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La campagne du sacre d'après un résumé des archives de Reims - Jean Rogier.

e document qui va être produit ne peut que dans une large acception être donné comme un document contemporain de l'héroïne. C'est le résumé de pièces qui seraient aujourd'hui fort précieuses si le temps ne les avait détruites. Ce résumé est de la première partie du XVIIe siècle. Il a été fait par un notable bourgeois de Reims, Jean Rogier.
  Jean Rogier, membre de l'échevinage de sa ville natale, fut porté plusieurs fois au premier rang de la magistrature urbaine en qualité de procureur, c'est-à-dire comme administrateur des deniers municipaux.Il était curieux de connaître l'origine des institutions de la noble cité, l'histoire de Reiras durant les trois ou quatre derniers siècles. Avec son ami, Nicolas Bergier, comme lui curieux du passé, il se mit à étudier les chartes, les lettres et autres documents, dont plus que beaucoup d'autres villes Reims abondait. Il était en correspondance suivie avec le savant André Duchesne, et lui transmettait avec beaucoup de désintéressement les pièces qu'il découvrait, et croyait pouvoir lui être agréables. M. Varin, le laborieux éditeur des Archives de Reims, dans les prolégomènes historiques et biographiques mis en tête de ses compacts et nombreux volumes (p. CXXI), cite une longue lettre dans laquelle Rogier manifeste son regret de connaître bien imparfaitement le latin, et la difficulté qu'il éprouve à déchiffrer les vieilles écritures. L'aveu honore sa modestie et concilie l'estime à sa personne. Encore faut-il peut-être en tenir compte dans l'appréciation de certaines pièces de toute gravité que nous ne connaissons que par les analyses qu'il nous en a laissées. Telles, par exemple, les lettres de Regnault de Chartres sur la Pucelle.
  Rogier nous a conservé des détails intéressants sur la soumission de Troyes, Châlons et Reims, trois villes fort anglo-bourguignonnes, comme presque la Champagne entière, disposées à repousser toutes ensemble la Pucelle et le roi, et qui, soudainement, ouvrirent leurs portes. Nous lui devons la conservation de la lettre de Jeanne d'Arc aux habitants de Troyes, lettre courte mais singulièrement expressive, que l'on ne trouve que chez lui.
  Rogier semble avoir fini son travail en 1620 ; mais il ne cessa de le perfectionner jusqu'à sa mort, survenue en 1637. On possède plusieurs manuscrits de son oeuvre ; le meilleur est à la bibliothèque de Reims (2 vol. in-f°). C'est du moins le sentiment de Pierre Varin, que nous ne faisons qu'abréger, et chez lequel est pris l'extrait que l'on va lire.

- mise en Français plus moderne + passage consacré à Regnault de Chartres.

  "En l'an mil quatre cens vingt neuf, les Anglois ayans esté chassés du siége qu'ilz tenoient devant la ville d'Orléans par le secours de Jehanne la Pucelle, et toulte leur armée deffaicte ès environs de Baugency, Meun et aultres lieux, le daulphin, quy estoit le roy Charles septiesme (mais il sera ainsy nommé jusques a son arrivé à Troyes, affin de rendre conforme ce présent receuil aux lettres et advis quy sont cy rapportés), print résolution par l'advis de son conseil, de s'acheminer en Champaigne pour venir en la ville de Reims se faire sacrer et couronner roy de France ; et suyvant ce que le duc de Bourgoingne escrit aux habitans dudict Reims, faisant response aux lettres que lesdictz habitans lui avoyent escriptes, ledict daulphin avoit eu quelque assurance d'aucuns habitans de ladicte ville que, luy venant en Champaigne, les portes de la ville de Reims luy seroient ouvertes. Et dict ledict duc de Bourgoingne par ses lettres qu'il estoit adverty qu'aucuns desdictz habitans avoient, par lettres ou messages, mandé et faict venir lesdictz adversaires, en les assurans, qu'eulx venuz par dessa, que on leur feroit ouverture des portes de ladicte ville, avec entière obéissance ; et que aultrement ilz ne se fussent tant enhardis de venir en ces marches.
  Le cordelier qui fut pris par ceulx de Troyes, comme sera dict cy après, confirme fort ce que ledict duc de Bourgoingne en avoit escript ; disant à ceulx de Troyes qu'il avoit veu trois ou quatre bourgeois quy se disoient estre de la ville de Reims, lesquelz disoient entre aultres choses à iceluy daulphin qu'il allast seurement à Reims, et qu'ilz se faisoient forz de le mettre dedans ladicte ville ; encorre que l'istoire de France ne fasse poinct mention de ces particularités que l'on pouroit dire estre inventées ; mais il ne fault nullement doubter que cela n'ayt esté faict ainsy. Les lettres du duc de Bourgoingne sont encorre en bonne forme, et celles des habitans de Troyes touchant le rapport du cordelier, et puis les effectz quy ont ensuivis.
  Se recongnoist une grande prudence de la part des habitans dudict Reims au cours de cest acheminement du daulphin ; lesquelz, affin de ne donner mauvais soubçon d'eulx envers les chefs quy gouvernoyent pour l'Anglois, leur bailloient advis de tout ce qu'ilz entendoient dudict acheminement et de l'estat de ladicte ville de Reims, et mandoient que on empechast les passages audit daulphin ; mais de demander du secours pour deffendre et garder ladicte ville, pas ung mot, et n'en voulurent recepvoir, comme sera dit cy après. Et fault notter que depuis Orléans jusques audit Reims, tout estoit à la dévotion de l'Anglois.
  Philbert de Moulant ayant charge d'une compagnye de gens de guerre, estant à Nogent-sur-Seyne, escrivit aux habitans de Reims le premier jour de juillet audist an 1429, que le daulphin et sa puissance estoient à Montargis et se vantoient qu'ilz alloient à Sens, se promectans que ceulx de Sens leur feroient ouverture ; mais qu'il estoit bien assuré du contraire et qu'ilz attendoient le secours du roy d'Angleterre, de monseigneur le Régent et de monseigneur de Bourgoingne ; et que les habitans de ladicte ville avoient pris et portoient la croix de Sainct André ; et que les villes d'Auxerre et aultres du pays ne se soucyoient des Armagnaz ny de la Pucelle ; et que, sy lesdictz habitans de Reims avoient affaire de luy, qu'il les viendroit secourir avec sa compaignye, comme bon crestien doibt faire.
  Les habitans de la ville de Troyes baillèrent pareille advis aux habitans de Reims, et du mesme jour, leur mandans que les ennemys du roy et du duc de Bourgoingne estoient près d'Auxerre pour aller en la ville de Reims, et que, s'il advenoit que eulx fussent requis par lesdictz ennemys de faire quelque chose contraire au party qu'ilz tenoient, qu'ilz estoient délibérés de
faire response toulte négative, et de se tenir en ce party du roy et duc de Bourgoingne jusques à la mort inclusive.
  Le daulphin estant arrivé près la ville de Troyes le cinquiesme jour dudict moys de juillet, manda ausdictz habitans comme, par advis de son conseil, il avoit entrepris d'aller à Reims pour y recepvoir son sacre et couronnement, et que son intention estoit de passer le lendemain par ladicte ville de Troyes, et à ceste fin, leur mandoit et commandoit de luy rendre l'obéissance que luy debvoient, et qu'ilz se disposassent à le recevoir, sans faire difficulté ou doubte des choses passez, desquelz ils pourraient doubter qu'il en voulsist prendre vengeance : ce qu'il n'avoit en volonté ; mais que eulx se gouvernans envers leur souverain comme ilz doibvent, qu'il mettra tout en oubly et les tiendra en sa bonne grace.
  Jehanne la Pucelle escrivit pareillement ausdictz habitans en cest fasson :

