procès montra que tout avait été faux dans l'oeuvre entreprise contre la Vierge-Guerrière, et qu'elle avait vécu en fidèle catholique et bonne chrétienne. C'est pourquoi les deux juges survivants furent condamnés, et les restes de ceux qui étaient morts furent jetés au feu. Leurs biens confisqués servirent à la construction d'une belle église sur la place où la Pucelle avait été brûlée, et à une dotation qui permet d'y célébrer chaque jour un grand nombre de messes.
  Acte de piété digne de louanges, d'un roi qui n'a pas voulu que la mémoire d'une telle Vierge restât dans le souvenir des hommes entachée d'une odieuse sentence; car l'on doit croire que c'est la volonté de Dieu qui lui donna un si grand courage pour la gloire de Dieu et la délivrance du très chrétien royaume de France.

                                                 



Sources : Présentation et traduction : J.B.J Ayroles "La vraie Jeanne d'Arc – t.IV", p.258-263.

Notes :
1 Alain Chartier dit que c'est à Vaucouleurs qu'elle monta à cheval pour la première fois (la Paysanne et l'Inspirée, p. 253). Les témoins de son enfance n'ont rien vu de ces violents exercices.

2 Salisbury avait été tué depuis six mois lors de l'arrivée de Jeanne à Orléans.

3 Un an.




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