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3ème partie

tem, après la desconfiture faite, le Roy nostre sr, la ditte Pucelle et les seigneurs estans en leur compaignie prirent leur chemin pour aller à Raimps faire sacrer et couronner le Roy nostre dit sr. Et arrivèrent devant la ville de Troyes le VIIIe jour de jeuillet ledit an mil CCCCXXIX, et passa joignant des murs de la dite ville et se alla loger en ses tentes près de la dite ville. Et à l'arrivée ceux de la garnison d'icelle ville gettèrent deux ou trois pierres de canon qui ne firent nul mal, et la plus part de ceux de la ville estoyent sur les murs pour voir passer le Roy sans faire nul semblant de deffance. Et le lendemain l'évesque de ladite ville vint devers le Roy luy faire la révérance et pour excuser ceux de ladite ville en disant qu'il ne tenoit pas à eux que le Roy n'y avoit entré à son plaisir, et que le bailly et ceux de la garnison, qui estoyent de trois à quatre cent, les avoyent gardez et empeschés d'ouvrir les portes; mais qu'il luy plust avoir patiance jusques à ce que ledit évesque eust parlé à ceux de la ville, et qu'il espéroit, sitost qu'il auroit parlé à eux, qu'ils feroyent ouverture et donneroyent toutte obéissance en manière que le Roy seroit bien content d'eux. Dont le Roy fut d'accord ; et lors ledit évesque retourna en la ville et remonstra à ceux de dedans comment le Roy leur souverain seigr estoit en personne devant la ville, accompaigné d'unne saincte Pucelle que Dieu luy avoit envoyée pour l'acompaigner et le mener sacrer et pour le remettre en sa seigneurie, et qu'il estoit d'opinion et leur conseilloit qu'ils luy allassent faire ouverture et lui faire et donner toutte obéissance, ainsy que raison estoit et qu'ils y estoyent tenus. A quoy ledit baillif et ceux de ladité garnison monstrèrent grande contradiction ; mais néanmoins tous ceux de la ville estoyent d'accord avec ledit évesque.
  Et cependant que ledit évesque trettoit avec ledit baillif et ceux de la garnison, un sainct prud'homme, cordelier, en qui tous ceux de la ville et de tout le pays avoyent grand foy et confiance, yssit de la ville pour aller voir la Pucelle ; et sitost qu'il la vit et d'assez loing, s'agenouilla devant elle ; et quant laditte Pucelle le vit, pareillement s'agenouilla devant luy et s'entrefirent grand chère et grande révérance, et parlèrent longuement ensemble. Et après cest départy, ledit cordellier s'en alla en la ville et prescha moult grandement au peuple en leur admonestant de faire leur devoir envers le Roy et leur remonstrant commant Dieu advisoit son fait et lay avoit baillé pour l'acompaigner et le conduire à son sacre mine saincte pucelle, laquelle, comme il croit fermement, sçavoit autant et avoit aussy grand puissance de sçavoir des secrets de Dieu comme sainct qui fust en paradis après saint Jean évangéliste, et que il estoit bien en sa puissance, si elle vouloit, de faire entrer tous les gens d'armes du Roy en la ville par dessus les murs en quelque manière qu'elle voudroit ; et plusieurs autres choses. Et incontinent crièrent tous à vive voix : "Vive le Roy Charles de France !" et les aucuns de ceux de la ville vindrent devers le Roy luy faire obéissance pour toutte la ville et luy crier mercy, en luy suppliant qu'il voulsist avoir la ville pour recommandée en manière qu'elle ne fust point pillée ny destruitte, en excusant tous les habitans d'icelle par ce que dessus, et que toutefois qu'il luy plairoit, il entremit dedans à telle puissance qu'il voudroit.
  Adonc le Roy fut content de ceux de la ville et ordonna que ceux de la garnison qui s'en voudroyent aller s'en allassent, et ceux qui voudroyent demeurer demeurassent et il leur pardonroit ; dont les aucuns s'en allèrent et la pluspart demeura en ladite ville, et le Roy, pour éviter tout inconvénient et pillerie, deffendit que nul n'y entrast sans congé. Et le dimanche en suivant le Roy y entra à toutte puissance et fit crier que nul ne fust si hardy, sur peine de la hart, d'entrer en maisons et de prendre rien outre le gré et volonté de ceux de la ville, et y ouït la messe et puis s'en retourna en sa tante où il demeura tout ledit jour. Et ceux de la ville envoyèrent vers luy grands présans de vivres et d'autres choses. Et le lundy en suivant, qui fut xje de ce mois, il alla ouyr la messe en ladite ville, et là vindrent devers luy ceux de Rains, de Chàlons et d'autres bonnes villes luy donner obéissance. Et disoyent ceux de la ville de Rains que piéçà ils attendoyent sa venue à grand joye. Et incontinent aprez la messe, le Roy partit sans boire ni manger pour aller à Chàlons ; et quand le Roy fut passé et tous ses gens, ceux de la ville qui estoyent sur la muraille virent unne grande compaignie de gens d'armes, qui estoyent bien de cinq à six mille hommes, tous armez au chef, devant (1) chacun une lance à un fenon blanc en sa main, et suivoyent le Roy aussy comme d'un trait d'arc ; et pareillement les virent à l'arrivée devant ladite ville. Et sitost que le Roy fut bougé, ne sceurent qu'ils devinrènt.