                                                         JHESUS MARIA

  " Très chiers et bons amis, s'il ne tient à vous, seigneurs, bourgeois et habitans de la ville de Troies, Jehanne la Pucelle vous mande et fait sçavoir de par le roy du ciel, son droitturier et souverain seigneur, duquel elle est chascun jour en son service roial, que vous fassiés vraye obéissance et recongnoissance au gentil roy de France quy sera bien brief à Reins et à Paris, quy que vienne contre, et en ses bonnes villes du sainct royaume, à l'ayde du roy Jhesus. Loiaulx François, venés au devant du roy Charles et qu'il n'y ait point de faulte ; et ne vous doubtés de voz corps ne de voz biens, se ainsi le faictes. Et se ainsi ne le faictes, je vous promectz et certiffie sur voz vies que nous entrerons à l'ayde de Dieu en toultes les villes quy doibvent estre du sainct royaulme, et y ferons bonne paix fermes, quy que vienne contre. A Dieu vous commant, Dieu soit garde de vous, s'il luy plaist. Responce brief.
  Devant la cité de Troyes, escrit à Saint-Fale, le mardy quatriesme jour de jullet.
»
  Au dos desquelles lectres estoit escrit :
  " Aux seigneurs bourgeois de la cité de Troyes. "

  De tout ce que dessus lesdicts habitans de Troyes baillèrent advis aux habitans dudict Reims, en leur envoyans coppie desdictes lettres, comme on veoit par leurs lettres escriptes le mesme jour cincquiesme dudict mois de juillet, mandans comme ilz attendoient cest jour les ennemys du roy et du duc de Bourgoingne, pour estre siégez par eulx. A l'entreprise desquelz, quelque puissance qu'eussent lesdictz ennemys, veu et considéré la juste querelle qu'ilz tenoient et les secours de leurs princes quy leur avoient esté promis, qu'ilz estoient délibérés de bien en mieulx eulx garder et ladicte cité en l'obéissance du roy et du duc de Bourgoingne, jusques à la mort, comme ilz avoient tous juré sur le précieux corps de Jésus-Christ ; pryans lesdictz habitans de Reims d'avoir pitié d'eulx, comme frères et loyaulx amys, et d'envoyer par devers monseigneur le Régent et le duc de Bourgoingne, pour les requérir et supplyer de prendre pitié de leurs pauvres subgectz et les aller secourir.
  Et par aultres lettres escriptes du mesme jour à cinq heures après midy sur les murs de ladicte ville, lesdictz habitans de Troyes baillent advis à ceulx de Reims comme l'ennemy et adversaire en sa personne, avec sa puissance, estoit arrivé cedict jour, environ neuf heures du matin, devant leur ville, et les avoit assiégés ; et qu'il leur avoit envoyé ses lettres clauses signées de sa main, scellées de son scel secret, contenantes ce quy est cy devant transcript. Lesquelles lettres, après avoir esté leues au conseil, par délibération d'iceluy avoit esté respondu aux héraulx quy icelles avoient apportées, sans qu'ils eussent entrée en ladicte ville, que les seigneurs, chevaliers et escuyers quy estoient en ladicte ville de par le roy et le duc de Bourgoingne, avoient, avec eulx les habitans, juré et faict serment de ne souffrir entrer en ladicte ville de Troyes aucun quy fust plus fort qu'eulx, sans l'exprès commandement du duc de Bourgoingne : obstant lequel serment, ceulx qui estoient dedans ladicte ville ne l'y oseroient boutter ; et oultre plus, pour l'excusation de eulx, habitans, avoit esté joinct à icelle response que, quelque vouloir qu'ilz eussent, obstant la grande multitude des gens de guerre quy estoient en ladicte ville plus forts qu'eulx. Laquelle response ainsy faicte, ung chacun d'eulx s'estoient traist sur les murs et en sa garde, en intention et volonté ferme que, si on leur faisoit aucun effort, de résister jusques à la mort; et leur sembloit que, au plaisir de Dieu, ilz rendroient bon compte de ladicte cité, requérans derechef lesdictz habitans de Reims à ce qu'ilz eussent à envoyer par devers lesdictz régent et duc de Bourgoingne remonstrer leur nécessité. Ils mandoient aussy comme ilz avoient receu lettres de Jehanne la Pucelle, qu'ilz appeloient Cocquarde (1), laquelle ilz certifioient estre unne folle pleyne du diable, et que à sa lettre n'avoit ne ryme ny raison, et qu'après avoir faict lecture d'icelle et s'en estre bien mocqués, ilz l'avoient jectée au feu, sans luy faire aucunne response, d'aultant que ce n'estoit que mocquerye. Ils mandoient aussy que aucuns des compaignons de ladicte ville avoient pris ung cordelier, lequel avoit cogneu, confessé et juré en parolles de prestre et soubz le voeu de sa religion, qu'il avoit veu trois ou quatre bourgeois quy se disoient estre de la ville de Reims, lesquelz disoient entre aultres choses à iceluy daulphin qu'il allast seurement à Reims, et qu'ilz se portoient fortz de le mettre dedans ladicte ville. Et mandoient lesdictz de Troyes à ceulx de Reims que sur ce ilz prinssent advis, pour prendre garde à quy on se fioit.

   

  Les habitans de la ville de Chaalons ayans receu pareille advis desdictz habitans de Troyes touchans la venue et arrivée dudict daulphin, et d'abondant que les lettres de Jehanne la Pucelle avoient esté portés audict Troyes par ung nommé frère Richard le Prescheur, en baillèrent advis aux habitans de Reims, leur mandans qu'ils avoient esté fort esbahis dudict frère Richard, d'aultant qu'ilz cuidoient que ce fust ung très bon preudhomme, mais qu'il estoit venu sorcier. Mandoient aussy que lesdictz habitans de Troyes faisoient forte guerre aux gens dudict daulphin, avec plusieurs aultres parolles de bravade ; et que sur ces nouvelles, eulx de Chaalons avoient intention de tenir et résister de toultes leurs puissances allencontre desdictz ennemys.
  Les habitans de la ville de Reims receurent pareillement lettre dudict daulphin, escripte le quatriesme jour dudict mois de juillet, par laquelle il leur mande qu'ilz pourvoient bien avoir receu nouvelle de la bonne fortune et victoire qu'il avoit pleu à Dieu luy donner sur les Angloys, ses anciens ennemys, devant la ville d'Orléans, et depuis à Jargeau, Baugency et Meun sur Loire, en chascun desquelz lieux ses ennemys avoient receu très grand dommage ; et que tous leurs chefs, et des aultres jusques au nombre de quatre mil, y estoient que mors que demourés prisonniers : lesquelles choses estantes advenues plus par grace dyvine que euvre humain, par l'advis de son sang et lynage et de son Grand Conseil, il s'estoit acheminé pour aller en ladicte ville de Reims, pour y prendre son sacre et couronnement. Par quoy il leur mandoit que, sur la loyaulté et obéissance qu'ilz luy debvoient, qu'ilz se disposassent à le recevoir par la manière acoustumée de faire à ses prédécesseurs, et sans que, pour les choses passées et pour la doubte que l'on pourroit avoir que icelles il eust encore en sa mémoire, on en puisse faire aucune difficulté ; leur certifiant qu'en se gouvernant envers luy ainsy que faire on doibt, qu'il les traictera en toultes leurs affaires comme bons et loyaulz subjectz ; et pour estre plus avant informé en son intention, sy on vouloit aller quelqu'un de ladicte ville pardevers luy, qu'il en sera très contant, avec le hérault qu'il envoye, que l'on y pourroit aller seurement en tel nombre qu'ilz adviseroient, sans qu'il leur fust donné aucun empeschement. Donné à Brinon-l'Archevesque, le jour que dessus.
  Le seigneur de Chastillon (2), cappitayne de la ville de Reims, durant le temps de ces nouvelles n'estoit pas à Reims, ains estoit à Chasteau-Thiery : quy fut cause que les habitans de ladicte ville envoyèrent vers luy en diligence le bailly de Reims (3), le huictiesme jour dudict mois de juillet, et luy baillèrent advis de tout ce quy est contenu cy devant ; et mesmement que sur ces nouvelles ilz s'estoient assemblez pour y conclure (ce qu'ylz n'avoient peu faire pour le peu de gens qui s'estoient trouvés en ladicte assemblée) ; et que depuis ilz avoient faict assembler le commun par quartier ; lesquelz avoient tous respondu et promis de vyvre et mourir avec le conseil et gens notables de ladicte ville, et selon leur bon advis et conseil se gouverneroient en bonne union et paix, sans murmurer ne faire response, sy ce n'estoit par l'advis et ordonnance du cappitayne de ladicte ville ou de son lieutenant (4).
  Et sy eut charge ledict bailly de luy dire de la part desdictz habitans que on le recepvroit en ladicte ville avec quarente ou cincquante chevaulx, pour communicquer des affaires de ladicte ville, avec plusieurs aultres choses. Lequel seigneur de Chastillon, pour respondre à ce que dessus, envoya audict Reims Pierre de la Vigne, porteur de ses lettres, auquel il avoit donné certains articles par luy advisés, sur lesquelz, sur la crédence qu'il avoit donné audict la Vigne pour dire de par luy ausdictz habitans, demandoit qu'on luy fist response, et que, si on luy vouloit garder et entretenir sans enfraindre, qu'il se disposeroit de vyvre et mourir avec eulx.

