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Les mémoires de Le Fèvre de Saint-Rémy - index
Chap.152 - [Comment le daulphin fut couronné roy de France à Rains. De
pluiseurs villes quy se rendirent à luy. Comment le duc de Bethfort luy alla
allencontre et presenta la battaille. Des faictz de la Pucelle quy mena le roy
devant Paris.]

ous avez ouy comment Jehenne la Pucelle fut tellement en bruit entre les gens de guerre, que réalment ilz créoient que c'estoit une femme envoyée de par Dieu, par laquelle les Anglois seroient reboutez hors du royaulme. Icelle Pucelle fut menée vers le daulphin, quy vollentiers la vey et qui, comme les aultres, adjousta en elle grant foy et feist ung grant mandement où furent grant nombre de princes de son sang, c'est assavoir les ducz de Bourbon, d'Alençon et de Bar, Artus, connestable de France, les contes d'Erminacq, de Patriac, et Vendosme, le seigneur de Labreth, le bastart d'Orléans, le seigneur de La Trimoulle et pluiseurs grans seigneurs de Franche et d'Escoche. Et fut moult grande la puissance du daulphin, à tout laquelle se tira droit à Troies en Champaigne ; et luy fut promptement la ville rendue, et luy firent obéyssance ; aussy firent ceulx de Chalons et de Rains. En laquelle ville de Rains il fut sacré, oingt et couronné roy de France. Ainsy fut Charles, septiesme de ce nom, sacré à Rains comme vous avez ouy.

        

  Apprès ce que le roy eult sejorné ung petit de temps en la ville de Rains, il s'en alla en une abbaye où on aoure saint Marcoul, nommé Corbeny, là où on dist que il prent la dignité et previllége de garir les escroelles. Ces choses faictes, il passa la rivière de Marne et se trouva à Crespy-en-Vallois. Quant le régent sceult que le roy avoit esté sacré à Rains et qu'il marchoit eu paiis pour tirer droit à Paris, il assambla une grande compaignye d'Anglois et de Picars entre lesquelz estoient messire Jehan de Crequy, messire Jehan de Croy, le bastard de Sainct-Pol, messire Hue de Lannoy, saige et vaillant chevallier, Jehan de Brimeu et aultres, lesquelz se trouvèrent en grant puissance en ung villaige nommé Mittri en France, et les Franchois et leur puissance estoient en ung aultre villaige nommé ... (1), à deulx lieues près de Crespy-en-Vallois, et la estoient le duc d'Alenchon, ladicte Pucelle et pluiseurs aultres capitaines. Le régent quy desiroit la battaille contre les Franchois, approcha d'eulx jusques à une abbaye quy s'appelle La Victoire, laquelle n'est point loing d'une tour qui s'appelle Mont-Espilloy (2), et là arriva environ my aoust l'an mil CCCC XXIX.
  Le roy ouy messe à Crespy, puis monta à cheval armé d'une brigandine et se tira aux champs, là où il trouva une belle compaignye et grande quy l'attendoit. Touteffois, le duc d'Alenchon et la Pucelle estoient dès jà devant et se trouvèrent bien près des Anglois, avant que le roy venist. Et quant le roy fut arivé, lui et ses gens, ordonnèrent une belle grande battaille à cheval, et avec che, deulx aultres compaignies à manière de deulx elles ; et avecques che avoit un grant nombre de gens de piet. Et quant aux Anglois, ilz ne firent que une battaille et tout à piet, excepté le bastard de Sainct-Pol, messire Jehan de Croy et aulcuns autres en petit nombre, lesquelz, quant ilz veyrent les Franchois qui, quant aux hommes d'armes ne descendoient point à piet, montèrent à cheval, comme dit est.