  Item le XVIIe jour dudit mois de juillet, le Roy fut sacré et couronné en ladite ville de Rains ; et estoit moult belle chose de voir le mistère, car il fut aussy solennel et trouva touttes ces choses aussy bien appointées pour faire la chose,  comme s'il l'eust mandé un an d'avant, comme coronne, habits royaulx et touttes autres choses à luy nécessaires; et y eut tant de gens que c'estoit chose infinie, et la grand joye qu'un chacun en avoit. Messrs le duc d'Alançon, le conte de Clermont, le conte de Vendosme, les frères de Laval, de la Trimouille et de Gaucourt y furent en habit royal, et mondit sr d'Alançon fit le Roy habiller, et lesdits srs représentèrent les pers de France. Monseigr d'Alebret tint l'espée durant ledit mistère devant le Roy. Pour les pairs de l'Eglize ils y estoyent avec leurs croix et mittres : Messieurs les évesques de Rains et de Châlons, qui sont pris (2) ; en lieu des autres, les évesques de Sens et d'Orléans et deux autres prélats.
  Pour aller querir la saincte empoulle en l'abbaye de St-Remy pour l'apporter à la grande églize de Nostre-Dame où fu fait le sacre, furent ordonnez le mareschal de Boussac, les srs de Rais, Graville et Lahire avec leurs quatre bannières que chacun portoit en sa main, armez iceux quatre de toutes pièces et à cheval bien accompaignez, pour conduire l'abbé dudit lieu qui apportoit ladite empoulle ; et entrèrent à cheval en ladite grand églize et descendirent à l'entrée du ceur ; et en tel estat la rendirent après le sacre en ladite abbaye. Lequel sacre dura depuis ix heures jusques à deux heures après my jour. Et à l'eure que le Roy fut sacré et aussy quant on luy assit la couronne sur la teste, tout homme crioit : Noël ! et trompettes sonnoyent en telle manière qu'il sembloit que les voutes de l'églize deussent fendre. Et durant ledit mistère, la Pucelle se tint tousjours joignant le Roy tenant son estendart en la main, et estoit moult belle chose de voir les belles manières que tenoit le Roy et aussy la Pucelle. Et furent ledit jour faits par le Roy contes les frères de Laval, et ledit sgr de Raitz mareschal ; et aussy le Roy fit plusieurs chevalliers et les seigrs en firent pareillement, tant qu'il y en eut bien trois cents nouveaux.
  Le duc de Bourgogne, qui avoit esté à Paris et s'en estoit allé à Laon, envoya ledit xvije jour de jeuillet ambassade devers le Roy audit lieu de Rains pour traitter son appointement ; mais laditte embassade n'estoit que dissimulation et pour cuider amuser le Roy qui estoit disposé d'aller tout droit devant Paris.
  Item, après ce que le Roy fut ainsy couronné audit lieu de Rains, luy, ladite Pucelle et son ost s'en vindrent devant la ville de Paris, et en y venant plusieurs chasteaux et forteresses se rendirent à luy. Devant laquelle ville de Paris le Roy et sondit ost demeura par aucuns jours ; durant lesquels ladite Pucelle et grant nombre de nos gens entrent et passent en ladite ville et y donnent de grands assaulx ; mais pour cause de la nuict, ils se retraissirent ; et lorsque la ditte Pucelle estoit ès dittes ruhes, fut blessée par la jambe ; mais elle fut tantost guérie. Et est vray que c'estoit moult merveilleuse chose du grand nombre de canons et de couleuvrines que ceux de Paris tiroyent contre nos gens ; mais oncques n'en fut blessé ne tué homme que l'on peust savoir fors Jean de Villeneufve, bourgeois de La Rochelle qui fut tué d'un coup de canon. Et advint que plusieurs de nos gens furent frappés des dits canons, mais ils ne leur fesoyent nul mal ; et ramassoient les pierres qui les avoyent frappés et les monstroyent à ceux qui estoyent sur les murs de laditte ville de Paris, et ne furent ceux d'icelle ville, ne les Anglois et Bourguignons estans dedans, si hardis de faire aucune saillie sur nos dits gens ; ains le Roy nostre dit sr estant devant ladite ville de Paris, ceux d'icelle ville avoient si grande peur que, quant ladite Pucelle et nos dites gens y donnoient ledit assault, ils s'enfuyoient ès églizes et cuidoient que ladite ville fust prise, ainsy que plusieurs religieux et autres qui lors estoyent en icelle ville raportèrent après au Roy nostre dit sr. Mais pour deffault de vivres, le Roy s'en retourna rafrechir sur la rivière de Loyre et laissa le plus de ses gens en garnison ès villes, chasteaux et places qu'il avoit pris pour mener guerre et tenir bastides à ceux de ladite ville de Paris.
  Item tantost après, La Hyre et ses gens prirent d'eschelles le chastel de Gaillart (3), qui est un moult fort chastel, auquel Monseigr de Barbazan estoit prisonnier, qui fut délivré et s'en vint devers le Roy. Mais par aucun temps après les Anglois y allèrent mettre le siége et pour ce qu'il n'y avoit nuls vivres... se rendit en l'obéissance du Roy.
  Item après, les Bourguignons et Anglois mirent le siége devant Compiègne, où estoit la Pucelle ; laquelle en une saillie qu'elle fit, fut prise et fut prisonnière à Mgr Jean de Luxembourg qui la bailla aux Anglois ; lesquels après qu'ils l'eurent tenue par aucun temps en prison, par faux témoignages et accusements la firent ardre en ladite ville de Rouen en Normandie.