Articles envoyés aux habitans de Reims par le seigneur de Chastillon, cappitaine de ladicte ville.

« Que ladicte ville soit bien et hastifvement emparée.
« Que pour garder icelle, fault avoir du moins trois ou quatre cens combatans qui y demeurent jusques à ce que l'entreprinse du daulphin soit faillie au regard de ladicte ville ; qu'il avoit escript à messeigneurs le régent et duc de Bourgoingne qu'ilz y envoyassent chevaliers et escuyers notables pour illecq résister à ladicte entreprinse : dont il n'avoit aucune response ; par quoy il estoit nécessaire d'envoier en la conté de Rethel, et partout où on pourra ès lieux voisins de la dicte ville, là où on en puisse finer.
« Item que, sy leur volonté est qu'il se mette dedans ladicte ville, qu'il ne le promectra point qu'il n'ayt la garde de ladicte ville et du chasteau de Porte-Mars, auquel il consentira que en iceluy, avec luy, ait cincq ou six notables personnes de ladicte ville. Et ce qu'il en faict, c'est pour doubte de la commotion du peuple, et pour ce qu'il luy semble que c'est pour leur bien et seureté ; et qu'il soit advisé des provisions nécessaires pour iceluy et ceulx quy l'assisteront et viendront avec luy, et comment on les pourroit gouverner et contanter.
« Lesquels articles sy l'on veult entretenir, qu'il est prest de se mettre avec eulx, et qu'il retient le double de ce que dessus pour sa descharge ; et que on lui veuille respondre hastifvement, d'aultant que, sy le daulphin venoit devant ladicte ville, qu'il ne s'y pourroit bouter. »

  On peult facilement juger par le comportement dudict seigneur de Chastillon sur les occurrances de ce temps, qu'il avoit recongneu que le dessein des habitans dudict Reims estoit de admettre et recepvoir ledict daulphin en ladicte ville. C'est pour quoy il ne veult pas y venir qu'il ne soit le plus fort.
  Depuis, ledict seigneur de Chastillon avec les seigneurs de Saveuse et de Lisle-Adam vindrent en ladicte ville de Reims avec grand nombre de leurs gens ; lesquelz seigneurs exposèrent plusieurs choses ausdictz habitans de la part du duc de Bourgoingne, et que l'armée, pour résister au daulphin, ne pouvoit estre preste que de cincq à six sepmaines. Lesquelles choses entendues par lesdictz habitans, ne voulurent permettre que les gens desdictz seigneurs entrassent dedans ladicte ville de Reims : quy fut cause que lesdictz seigneurs de Chastillon, de Saveuse et de Lisle-Adam se retirèrent.
  De toultes parts on escrivoit aux habitans de Reims, affin de les encourager à se maintenir en l'obéissance du roy et du duc de Bourgoingne : comme Colart de Mailly, bailly de Vermandois, escrivit le dixiesme du dict mois de juillet, que le duc de Bourgoingne et messire Jehan de Luxembourg debvoient entrer dedans Paris le jour précédent la date de ses lettres ; que les Anglois, en nombre de huict mil combatans, estoient descenduz en la conté de Boullongne, et que de bref il y auroit la plus belle et grande compaignye, pour résister aux ennemys, quy ait esté sont passés vingt ans, en ce royaulme ; et que le duc de Bourgoingne avoit envoyé son armée aux passages où estoient venus lesdictz ennemys, pour leur empescher le retour ; et qu'ilz ne s'en retourneroient pas tous en leurs lieux.
  Les habitans de la ville de Troyes ayans receu le roy Charles septiesme, lequel a tousjours esté appellé et nommé le daulphin jusqu'icy, en leur ville, ilz en baillèrent advis le mesme jour ausdictz habitans de Reims, quy estoit le unziesme dudict mois de juillet ; et leur mandèrent comme le roy Charles estant arrivé devant ladicte ville, oultre la lettre qu'il leur avoit escript, laquelle est cy devant mencionnée, qu'il leur avoit mandé que on pouvoit aller vers luy en toutte seuretté ; et que révérent père en Dieu monseigneur l'évesque de ladicte ville y estant allé, le roy leur remonstra et exposa très haultement et très prudamment les causes pour lesquelles il estoit arryvé par devers eulx ; disant que, par le trépas du feu roy son père, luy survivant estoit seul et unicque héritier dudict royaume ; et pour ceste cause, il avoit entreprins son voyage à Reims pour luy faire sacrer, et aux aultres partyes de son royaulme pour les réduire en son obéissance ; et qu'il pardonnerait tout le temps passé, sans rien réserver ; et qu'il les tiendrait en paix et franchise, telle que le roy sainct Loys tenoit son royaulme. Lesquelles choses estantes rapportées par devers eulx, en unne grande assemblée fut conclud et delibéré de luy rendre plénière obéissance, attendu son bon droict, quy est telle chose que chacun peult savoir, moyennant qu'il leur feroit abolition généralle de tous cas, et qu'il ne leur lairoit poinct de garnison, et qu'il aboliroit les aydes excepté la gabelle ; de quoy luy et son conseil furent d'accord. Et pour ces causes, lesdictz habitans de Troyes pryoient lesdictz habitans de Reims de vouloir faire audict roy plénière obéissance, telle qu'ilz l'avoient faict, affin d'eulx ensemble tousjours s'entretenir en unne mesme seigneurye, et qu'ilz puissent préserver leurs corps et leurs biens de périlz. Car, sy eulx ne l'eussent faict ainsy, ilz estoient tous perdus en corps et en biens, et ne vouldroient pas que ce fust à refaire ; et que leur desplaisoit d'avoir tant tardé ; et que l'on sera très joyeulx quand on l'aura faict, d'aultant que c'est le prince de la plus grande discrétion, entendement et vaillance que yssy de pièça de la noble maison de France.