        

  Ce jour, faisoit grant challeur et merveilleusement grant poulsière. Or advint qu'à l'ung des boutz de la battaille des Anglois, les Franchois firent tirer la plus part de leurs gens de traict avec une compaignie de gens de cheval et assaillirent les Anglois. Et là y eult maintes flesches tirées, tant d'un costé comme d'aultre. Et pour renforchier les gens où la battaille s'estoit commenchée, le régent y envoya une compaignie sans ce que les battailles laissasssent oncques leur ordonnance, ne Franchois, ne Anglois. Et quant les Franchois veirent que Anglois et Picars tindrent piet et vaillamment combattirent, ilz se retrayrent et oncques puis n'abordèrent enssemble l'ung contre l'aultre, sinon par escarmuches. Et, comme je oy dire, celuy de tous quy mieulx se moustra ce jour le plus homme d'armes et qui plus y rompy de lances, ce fut le bastard de Sainct-Pol. Messire Jehan de Croy y fut affolé d'un piet, tellement que toutte sa vie demoura affolé. Icelle journé se passa ainsy comme vous avez ouy, sans aultre chose faire. Et quand ce vint envers soleil couchant, le roy se tira en la ville de Crespy, et les aultres se tirèrent ès villaiges là entour.
  Or fault parler des Anglois. Vray est que aulcuns veyrent bien la retraicte des Franchois ; si les volloient aucuns poursievir ; mais le régent ne le volt pas souffrir pour le doubte des embusches ; car, comme oy nombrer les Franchois, ilz estoient de cinq à six mille harnois de jambes. Quant les Franchois furent ainsy partis, les Anglois logèrent en une abbaye là environ et envoyèrent querir des vivres à Senlis. Le lendemain le roy et toutte sa puissance se mirent en belle ordonnance auprès de la ville de Crespy, avec eulx tous chariotz et bagaiges ; et ces choses faictes, se mist auz champs et tourna le dos aux Anglois, et s'en alla en la ville de Compiengne, laquelle lors tenoit le party des Anglois ; mais, sans contredit nul, feirent ouverture au roy et le receurent à grant joye. Et là sejourna le roy cincq jours et y tint conseil de ce qu'il avoit affaire. Et quant le régent sceult que le roy estoit à Compiengne entré sans contredit, il se doubta fort que pluiseurs villes quy lors estoient en leur obéyssance, ne se tournassent du party du roy : pour laquelle cause, avecque sa puissance retourna à Paris, et là laissa Loys de Luxembourg, évesque de Therouenne et chancelier de France pour les Anglois, le seigneur de l'Ille-Adam, lors mareschal de France, et aussy pluiseurs seigneurs d'Angleterre, ausquelz il bailla en garde ladicte ville de Paris, et s'en alla en Normendie pour pourvoir aux gardes des bonnes villes et forteresses. Quant le roy eult séjourné à Compiengne, comme dict est, il prinst son chemin avecques toute sa puissance, pour venir droit à Paris ; car la Pucelle luy avoit promis de le mectre dedens, et que de ce ne se debvoit point doubter. Touteffois, elle y failly, comme vous orrez.
  Au partir de Compiengne, le roy tira droict à Senlis, laquelle ville luy fist obéyssance, puis à Sainct-Denis, et entra dedans. Et apprès fut ordonné par les remonstrances que la Pucelle faisoit, que la ville de Paris fust assaillie. Quant ce vint au jour de l'assault, la Pucelle armée et habillée, à tout son estandart, fut des premiers assaillans, et alla si près, qu'elle fut navrée de traict. Mais les Anglois deffendirent si bien la ville, que les Franchois n'y peulrent riens faire, et se retrayrent en la ville de Sainct-Denis. Après que le roy eult esté en la ville de Sainct-Denis, pluiseurs jours, veant que la ville de Paris estoit trop fort gardée, se retira oultre la rivière de Saine, et donna congié à la plus part de ses gens ; lesquelz se mirent en garnison en pluiseurs villes, tant à Beauvais, Senlis, Compiengne, Soissons, Crespy et pluiseurs aultres villes deçà Saine, du costé de Piccardie ; lesquelz firent forte guerre tant sur les Anglois que sur les gens du duc.
  Et ainsi se passa icelle (3), comme vous avez ouy, avecques pluiseurs aultres choses qui trop longues seroient à raconter.