                                                          

  Après cette victoire, le roi notre seigneur, la Pucelle et les seigneurs qui étaient en leur compagnie, prirent leur chemin pour aller à Reims afin d'y accomplir le sacre et le couronnement. Ils arrivèrent devant la ville de Troyes, le VIIIe jour de juilllet de même an MCCCCXXIX. L'armée défila joignant les murs de la cité, et alla se loger en ses tentes tout autour. A l'arrivée, les hommes d'armes de la garnison jetèrent deux ou trois pierres de canon qui ne firent nul mal. La plupart des habitants de la ville étaient sur les remparts pour voir passer le roi, sans faire aucun semblant de vouloir se défendre. Le lendemain l'évêque vint vers le roi lui faire la révérence et excuser les habitants, en disant qu'il ne tenait pas à eux que le roi ne fût entré dans leur ville à son plaisir, que le bailli et les hommes de la garnison les avaient gardés et empêchés d'ouvrir leurs portes ; mais qu'il lui plût d'avoir patience jusqu'à ce que lui, évêque, eût parlé à ces mêmes habitants, et qu'il espérait, qu'aussitôt après qu'il leur aurait parlé, ils feraient ouverture et lui rendraient toute obéissance, de telle manière qu'il en serait content. Ce à quoi le roi consentit. L'évêque, rentré dans la ville, remontra aux citoyens comment le roi, leur souverain seigneur, était en personne devant leurs murs, accompagné d'une sainte Pucelle que Dieu lui avait envoyée pour être à sa suite le mener sacrer, et le remettre en sa seigneurie, et qu'il était d'avis et leur conseillait de lui ouvrir et de lui faire obéissance, ainsi que raison était et qu'ils y étaient tenus. A quoi le bailli et ceux de la garnison opposèrent grande contradiction ; mais néanmoins tous ceux de la ville étaient d'accord avec leur évêque.
  Pendant que l'évêque traitait avec le bailli et avec ceux de la garnison, un saint prud'homme, Cordelier, en qui tous ceux de la ville et du pays
avaient grande foi et confiance, sortit de la ville pour aller voir la Pucelle. Sitôt qu'il la vit, et d'assez loin, il s'agenouilla devant elle; et quand la Pucelle le vit, elle s'agenouilla pareillement devant lui; ils se firent l'un à l'autre grand accueil et grande révérence, et parlèrent longtemps ensemble. Quand ils se furent séparés, le Cordelier rentra dans la ville et prêcha très grandement au peuple, en le pressant de faire son devoir envers le roi, lui remontrant comment Dieu dirigeait son fait, et lui avait baillé pour l'accompagner et le conduire à son sacre une sainte Pucelle, qui, comme il le croyait fermement, savait autant, et avait aussi grande puissance de savoir les secrets de Dieu que saint qui fût en paradis, après saint Jean l'Évangéliste ; que, si elle voulait, elle avait assez de puissance pour faire entrer tous les gens d'armes du roi en la ville pardessus les murs, en quelque manière qu'elle voudrait, et plusieurs autres choses. Incontinent tous crièrent à vive voix : « Vive le roi Charles de France ! » Quelques-uns de ceux de la ville vinrent vers le roi lui faire obéissance pour toute la cité et lui crier pardon, le suppliant de vouloir bien avoir la ville pour recommandée, de sorte qu'elle ne fût point pillée ni ravagée (4), excusant les habitants par ce qui a été dit, l'assurant que toutes les fois qu'il lui plairait, il entrerait chez eux à telle puissance qu'il voudrait.