   

  Jehan de Chastillon, seigneur de Troissy, frère du cappitayne de Reims, par sa lettre escripte à Chastillon le treiziesme dudict mois de juillet, mandoit aux habitans de Reims qu'il avoit entendu que l'entrée du roy en la ville de Troyes, n'avoit esté du consentement des seigneurs de Rochefort et de Plancy, ny de aultres seigneurs, chevaliers et escuyers de ladicte ville ; et que ladicte entrée avoit esté faicte par la séduction de l'évesque et du doien dudict Troyes, par le moien d'ung cordelier nommé frère Richart ; que le commun de ladicte ville alla ausdictz seigneurs, chevaliers et escuyers, en très grand nombre, leur dire que, s'ilz ne vouloient tenir le traicté qu'ilz avoient faict pour le bien publicque, qu'ilz mettroient les gens du roy dedans ladicte ville, voulsissent ou non.
  Ledict de Chastillon mandoit aussy que les ennemys n'avoient faict aucun effort, et qu'ilz n'avoient que manger et estoient près de passer oultre ; que lesdictz chevaliers et escuyers estoient sortys de ladicte ville par traicté, leurs corps et leurs biens saufs, et moyennant que de tous prisonniers qu'ilz avoient pris, ilz debvoient avoir de chascun ung marq d'argent ; et que celuy escuyer qui luy avoit apporté ces nouvelles, certifioit avoir veu Jehanne la Pucelle, et qu'il estoit présent quant les seigneurs de Rochefort, Philibert de Molan et aultres l'interrogèrent ; et qu'il leur avoit affermé par sa foy que c'estoit la plus simple chose qu'il vit oncques ; et qu'en son faict n'avoit ny rime ny raison, non plus qu'en le plus sot qu'il vit oncques; et ne la comparoit pas à sy vaillante femme comme madame d'Or (5); et que les ennemys ne se faisoient que mocquer de ceulx quy en avoient doubte.
  Regnault de Chartres, archevesque de Reims et chancelier de France, avoit tousjours assisté ledict roy Charles septiesme, mesmement durant le temps de sa régence, de sorte qu'il n'avoit eu aucunne part aux affaires quy s'estoient passées en la ville de Reims depuis l'entrée du duc de Bourgoingne en icelle. Estant à Troyes avec le roy, il manda aux habitans dudict Reims par ses lettres du douziesme dudict mois de juillet, qu'ilz eussent à se disposer pour recevoir le roy honnorablement à son sacre : à quoy faire il les prioit et exhortoit.
  Les habitans de la ville de Chaalons ayans pareillement receu ledict roy Charles en ladicte ville, en baillèrent advis aux habitans de Reims par leurs lettres du seiziesme dudict mois de juillet, leur mandans que le roy Charles avoit envoyé un hérault appelé Montjoye, veoir eulx, leur mandant par iceluy qu'ilz se disposassent à le recevoir et luy rendre plénière obéissance ; et que sur ce, ilz avoient depputés certains ambassadeurs de leur part pour aller vers luy à Lestré ; lesquelz furent benignement receuz et favorablement oys ; et que iceulx estans de retour en ladicte ville de Chaalons, et après avoir esté oys en générale assemblée, qu'ilz avoient tous conclud de recepvoir ledict roy Charles, et luy rendre entière obéissance, comme à leur souverain ; et aussy comme ilz avoient esté audevant de luy, luy porter les clefs de ladicte ville, lesquelles il avoit receu benignement ; et entra en ladicte ville. Par ladicte lettre louans fort la personne du roy, estant doulx, gracieux, piteux et misericors, belle personne, de bel maintient et hault entendement ; et que pour rien ilz ne vouldroient avoir faict aultrement ; et conseillent ausdictz habitans de Reims que le plustost, sans dilayer, et pour le mieulx, qu'ilz aillent au devant de luy, pour luy faire obéissance ; et qu'ilz en recepvront grande joye et honneur.
  Les habitans de la ville de Reims estans advertys de l'acheminement dudict roy Charles, envoyèrent au devant de luy juscques à Sept-Saulx nombre de notables bourgeois de ladicte ville, quy offrirent au roy plaine et entière obéissance comme à leur souverain, ainsy qu'il se voit par les lettres patentes données le susdit jour seiziesme du mois de juillet audict an mil quatre cens vingt neuf, audit lieu de Sept-Saulx, en forme de chartre.
  Le roy Charles septiesme, depuis son sacre, escripvit plusieurs lettres aux habitans dudict Reims, et s'en trouvent soixante et dix en nombre sans les patentes ; par aucunnes desquelles il demande ausdictz habitans nouvelles aydes pour l'entretenement de ses armées, comme aussy, grand nombre de munitions de guerre, canons, bombardes, pouldres, balles, nombre de charpentiers, massons et manouvriers, payez et entretenuz aux despens desdictz habitans, pour l'assister ès siéges de Laigny, Meaulx, Pontoise et aultres lieux. Il leur mande aussy le contantement qu'il avoit d'eulx et de ce qu'ilz avoient faict pour son service. Et combien que on luy eust faict de sinistres rapports contre la fidélité qu'ilz luy debvoient, qu'il n'y avoit voulu adjouster aucun ne foy, se tenant trop asseuré de leur fidelité ; qu'un nommé Jehan Labbé luy avoit dict qu'il y avoit plusieurs gens qui avoient promis de rendre ladicte ville de Reims au duc de Bourgoingne ; aultres qui avoient dict que le jour du sainct Sacrement on avoit entreprins d'y faire entrer ledict duc de Bourgoingne. Et tesmoigne par toutes ses lettres qu'il avoit ung grand soing de ladicte ville de Reims, et une grande confiance aux habitans d'icelle.

                                                         

  En l'an mil quatre cent vingt-neuf, les Anglais ayant été chassés du siège qu'ils tenaient devant la ville d'Orléans, par le secours de Jeanne la Pucelle, et toute leur armée ayant été défaite aux environs de Baugency, Meung, et en d'autres lieux, le Dauphin, qui était le roi Charles Septième (mais il sera ainsi nommé jusques à son arrivée à Troyes afin de rendre ce présent recueil conforme aux lettres et avis qui y sont rapportés), le Dauphin prit la résolution, par l'avis de son conseil, de s'acheminer en Champagne pour venir se faire sacrer et couronner roi de France, en la ville de Reims. Suivant ce que le duc de Bourgogne écrit aux habitants de Reims, en faisant réponse aux lettres que lesdits habitants lui avaient envoyées, le Dauphin avait eu quelque assurance de la part de quelques habitants de la ville que, s'il venait en Champagne, les portes de la ville de Reims lui seraient ouvertes. Le duc de Bourgogne dit dans ses lettres qu'il était averti que quelques-uns des habitants, par lettres ou par messages, avaient mandé et fait venir lesdits adversaires, en les assurant qu'une fois arrivés par ici, on leur ferait ouverture des portes de la ville et entière obéissance ; autrement ils n'auraient pas été si hardis que de venir en ces marches (6).
  Ce Cordelier qui fut pris par ceux de Troyes, comme il sera dit ci-après, confirme fort ce que le duc de Bourgogne en avait écrit, disant à ceux de Troyes, qu'il avait vu trois ou quatre bourgeois qui se donnaient comme de la ville de Reims, lesquels disaient entre autres choses à icelui Dauphin d'aller sûrement à Reims, et qu'ils se faisaient fort de le mettre dans la ville. Encore que l'histoire de France ne fasse point mention de ces particularités, que l'on pourrait croire inventées, il ne faut nullement douter que cela ne soit ainsi : les lettres du duc de Bourgogne sont encore en bonne forme ainsi que celles des habitants de Troyes touchant le rapport du Cordelier ; et aussi les effets ont suivi (7).
  Au cours de cet acheminement du Dauphin, on remarque une grande prudence de la part des habitants de Reims. Pour ne pas donner de mauvais soupçon contre eux aux chefs qui gouvernaient pour l'Anglais, ils leur baillaient avis de tout ce qu'ils apprenaient dudit acheminement et de l'état de la ville de Reims, et ils mandaient qu'on empêchât les passages dudit Dauphin ; mais pas un mot de demande de secours pour défendre et garder ladite ville, et ils n'en voulurent pas recevoir comme il sera dit ci-après. Il faut noter que depuis Orléans jusqu'à Reims tout était à la dévotion de l'Anglais.
  Philibert
de Meulan (8), à la tête d'une compagnie de gens d'armes, de Nogent-sur-Seine où il était, écrivit aux habitants de Reims, le 1er jour de juillet 1429, que le Dauphin et sa puissance étaient à Montargis et se vantaient d'aller à Sens, se promettant que ceux de Sens leur feraient ouverture; mais qu'il était bien assuré du contraire, qu'ils attendaient le secours du roi d'Angleterre, de Monsieur le régent et de Monseigneur de Bourgogne ; que les habitants de ladite ville avaient pris et portaient la croix de Saint-André, et que la ville d'Auxerre et les autres du pays ne se souciaient ni des Armagnacs, ni de la Pucelle, et que si les habitants de Reims avaient besoin de lui, il les viendrait secourir avec sa compagnie, comme bon chrétien doit faire.
  Les habitants de Troyes baillèrent pareil avis aux habitants de Reims, elle même jour, leur mandant que les ennemis du roi (d'Angleterre) et du duc de Bourgogne étaient près d'Auxerre pour aller à Reims, et que s'il advenait qu'eux-mêmes fussent requis par lesdits ennemis de faire quelque chose de contraire au parti qu'ils tenaient, qu'ils étaient délibérés de faire une réponse entièrement négative, et de se tenir au parti du roi et du duc de Bourgogne jusqu'à la mort inclusivement.
  Le Dauphin arriva près de la ville de Troyes le cinquième jour de juillet. Il manda aux habitants comment, par avis de son conseil, il avait entrepris d'aller à Reims pour y recevoir son sacre et son couronnement, que son intention était de passer le lendemain par la ville de Troyes, et à cette fin il leur mandait et commandait de lui rendre l'obéissance qu'ils lui devaient, de se disposer à le recevoir, sans être arrêtés par la difficulté ou la crainte des choses passées, pouvant penser qu'il en voulût prendre vengeance, ce qu'il n'avait pas en volonté ; mais que s'ils se gouvernaient envers leur souverain comme ils le devaient, il mettrait tout en oubli, et les tiendrait en sa bonne grâce.
  Jeanne la Pucelle écrivit pareillement auxdits habitants en cette façon :