                                                         

  Vous avez ouï comment Jeanne la Pucelle fut tellement en bruit parmi les gens de guerre, que réellement ils croyaient que c'était une femme envoyée de par Dieu, par laquelle les Anglais seraient reboutés hors du royaume. Cette Pucelle fut menée vers le Dauphin qui la vit volontiers, et, comme les autres, ajouta en elle grande foi. Il fit un grand mandement auquel répondirent nombre de princes de son sang, c'est à savoir les ducs de Bourbon, d'Alençon et de Bar, Arthur, connétable de France, les comtes d'Armagnac, de Pardiac et de Vendôme, le seigneur d'Albret, le bâtard d'Orléans, le seigneur de La Trémoille, et plusieurs grands seigneurs de France et d'Ecosse. Très grande fut l'armée du Dauphin avec laquelle il se tira droit à Troyes-en-Champagne ; la ville lui fut promptement rendue ; les habitants lui firent obéissance ; ainsi firent ceux de Châlons et de Reims. En cette ville de Reims il fut sacré, oint et couronné roi de France. Ainsi Charles, septième de ce nom, fut sacré à Reims, comme vous avez ouï.
  Après que le roi eut séjourné un petit peu de temps en la ville de Reims, il s'en alla en une abbaye, nommée Corbigny, où l'on vénère. saint Marconi, là où l'on dit qu'il prend la dignité et le privilège de guérir les écrouelles. Ces choses faites, il passa la rivière de Marne et se trouva à Crépy-en- Valois. Quand le régent sut que le roi avait été sacré à Reims et qu'il marchait par le pays pour tirer droit à Paris, il assembla une grande compagnie d'Anglais et de Picards entre lesquels étaient Messire Jean de Créquy, Messire Jean de Croy, le bâtard de Saint-Pol, Messire Hue de Lannoy, sage et vaillant chevalier, Jean de Brimeu et d'autres, qui se trouvèrent en grande puissance en un village nommé Mitry-en-France, et les Français et leur puissance étaient en un autre village nommé... [Thieux]... à deux lieues près de Crépy-en-Valois, et là étaient le duc d'Alençon, la Pucelle, et plusieurs autres capitaines. Le régent, qui désirait la bataille contre les Français, approcha d'eux jusqu'à une abbaye qui s'appelle La Victoire, et qui n'est pas loin d'une tour qui s'appelle Mont-Épilloy. Il y arriva environ la mi-août l'an mil 1429.

   