  Le roi fut content de ces offres; il ordonna que tous ceux qui composaient la garnison qui voudraient s'en aller s'en allassent, et que ceux qui voudraient demeurer demeurassent. Il leur pardonnait. Quelques-uns s'en allèrent ; la plupart restèrent, et le roi, pour éviter tout dommage et tout pillage, défendit que nul n'entrât dans la ville sans congé. Le dimanche, le lendemain, le roi y entra à toute puissance, et fit crier, sous peine de la hart, que personne ne fût si hardi que d'entrer dans les maisons et de rien prendre contre le gré et la volonté des possesseurs ; puis il s'en retourna sous sa tente où il passa toute la journée. Ceux de la ville envoyèrent vers lui grands présents en vivres et autres choses. Le lendemain lundi, qui fut le XIe du mois, le roi alla ouïr la messe en ville, et là ceux de Reims, de Châlons et d'autres bonnes villes, vinrent lui promettre obéissance. Ceux de Reims disaient que depuis longtemps ils attendaient sa venue à grande joie. Incontinent après la messe le roi partit pour Châlons, sans boire ni manger. Quand le roi fut passé avec tous ses gens, ceux de la ville qui étaient sur les murailles virent une grande compagnie de gens d'armes, — ils étaient bien de cinq à six mille, — tous casque en tête, ayant chacun une lance devant, un fanon blanc en leur main, qui suivaient le roi, comme à la distance d'un trait d'arc ; ils les avaient vus pareillement à l'arrivée devant la cité. Sitôt que le roi eût disparu, ils ne surent ce qu'ils devinrent.
  Le XVIIe jour du même mois de juillet, le roi fut sacré et couronné en la ville de Reims; et c'était fort belle chose de voir le mystère; car il fut aussi solennel, et l'on trouva toutes choses, comme habits royaux, et tous autres objets à lui nécessaires, aussi bien appointés pour l'accomplir, que si le roi l'eût mandé un an d'avant. Il y eut tant de gens que c'était chose infinie, et la grande joie que chacun en avait. MM. le duc d'Alençon, le comte de Clermont, le comte de Vendôme, les frères de Laval, de La Trémoille et de Gaucourt, y furent en habit royal. Mgr d'Alençon fit habiller le roi. Lesdits seigneurs représentèrent les pairs de France. Mgr d'Albret tint l'épée devant
le roi durant ledit mystère. Les pairs de l'Église y étaient avec leurs mitres et leurs croix; Messieurs les évêques de Reims et de Châlons qui sont pairs ; et au lieu des autres, les évêques de Sens (5) et d'Orléans et deux autres prélats. Pour aller quérir la sainte ampoule en l'abbaye de Saint-Rémy, pour l'apporter à la grande église de Notre-Dame, où fut fait le sacre, furent ordonnés le maréchal de Boussac, les seigneurs de Rais, Graville et La Hire avec leur quatre bannières, que chacun portait en sa main. Tous quatre étaient armés de toutes pièces, à cheval, bien accompagnés, pour conduire l'abbé dudit lieu qui apportait ladite ampoule. Ils entrèrent à cheval en ladite grande église et descendirent à l'entrée du choeur, et après le sacre ils la reconduisirent en même état à l'abbaye. Le sacre dura depuis neuf heures jusques à deux heures après mi-jour ; et à l'heure que le roi fut sacré, et aussi quand on lui assit la couronne sur la tête, tout homme criait « Noël ! », et trompettes sonnaient en telle manière qu'il semblait que les voûtes de l'église dussent fendre. Durant le mystère, la Pucelle se tint toujours joignant le roi, tenant son étendard à la main ; c'était fort belle chose de voir les manières que tenait le roi, et aussi la Pucelle. Ce jour, les frères de Laval furent faits comtes par le roi, et le seigneur de Rais fut fait maréchal ; le roi lit aussi plusieurs chevaliers, les seigneurs en firent pareillement, tant qu'il en eut bien trois cents nouveaux.