                                                            Jhesus Maria,

  « Très chers et bons amis, s'il ne tient à vous, seigneurs, bourgeois et habitants de la ville de Troyes, Jehanne la Pucelle vous mande et vous fait savoir de par le roi du Ciel, son droiturier et souverain Seigneur, au service royal duquel elle est chaque jour, que vous fassiez vraie obéissance et reconnaissance au noble roi de France qui sera bien bientôt à Reims et à Paris, qui que vienne contre, et en ses bonnes villes du saint royaume, à l'aide du roi Jésus.
  Loyaux Français, venez au-devant du roy Charles et qu'il n' y ait point de faute, et n'ayez aucune inquiétude pour vos corps et vos biens si ainsi le faites. Et si ainsi ne le faites, je vous promets et certifie sur vos vies, que nous entrerons à l'aide de Dieu, en toutes les villes qui doivent être du saint royaume, et y ferons bonne paix ferme, qui que vienne contre.
  A Dieu vous recommande, Dieu vous garde, s'il lui plait. Réponse rapide
  Devant la cité de Troyes. Écrit à Sainct-Phal (9), le mardi quatrième jour de juillet. »

  Au dos desquelles lettres était écrit :
  " Aux seigneurs bourgeois de la cité de Troyes. "


  De tout ce qui est dit ci-dessus, les habitants de Troyes baillèrent avis aux habitants de Reims, en leur envoyant copie desdites lettres, comme on voit par leurs lettres écrites le même jour cinquième du mois de juillet, mandant comme ils attendaient ce jour les ennemis du roi et du duc de Bourgogne pour être assiégés par eux. Contre pareille entreprise, quelque puissance qu'eussent lesdits ennemis, vu et considéré la juste querelle qu'ils tenaient et les secours de leurs princes qui leur avaient été promis, ils étaient résolus de plus en plus de se garder eux, et ladite cité, en l'obéissance du roi et du duc de Bourgogne, et cela jusqu'à la mort, ainsi qu'ils l'avaient tous juré sur le précieux corps de Jésus-Christ. Ils priaient les habitants de Reims, comme frères et loyaux amis, d'avoir pitié d'eux, et d'envoyer par devers Monseigneur le régent, et le duc de Bourgogne pour les requérir et supplier de prendre pitié de leurs pauvres sujets et d'aller les secourir.
  Par d'autres lettres écrites le même jour, à cinq heures après midi, sur les murs de la ville, les mêmes habitants de Troyes baillent avis à ceux de Reims, comment l'ennemi et adversaire en sa personne, et avec sa puissance, était arrivé cedit jour, environ neuf heures du matin, devant la ville, et y avait mis le siège ; comment il leur avait envoyé ses lettres closes signées de sa main, scellées de son scel secret, contenant ce qui est transcrit ci-devant. Ces lettres ayant été lues au conseil, après délibération il avait été répondu aux hérauts qui les avaient apportées, et auxquels on n'avait pas donné entrée dans la ville, que les seigneurs, les chevaliers et écuyers qui étaient dans Troyes de par le roi et de par le duc de Bourgogne avaient juré et fait serment, et les habitants avec eux, de ne pas laisser entrer dans la ville quelqu'un de plus fort qu'eux ; et que à l'encontre de ce serment ceux qui étaient dans la ville n'oseraient y introduire ledit Dauphin ; et en outre, pour excuser les habitants, il avait été ajouté à cette réponse, que quel que fût leur vouloir, ils étaient empêchés par la grande multitude des gens de guerre présents dans la ville et qui étaient plus forts qu'eux. Cette réponse ainsi faite, un chacun s'était retiré sur les murs à son poste, avec l'intention et volonté ferme de résister jusqu'à la mort, si on faisait aucun effort contre eux ; et il leur semblait que, au plaisir de Dieu, ils rendraient bon compte de ladite cité ; et de nouveau ils requéraient les habitants de Reims d'avoir à envoyer par devers le régent et le duc de Bourgogne remontrer leur nécessité. Ils mandaient aussi comment ils avaient reçu des lettres de Jeanne la Pucelle qu'ils appelaient Coquarde, laquelle ils certifiaient être une folle pleine du diable, que sa lettre n'avait ni rime ni raison, et qu'après en avoir fait lecture et s'en être bien moqués, ils l'avaient jetée au feu, sans lui faire aucune réponse, d'autant que ce n'était que moquerie. Ils mandaient aussi que quelques-uns des compagnons de ladite ville avaient pris un Cordelier qui avait su, confessé et juré en paroles de prêtre et sous la foi de ses voeux de religion, qu'il avait vu trois ou quatre bourgeois se donnant comme de la ville de Reims qui entre autres choses disaient au Dauphin qu'il allât sûrement à Reims, et qu'ils se portaient forts de le mettre dedans ladite ville. Et iceux de Troyes mandaient à ceux de Reims de prendre avis sur ce, et d'observer à qui l'on se fiait.
  Les
habitants de Châlons reçurent pareils avis des habitants de Troyes touchant la venue et l'arrivée du Dauphin, et de plus, que les lettres de Jeanne la Pucelle avaient été portées à Troyes par un nommé Frère Richard le Prêcheur (10). Ils en baillèrent avis aux habitants de Reims, leur mandant qu'ils avaient été fort ébahis dudit Frère Richard, d'autant plus qu'ils estimaient que ce fût un très bon prud'homme; mais qu'il était devenu sorcier. Ils mandaient aussi que les habitants de Troyes faisaient forte guerre aux gens du Dauphin, avec plusieurs autres paroles de bravade ; et que, sur ces nouvelles, ceux de Châlons avaient intention de tenir et de résister de toutes leurs puissances à l'encontre desdits ennemis.
  Les habitants de Reims reçurent pareillement des lettres du Dauphin, écrites le quatrième jour de juillet, par lesquelles il leur mandait qu'ils pouvaient bien avoir reçu nouvelles de la bonne fortune et des victoires qu'il avait plu à Dieu de lui donner sur les Anglais, ses anciens ennemis, devant la ville d'Orléans, et depuis, à Jargeau, Baugency, Meung-sur-Loire, en chacun desquels lieux ses ennemis avaient reçu très grand dommage ; que tous leurs chefs, et des autres jusqu'à quatre mille, y étaient morts ou demeurés prisonniers. Ces choses étant advenues par grâce divine plus que par œuvre humaine, de l'avis des princes de son sang et lignage et de son grand conseil, il s'était acheminé pour aller en ladite ville de Reims afin d'y prendre son sacre et couronnement. Par quoi il leur mandait, sur la loyauté et l'obéissance qu'ils lui devaient, de se disposer à le recevoir de la manière accoutumée pour ses prédécesseurs, sans qu'on pût en faire aucune difficulté pour les choses passées, et par la crainte que l'on pourrait avoir qu'il les eût encore en sa mémoire, leur certifiant que s'ils se gouvernent envers lui ainsi que faire se doit, il les traitera en toutes leurs affaires comme bons et loyaux sujets. Pour être plus avant informé de leur intention, il serait très content qu'avec le héraut qu'il envoie, quelqu'un de ladite ville voulût venir par devers lui, que l'on pourrait y aller sûrement en tel nombre qu'ils l'aviseraient, sans qu'il y fût mis aucun empêchement. Donné à Brienon-l' Archevêque (11) le jour que dessus.
  Le seigneur de Châtillon, capitaine de la ville de Reims, durant le temps de ces nouvelles, n'était pas à Reims, mais à Château-Thierry ; ce qui fut cause que les habitants de ladite ville envoyèrent vers lui en diligence le bailli de Reims, le huitième jour du même mois de juillet. Ils lui baillèrent avis de tout ce qui a été rapporté ci-devant ; et de plus, sur ces nouvelles, ils s'étaient assemblés pour prendre un parti, ce qu'ils n'avaient pas pu faire à cause du peu de gens qui s'étaient trouvés en l'assemblée ; que depuis ils avaient fait assembler le commun (le peuple) par quartiers ; que tous avaient répondu et promis de vivre et de mourir avec le conseil et les gens notables de la ville, de se gouverner en bonne union et faire selon leur bon avis et conseil, sans murmurer, ni sans faire réponse autrement que par l'avis et l'ordonnance du capitaine de la ville ou de son lieutenant. Le bailli eut charge de lui dire, parmi plusieurs autres choses, qu'on le recevrait dans la ville avec quarante ou cinquante chevaux, pour communiquer des affaires de la ville.
  Le seigneur de Châtillon envoya à Reims, pour répondre à ce que dessus, Pierre de la Vigne porteur de ses lettres, auquel il avait remis certains articles dressés par lui, avec créance pour les dire de par lui aux habitants, demandant qu'on lui fît réponse, et que si on voulait les garder et entretenir sans les enfreindre, il se disposerait à vivre et à mourir avec eux.