  Le roi ouït la messe à Crépy, puis monta à cheval armé d'une brigandine, et se tira aux champs où il trouva une grande et belle compagnie qui l'attendait. Toutefois le duc d'Alençon et la Pucelle étaient déjà en avant et se trouvaient bien près des Anglais avant la venue du roi. Quand le roi fut arrivé, lui et ses gens ordonnèrent le gros de l'armée en un seul grand corps à cheval, et avec ce deux autres compagnies, par manière de deux ailes, et avec cela le roi avait un grand nombre de gens de pied. Quant aux Anglais, ils ne formèrent de leurs combattants qu'un seul corps, et tous à pied, excepté le bâtard de Saint-Pol, Messire Jean de Croy et quelques autres en petit nombre, qui, voyant que parmi les Français les hommes d'armes ne descendaient pas à pied, montèrent à cheval.
  Il faisait ce jour grande chaleur et merveilleusement grande poussière. Or il advint qu'à l'un des bouts de l'armée des Anglais, les Français firent tirer la plupart de leurs gens de trait, et avec une compagnie de gens à cheval ils assaillirent les Anglais. II y eut de côté et d'autre maintes flèches tirées. Le régent, pour renforcer ses gens là où le combat était engagé, envoya une compagnie sans que ni les Français ni les Anglais fissent changer à leurs armées leur ordre de bataille. Quand les Français virent que les Anglais et les Picards tenaient pied et combattaient vaillamment, ils se retirèrent et ils ne s'abordèrent plus ensuite l'un contre l'autre, sinon par escarmouches. A ce que j'ai ouï dire, celui qui se montra ce jour le plus hommed'armes et rompit le plus de lances, ce fût le bâtard de Saint-Pol. Messire Jean de Croy y fut blessé d'un pied, et en resta estropié toute sa vie. Ainsi se passa cette journée, comme vous l'avez ouï, sans que autre chose y fût faite. Quand ce fut vers le soleil couchant, le roi se retira dans la ville de Crépy, et les autres dans les villages à l'entour.
  Or il faut parler des Anglais. Il est vrai que quelques-uns s'aperçurent bien de la retraite des Français et qu'ils voulaient les poursuivre ; mais le régent, par crainte d'embûches, ne le voulut pas permettre; car, d'après ce que j'ai ouï du nombre des Français, ils étaient de cinq à six mille équipés de toutes pièces. Quand les Français furent ainsi partis, les Anglais logèrent dans une abbaye des environs et envoyèrent querir des vivres à Senlis. Le lendemain le roi et toute l'armée se mirent en belle ordonnance auprès de la ville de Crépy, avec leurs chariots et leurs bagages. Ces dispositions prises, le roi se mit aux champs, tourna le dos aux Anglais et s'en vint à Compiègne. Cette ville tenait le parti des Anglais ; mais sans aucune résistance, ouverture en fut faite au roi qui y fut reçu avec grande joie. Le roi y séjourna cinq jours, et y tint conseil sur ce qu'il avait à faire. Quand le régent sut que le roi était entré à Compiègne sans aucune opposition, il craignit fort que plusieurs villes en l'obéissance des Anglais ne se tournassent du parti du roi. Cela fut cause qu'il retourna à Paris avec son armée ; là il laissa pour en avoir la garde Louis de Luxembourg évêque de Thérouanne, chancelier de France pour les Anglais, le seigneur de l'Isle-Adam, alors maréchal de France, et aussi plusieurs seigneurs d'Angleterre; et il s'en alla en Normandie pourvoir à la garde des bonnes villes et forteresses. Le roi après avoir séjourné, comme il est dit, à Compiègne, prit avec son armée le chemin pour venir droit à Paris, la Pucelle lui ayant promis de l'y introduire et que de cela il ne devait concevoir aucun doute. Toutefois elle faillit à sa parole, comme vous allez l'entendre.
  Au sortir de Compiègne le roi tira droit à Senlis qui lui fit obéissance, puis à Saint-Denis où il entra. Sur les remontrances que faisait la Pucelle, il fut disposé que Paris serait assailli. Le jour de l'assaut venu, la Pucelle armée et équipée fut avec son étendard parmi les premiers assaillants ; elle s'avança si près qu'elle fut blessée d'un trait. Mais les Anglais défendirent si bien la ville que les Français ne purent rien contre et se retirèrent à Saint-Denis. Le roi, après plusieurs jours de séjour à Saint-Denis, voyant la ville de Paris trop fort gardée, se retira au delà de là Seine et donna congé à la plupart de ses gens, qui se mirent en garnison dans plusieurs villes, à Beauvais, Senlis, Compiègne, Soissons, Crépy et plusieurs autres, en deçà de la Seine, du côté de la Picardie, d'où ils firent forte guerre tant aux Anglais qu'aux gens du duc.
  Cette année se passa ainsi que vous venez de l'ouïr ; il s'y passa encore plusieurs autres choses qui seraient trop longues à raconter.


                                                 


Présentation et texte original - Quicherat, t.IV, p.429 et suiv.
Mise en Français plus moderne : J.B.J. Ayroles, "La vraie Jeanne d'Arc" - t.III, p.504 et suiv.

Notes :
1 Suppléez Thieux d'après le Hérault de Berri. (Quicherat)

2 Montepilloy.

3 Mot difficile à lire. Pourrait être "année" ou "aventure".



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