  Le duc de Bourgogne, qui après avoir été à Paris, était venu à Laon, envoya, le même XVIIe jour de juillet, en ce même lieu de Reims, une ambassade pour traiter sa réconciliation ; mais cette ambassade n'était que dissimulation et dans la pensée d'amuser le roi, qui était disposé d'aller tout droit à Paris.
  Après que le roi fut ainsi couronné, lui, la Pucelle et son armée s'en vinrent devant la ville de Paris, et le long du chemin, plusieurs châteaux et forteresses se rendirent au roi. Le roi et son armée demeurèrent devant la ville de Paris durant quelques jours, pendant lesquels la Pucelle et grand nombre de nos gens entrent et passent en ladite ville et y donnent de grands assauts ; mais ils se retirèrent à cause de la nuit, lorsque la Pucelle qui était dans les fossés fut blessée à la jambe; elle fut promptement guérie. Il est vrai que c'était très merveilleuse chose que le grand nombre de canons et de coulevrines que ceux de Paris tiraient contre nos gens ; mais jamais homme n'en fut ni blessé ni tué, du moins qu'on ait pu le savoir, si ce n'est Jean de Villeneuve, bourgeois de La Rochelle, qui fut tué d'un coup de canon. Il advint que plusieurs de nos gens furent frappés desdits canons, mais sans en recevoir aucun mal. Ils ramassaient les pierres qui les avaient atteints, et les montraient à ceux qui étaient sur les murailles. Les bourgeois de Paris, pas plus que les Anglais et les Bourguignons qui étaient avec eux, ne furent pas si hardis que de tenter une sortie contre nos gens. Tant que le roi notre seigneur fut devant Paris, les habitants avaient si grande peur que lorsque la Pucelle et nos gens donnèrent l'assaut, ils s'enfuyaient dans les églises, pensant que la ville était prise. C'est ce que plusieurs religieux, et d'autres qui se trouvaient alors à Paris, rapportèrent au roi notre seigneur. Le roi, par manque de vivres, s'en retourna les renouveler sur la rivière de Loire, laissant le plus grand nombre de ses gens en garnison dans les villes, les châteaux et places qu'il avait pris, pour continuer la guerre et opposer leurs fortifications à ceux de Paris.
  Item. — Bientôt après, La Hire et ses gens prirent par escalade le château de Gaillard, château très fort dans lequel Mgr de Barbazan était prisonnier. Il fut délivré et s'en vint devers le roi. Mais, quelque temps après, les Anglais vinrent assiéger le dit château, et parce qu'il n'y avait pas de vivres, le château se remit en l'obéissance du roi (6).
  Item. — Les Bourguignons et les Anglais mirent le siège devant Compiègne où était la Pucelle. Dans une sortie qu'elle fit, elle fut prise et remise prisonnière à Mgr Jean de Luxembourg qui la bailla aux Anglais. Ceux-ci, après l'avoir tenue quelque temps en prison, la firent brûler à Rouen en Normandie sur faux témoignages et fausses accusations.

                                             
    


Source : La revue historique, 1877 - t.IV - Jules Quicherat.
Mise en Français plus moderne (texte bleu) : J.-B.-J. Ayroles "La vraie Jeanne d'Arc" - t.III - 1897

Illustration :
- Cathédrale de Reims ("Au pays de Jeanne d'Arc" - Jean de Metz - 1910)

Notes :
1 Lire "tenant".

2 Lisez "pairs". Eux seuls furent les pairs en titre qui assistèrent à la cérémonie.

3 Evènement qui se passe au commencement de janvier 1430.

4 Ny destruitte; destruit dans le langage du temps a le sens de « ravager », encore
plus que celui de « anéantir ».

5 De Séez.

6 Des Anglais.



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