  Articles envoyés aux habitants de Reims par le seigneur de Châtillon, capitaine de ladite ville :

  « Que ladite ville soit bien et hâtivement emparée (mise en état de défense).
  « Pour garder icelle, il faut avoir au moins trois ou quatre cents combattants qui y demeurent jusqu'à ce que l'entreprise du Dauphin contre elle soit faillie ; il avait écrit à Monseigneur le régent et au duc de Bourgogne d'y envoyer chevaliers et écuyers notables pour y résister à ladite entreprise, il n'avait aucune réponse ; c'est pourquoi il était nécessaire d'envoyer en la comté de Rethel, et partout où l'on pourra dans les lieux voisins de la ville, là où il y aura possibilité d'en trouver.
  « Si leur volonté est qu'il se mette dans la ville, il ne le promettra qu'à la condition d'en avoir la garde ainsi que du château de Porte-Mars, dans lequel il consentira bien qu'avec lui s'y trouvent cinq ou six notables de la môme ville. Il en agit ainsi par crainte de la commotion du peuple, et parce qu'il lui semble que c'est dans leur intérêt et pour leur sécurité. Que l'on pourvoie à ce qu'il y ait des provisions nécessaires pour lui et pour ceux qui l'assisteront et viendront avec lui, et comment on pourrait les gouverner et contenter.
  « Si l'on veut observer ces articles, il est prêt de se mettre avec eux ; pour sa décharge il garde le double de cette stipulation ; qu'on lui réponde hâtivement, d'autant que si le Dauphin venait devant la ville il ne pourrait s'y bouter. »

  On peut facilement juger par la conduite du seigneur de Châtillon en ces occurences, qu'il avait reconnu que le dessein des habitants de Reims était d'admettre et de recevoir le Dauphin dans la ville. C'est pourquoi il ne voulait pas y venir qu'il ne fût le plus fort.
  Depuis, le même seigneur de Châtillon avec les seigneurs de Saveuse et de l'Isle-Adam vinrent en la ville de Reims avec un grand nombre de leurs gens ; ils exposèrent plusieurs choses aux habitants de la part du duc de Bourgogne et en particulier que l'armée destinée à résister au Dauphin ne pouvait être prête que dans cinq à six semaines. Sur quoi lesdits habitants ne voulurent point permettre que les gens desdits seigneurs entrassent dans la ville de Reims, ce qui fut cause que les seigneurs de Châtillon, de Saveuse et de l'Isle-Adam se retirèrent.
  De toutes parts on écrivait aux habitants de Reims pour les encourager à se maintenir en l'obéissance du roi [d'Angleterre] et du duc de Bourgogne. Ainsi Colart de Mailly, bailli de Vermandois, écrivit le dixième jour de juillet, que le duc de Bourgogne et messire Jean de Luxembourg devaient entrer à Paris le jour qui précédait la date de ses lettres ; que les Anglais, au nombre de huit mille combattants, étaient descendus en la comté de Boulogne, et que, de bref, il y aurait pour résister aux ennemis la plus belle et grande compagnie qui ait été depuis vingt ans en ce royaume ; que le duc de Bourgogne avait envoyé son armée aux passages par où étaient venus les ennemis pour empêcher leur retour, et qu'ainsi ils ne retourneraient pas tous en leurs lieux.

 
  Les habitants de Troyes ayant reçu en leur ville le roi Charles Septième, qui jusqu'alors avait été appelé et nommé le Dauphin, ils en baillèrent avis le même jour qui était le onzième de juillet, aux habitants de Reims. Ils leur mandèrent comment le roi Charles étant arrivé devant leur ville, outre la lettre déjà mentionnée, qu'il leur avait fait savoir qu'on pouvait aller devers lui en toute sécurité, que Révérend Père en Dieu Monseigneur leur évêque y étant allé, le roi leur remontra et exposa très hautement et très prudemment les causes pour lesquelles il était arrivé devers eux, disant que, par le trépas du feu roi son père, lui survivant était le seul et unique héritier du royaume ; que, pour ce motif, il avait entrepris le voyage de Reims afin de s'y faire sacrer, et qu'il se rendrait dans les autres parties de son royaume afin de les réduire en son obéissance; qu'il pardonnerait tout le passé sans rien réserver, et qu'il tiendrait ses sujets en paix et en franchise telle que le roi saint Louis tenait son royaume. Ces choses leur ayant été rapportées, il fut délibéré et conclu en une grande assemblée de lui rendre plénière obéissance, attendu son bon droit, qui est tel que chacun peut le savoir, moyennant qu'il leur ferait abolition générale de tous les cas, qu'il ne leur laisserait point de garnison, et qu'il abolirait les aides, la gabelle exceptée ; ce dont lui et son conseil furent d'accord. Pour ces causes, les habitants de Troyes priaient les habitants de Reims de faire audit roi plénière obéissance telle qu'ils l'avaient faite, afin de s'entretenir toujours ensemble en une même seigneurie et de pouvoir préserver de périls leurs corps et leurs biens ; car, s'ils ne l'avaient pas ainsi fait eux-mêmes, ils étaient tous perdus de corps et de biens, et ils ne voudraient pas que ce fût à faire ; il leur déplaisait d'avoir tant tardé; l'on sera très joyeux, quand on l'aura fait, d'autant plus que c'est le prince de la plus grande discrétion, entendement et vaillance, qui de longtemps soit issu de la noble maison de France.
  Jean de Châtillon, seigneur de Troissy, frère du capitaine de Reims, par sa lettre écrite de Châtillon le treizième jour de juillet, mandait aux habitants de Reims qu'il avait appris que l'entrée du roi en la ville de Troyes ne s'était pas faite du consentement des seigneurs de Rochefort et de Plancy, ni des autres seigneurs, chevaliers et écuyers qui s'y trouvaient; que ladite entrée avait été faite par la séduction de l'évêque et du doyen de Troyes, par le moyen d'un Cordelier nommé Frère Richard. Le commun de ladite ville (le peuple) alla en très grand nombre vers lesdits seigneurs, chevaliers et écuyers, leur dire que s'ils ne voulaient pas tenir le traité qu'ils avaient fait pour le bien public, ils mettraient les gens du roi dans la ville, qu'ils le voulussent on non. Ledit de Châtillon mandait aussi que les ennemis n'avaient fait aucun effort, qu'ils n'avaient pas de quoi manger et étaient près de passer outre ; que lesdits chevaliers et écuyers étaient sortis de la ville par traité, leurs biens et leurs corps saufs, moyennant qu'ils auraient un marc de chacun des prisonniers qu'ils avaient pris. L'écuyer qui lui avait apporté ces nouvelles certifiait avoir vu Jeanne la Pucelle, qu'il était présent quand les seigneurs de Rochefort, Philibert de Molant et d'autres l'interrogèrent ; qu'il leur avait affirmé par sa foi que c'était la plus simple chose qu'il vît jamais, et qu'en son fait il n'y avait ni rime ni raison, non plus que dans le plus sot qu'il vit oncques ; il ne la comparait pas à si vaillante femme comme madame d'Or, et que les ennemis ne faisaient que se moquer de ceux qui en avaient crainte.
  Regnault de Chartres, archevêque de Reims et chancelier de France, avait toujours assisté le roi Charles VII, spécialement durant le temps de sa régence, de sorte qu'il n'avait eu aucune part aux affaires qui s'étaient passées dans la ville de Reims depuis l'entrée du duc de Bourgogne en cette ville. Étant à Troyes avec le roi, il manda aux habitants de Reims, par ses lettres du douzième de juillet, qu'ils eussent à se disposer pour recevoir honorablement le roi à son sacre ; à quoi faire il les priait et exhortait.
  Les habitants de la ville de Châlons ayant pareillement reçu le roi Charles en leur ville, en baillèrent avis aux habitants de Reims par leurs lettres du seizième de juillet. Ils leur mandaient que le roi Charles avait envoyé vers eux un héraut appelé Montjoie, leur disant par icelui de se disposer à le recevoir et à lui rendre pleine obéissance, et que sur ce, ils avaient député certains ambassadeurs pour aller de leur part vers lui à Lestré; qu'ils y furent bénignement reçus et favorablement ouïs ; à leur retour à Châlons, après avoir été entendus en assemblée générale, il avait été conclu par tous de recevoir le roi Charles, et de lui rendre entière obéissance comme à leur souverain; qu'ils avaient été au-devant de lui porter les clefs de la ville qu'il avait reçues bénignement ; après quoi il était entré dans la ville. Dans ces lettres ils louent fort la personne du roi, comme étant doux, gracieux, compatissant et miséricordieux, belle personne, de beau maintien et de haut entendement, disant que pour rien au monde ils ne voudraient avoir fait autrement ; ils conseillent aux habitants de Reims d'aller au-devant de lui pour lui faire obéissance au plus tôt, sans délai et pour le mieux ; ils en recevront grande joie et honneur.
  Les habitants de Reims, avertis de l'acheminement du roi Charles, envoyèrent au-devant de lui jusqu'à Sept-Saulx nombre de bourgeois de la ville qui offrirent au roi comme à leur souverain pleine et entière obéissance, ainsi qu'il se voit par les lettres patentes données le susdit seizième jour de juillet 1429, en ce même lieu de Sept-Saulx, par lesquelles il abolit et met du tout à néant ce que les gens d'Eglise, noblesse, échevins, bourgeois et habitants de la ville et cité de Reims avaient fait durant les divisions qui avaient été longuement au royaume de France.
  Le roi Charles VII, depuis son sacre, écrivit plusieurs lettres aux habitants de Reims; sans les lettres patentes on en trouve soixante-dix. Dans quelques-unes, il demande aux habitants de nouvelles aides pour l'entretien de ses armées, comme aussi grand nombre de munitions de guerre, canons, bombardes, poudres, balles, nombre de charpentiers, maçons et manouvriers, payés et entretenus aux dépens desdits habitants, pour l'assister aux sièges de Lagny, Meaux, Pontoise et autres lieux. Il leur mande aussi le contentement qu'il avait d'eux, et de ce qu'ils avaient fait pour son service, et encore qu'on lui eût fait de sinistres rapports contre la fidélité qu'ils lui devaient, il n'avait voulu y ajouter aucune foi, se tenant trop assuré de leur fidélité; qu'un nommé Jean Labbé lui avait dit qu'il y avait plusieurs gens qui avaient promis de rendre la ville de Reims au duc de Bourgogne, d'autres qui avaient dit que le jour du Saint-Sacrement on avait entrepris d'y faire entrer le duc de Bourgogne, et il témoigne par toutes ses lettres qu'il avait un grand soin de la ville de Reims, une grande confiance aux habitants d'icelle.


Passage concernant Jeanne d'Arc non reporté par Quicherat et présentation d'Ayroles :

  Voilà avec le contexte le fameux passage sur Jeanne d'Arc. Il est manifeste que, en résumant les quatre-vingt-quinze lettres de l'Archevêque- chancelier aux bourgeois de la ville archiépiscopale, Rogier n'a nullement suivi l'ordre chronologique. Avant de parler des malencontreuses missives de Regnault de Chartres sur celle qu'il avait approuvée à Poitiers, l'Abréviateur rapporte celles qui regardent le congrès d'Arras, qui fut tenu cinq ans après la prise de Jeanne; d'un bond, après avoir narré l'intervention du triste berger du Gévaudan, il en vient au rachat du duc d'Orléans, qui ne fut opéré que dix ans après la sortie de Compiègne. Ce pêle-mêle n'est pas sans diminuer l'autorité d'une pareille analyse. On voudrait avoir le texte même de l'incrimination du prélat sur la mémoire duquel pèsent semblables lignes. Il est manifeste que le chancelier a parlé de la Libératrice dans plusieurs de ses lettres, et la conjecture émise dans la Pucelle devant l'Église de son temps devient certitude, quand on lit le passage entier de l'échevin de Reims. Il a été déjà discuté. Les inculpations du malheureux pastour contre celle qu'il prétendait sottement remplacer et continuer n'atteignent pas la Vénérable ; elles retombent sur celui qui s'en est fait l'écho. Quand toutes les pièces auront été produites, il faudra revenir sur le rôle de l'Archevêque-chancelier.
  Rogier ne dit rien de la cérémonie du sacre de Charles VII ; il a cru sans doute qu'il suffisait du livre où il a raconté d'une manière générale comment les choses devaient se passer. Les détails en sont très intéressants, et le seraient bien plus, s'il n'avait pas semé de grosses et nombreuses fautes de latin les multiples oraisons liturgiques, si propres à donner la juste idée de la royauté chrétienne et de la souveraineté, telle que l'Église la conçoit.
  Ce que Rogier ne nous a pas décrit, trois seigneurs angevins vont le mettre sous nos yeux.


  Regnault de Chartres, archevêque de Reims et chancelier de France, par quatre-vingt-quinze lettres missives que depuis le sacre du roi Charles il écrivit aux habitants de Reims, se reconnaît une grande affection et bonne volonté à leur égard. Il leur baille avis de toutes les affaires qui se passaient tant pour la guerre que pour les traités de paix, il assiste tant de sa faveur que de ses moyens les députés de Reims qui étaient journellement en cour pour les affaires de la ville ; il prêta auxdits habitants la somme de quatre mille livres pour bailler à Monsieur le Connétable, afin de l'aider à entretenir son armée occupée en Champagne à réduire les places à l'obéissance du roi ; et sur la nécessité qu'il dit en une de ses lettres avoir de son argent, il jure sur sa foi qu'il paye ses dépens en la campagne, comme il le fait dans les villes ; ce qui fait croire que cela n'était pas commun, parmi les seigneurs de sa qualité, de payer la campagne.
  Sur les fausses nouvelles qu'un nommé Jean le Gros faisait courir, pour intimider le peuple, que le duc de Bourgogne était aux champs avec une grande armée, que le roi d'Angleterre était arrivé à Calais, ledit Archevêque mande que le roi a donné bon ordre partout. Il donne avis des offres que ledit duc avait faites à Guillaume de Flavy, gouverneur de Compiègne, pour qu'il lui rendît ladite ville, lui offrant un grand mariage de plusieurs milliers de saluts d'or, et que ledit Flavy lui avait répondu que ladite ville appartenait au roi, et non à lui.
  Il mande aussi qu'il était averti que quelques habitants avaient entrepris de mettre la ville de Reims entre les mains du duc de Bourgogne, il prie que l'on fasse bonne garde, de se représenter ce qui avait failli arriver à Troyes; qu'il est averti que quelques-uns de Paris, pleins de toute iniquité, avaient envoyé à Reims un religieux des Blancs-Manteaux, afin que par son moyen et par le moyen d'autres de la ville, tant gens d'Église que séculiers, ils pussent mettre à perdition ladite ville et plusieurs personnes de tous états, qu'il avait mandé à son official et à ses autres officiers d'en faire justice, et il requiert de par le roi qu'on y tienne la main... Il mande que l'on fasse sortir les gens de guerre qui étaient à Beyne, qu'il fera sortir les Écossais qui étaient dans Cormicy, qu'il a eu avis de la déloyauté de Jean Labbé, qu'il n'avait pas voulu ajouter foi à ses fausses paroles, et il mandait que justice en fût faite.
  Il donne avis des abstinences de guerre prises avec le duc de Bourgogne, de la commission qu'il avait avec Monsieur le Connétable pour traiter de la paix avec ledit duc, et de plusieurs particularités qui se sont passées pendant le temps du pourparler de paix, de ce qui se passait avec l'Anglais, de la journée prise à Arras pour faire la conclusion de ladite paix, en laquelle se devraient trouver quatre Cardinaux.
  Il donne pareillement avis de la prise de Jeanne la Pucelle devant Compiègne, et comme elle ne voulait croire conseil, mais faisait tout à son plaisir; qu'il était venu vers le roi un jeune pastour gardeur de brebis des montagnes de Gévaudan en l'évêché de Mende, lequel disait ne plus ne moins qu'avait fait Jeanne la Pucelle, et qu'il avait commandement de Dieu d'aller avec les gens du roi, et que sans faute les Anglais et Bourguignons seraient déconfits; et sur ce qu'on lui dit que les Anglais avaient fait mourir Jeanne la Pucelle, il leur répondit que tant plus il leur en mécherrait (arriverait mal) ; et que Dieu avait souffert qu'on prît Jeanne la Pucelle, parce qu'elle s'était constituée en orgueil, et pour les riches habits qu'elle avait pris, et qu'elle n'avait pas fait ce que Dieu lui avait commandé; ains avait fait sa volonté.
  Il mandait aussi comme Monsieur le duc d'Orléans, lequel avait été tenu vingt-cinq ans prisonnier en Angleterre, était arrivé à Calais, et de là était allé à Gravelines, etc...

                                                 


Source : Texte original : Quicherat, t.IV p.284 et suiv.
Présentation et mise en Français plus moderne : J.B.J. Ayroles, t.III, p.351 et suiv.

Notes :
1 Le sens du mot coquard a beaucoup varié. Dans l'origine il signifiait un beau, un homme à la mode. Coquarde peut passer ici pour l'équivalent de hâbleuse, femme sans consistance. (Quicherat).

2 Guillaume, seigneur de Chastillon et de la Ferté en Ponthieu, grand queu de France, affidé de Jean de Luxembourg. Il tint Épernay pour les Anglais jusqu'au 23 octobre 1435. Rogier, ibid., f° 162.

3 Ce bailly s'appelait Guillaume Hodierne.

4 On voit par les Comptes des deniers communs de Reims, que le sire de Chastillon avait deux lieutenants, savoir Jean Cauchon et Thomas de Bazoches, tous deux écuyers. Thomas de Bazoches fut le seul fonctionnaire présent lorsque Charles VII fit son entrée. Varin, ibidem, p. 910 et 612.

5 Une servante, ou mieux une baladine, attachée à la cour de Bourgogne, qu'elle égayait par ses tours de force et par ses farces. Sa longue chevelure blonde lui avait valu le nom de « madame d'Or ». (Ayroles).
Inconnue de Quicherat.

6 C'est, ce semble, une conjecture faite par ceux qui, ne croyant pas à la mission de la Pucelle, ne pouvaient pas s'expliquer la marche si hardie de Charles VII en plein pays ennemi. (Ayroles)

7 Tout ce passage de Rogier est peu intelligible. S'agit-il du Cordelier Richard ou de l'un de ses confrères ? Richard n'a pas été pris par les Troyens. Lui-même n'a cru à Jeanne d'Arc que lorsqu'elle est arrivée à Troyes. Les effets qui ont suivi avaient une autre cause, sur laquelle Rogier passe trop légèrement. (Ayroles)

8 Philibert de Meulan était probablement un de ces condottieri de l'époque, dont le métier était de se battre, et qui n'aimaient pas à chômer. Il ne semble pas que Charles VII ait voulu passer par Sens dans ce premier voyage. Les habitants de Reims, quoique insinue Rogier, furent anglo-bourguignons très chaleureux; mais ils ne se souciaient pas d'avoir dans leurs murs des auxiliaires non moins onéreux pour leurs alliés que pour leurs ennemis.

9 Saint-Phal, à 20 kilomètres de Troyes, possédait alors un château dont on peut reconnaître la vaste enceinte. Le seigneur était, en 1429, Etienne de Vaudry, comte de Joigny, gouverneur du Tonnerrois. Il était Bourguignon.

10 Ce n'est que sous les murs de Troyes que Jeanne et le Frère Richard se sont rencontrés pour la première fois. Nous en avons pour garant la parole de Jeanne elle-même.

11 Brienon-l'Archevêque, à quatre lieues de Joigny, et moins de trois de Saint-Florentin.

Commentaires d'Ayroles :
Rogier compilait les archives de Reims deux siècles après le miracle de la Pucelle. Il parle peu de Libératrice, dont il ne semble pas avoir compris la mission. Cependant Jeanne adressa plusieurs lettres à Reims...Le duc de Bourgogne conserva à Reims, un an après le sacre, des partisans qui cherchaient à l'y introduire de nouveau, et lui-même, après les trêves qui alarmèrent profondément les Rémois, chercha à reprendre la ville. De là les lettres de la Pucelle à la ville du sacre.
Rogier, dans son résumé de la correspondance de l'Archevêque-chancelier avec sa ville épiscopale, prête au prélat, à l'occasion de la prise de l'héroïne, des paroles entachant profondément sa mémoire. Pour que le lecteur soit mieux en état de les apprécier, elles vont être citées dans leur contexte, avec ce qui précède et ce qui suit, encore que la citation doive être un peu longue.

NDLR : Nous rejoignons le père Ayroles lorsqu'il dit que Rogier n'a pas compris la mission de Jeanne. Son résumé semble être celui d'un Bourguignon
!!



Les témoignages

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Les autres témoignages :
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- le traité de J.Gelu
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- la chronique de Lille
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