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Procès
de réhabilitation
I - Compte-rendu d'exécution (29 novembre 1455) |
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' ensuit la teneur de la relation de l'exécution.
« A révérendissime et à révérend dans le Christ nos pères
et seigneurs, seigneur Jean, par la miséricorde divine archevêque et duc de Reims, et seigneur Guillaume, par la même
miséricorde évêque de Paris, juges et commissaires par l'autorité épiscopale, ainsi qu'à révérend dans le Christ notre
père et seigneur l'évêque de Coutances, notre collègue, désigné spécialement pour cette affaire avec la clause : « Que
vous ou deux d'entre vous, par vous ou par un autre ou
d'autres », votre humble Jean de Frocourt, licencié en droit
canonique, chanoine de Beauvais, notaire public en vertu de
l'autorité apostolique et impériale de la cour de conservation
des privilèges de la très sainte Université de Paris, révérence
avec honneur et empressement de servir. Sachent vos révérendes paternités que j'ai reçu vos lettres patentes de citation, munies de vos sceaux en cire rouge bordée de cire
blanche, et en outre d'un troisième sceau inconnu de moi,
munies aussi des seings et souscriptions de maître Jean de
Cruisy, Denis Le Comte, François Ferrebouc et Pierre de La Roche, notaires publics, aujourd'hui samedi, vingt-neuvième
jour du mois de novembre, à l'heures de vêpres,
l'an du Seigneur 1455, indiction troisième, première année du
pontificat du très saint père dans le Christ notre seigneur le
seigneur Calixte, par la divine providence troisième pape du
nom, lettres à moi adressées et transmises pour exécution
de la part de noble homme seigneur Pierre d'Arc, chevalier, et d'Isabelle, sa mère, et de Jean d'Arc, frère dudit seigneur
Pierre d'Arc, chevalier, du diocèse de Toul ; lesquelles j'ai
reçues avec révérence, comme j'y étais tenu. Ainsi reçues
par moi, aussitôt et sans délai je me suis transporté devant
révérend père dans le Christ et seigneur Guillaume de Hellande, évêque de Beauvais, qui se trouvait alors dans le vestibule
du palais épiscopal en compagnie de plusieurs gens
notables ; parmi eux il y avait discrète personne Regnaud
Bredoulle, chanoine de Beauvais, promoteur soit procureur
fiscal du susdit seigneur évêque ou de sa cour de justice ; était aussi là par hasard religieuse personne frère Germer de
Morlaines, prieur du couvent des frères prêcheurs de Beauvais.
En vertu même et en exécution de ces lettres qui sont
les vôtres, ou plus exactement qui sont lettres apostoliques,
j'en ai lu à haute et intelligible voix la majeure partie au
seigneur évêque, au promoteur et à frère Germer, en présence
de plusieurs personnes, et j'en ai donné connaissance à
tous et à chacun; et j'ai cité avec la révérence convenable,
ledit seigneur évêque Guillaume et son procureur susdit à
comparaître en personne, ou par procureur idoine constitué
spécialement et suffisamment instruit, devant vous ou l'un
de vous, le douzième jour du mois de décembre prochain, si
ce jour est judiciaire, dans la grande salle épiscopale de
Rouen ; sinon au jour judiciaire le plus proche suivant immédiatement,
jour où vous vous tiendrez dans ladite grande
salle, siégeant en tribunal tous deux, ou l'un de vous, pour
rendre justice, afin que vous répondiez aux parties principales
Pierre et Isabelle, stipulant pour ledit Jean, et au promoteur
de la cause énoncée dans vosdites lettres. J'ai fait, dit,
exécuté et certifié tout le reste de la manière indiquée plus complètement dans vos lettres ; en interrogeant ledit frère
Germer prieur susdit, en présence de ceux nommés plus haut,
je lui ai demandé s'il y avait à présent dans son couvent
quelque inquisiteur ou sous-inquisiteur de l'hérésie, ou
quelqu'un de son ordre dans cette région ayant le pouvoir
d'un inquisiteur, afin de pouvoir m'entretenir avec lui et de lui donner connaissance des choses dessus-dites. Celui-ci me
répondit qu'il n'y avait aucun inquisiteur ou sous-inquisiteur,
ou autre ayant reçu pouvoir d'inquisiteur, dans son couvent
ou ailleurs dans le diocèse de Beauvais ; cependant tout ce
qu'il venait d'entendre, il l'écrirait ou le notifierait par écrit à l'inquisiteur résidant à Paris. Une fois ces choses dites,
faites et exécutées par moi, ledit révérend père le seigneur évêque Guillaume répondit qu'il croyait et prétendait n'être
nullement intéressé dans ce qui venait d'être notifié, ni
dans la cause énoncée dans vos lettres de citation, en se recommandant
néanmoins à vos révérendes paternités. Ledit
Bredoulle, son promoteur, répondit que dans l'affaire susdite
il n'était nullement intéressé et qu'il n'avait pas l'intention
de prétendre l'être.
Finalement, ceci étant donc terminé, à l'heure dite, je
me suis transporté directement à l'église majeure de Beauvais,
devant la porte, pendant que le service divin était
célébré à l'intérieur, tenant dans mes mains vos lettres de citation. En vertu de celles-ci et suivant leur teneur, j'ai
cité tous et chacun de ceux pensant ou croyant être intéressés
dans l'affaire décrite ; j'en ai affiché publiquement et
laissé une copie écrite sur parchemin, certifiée par le seing
de quatre notaires et collationnée par eux. Étaient présents
pour tout ce qui concernait la personne dudit seigneur évêque,
du promoteur et de frère Germer : vénérables et savantes
personnes maître Hugues Rogier, garde des sceaux du seigneur évêque et chanoine de Beauvais, Pierre Cotelle, procureur
général dudit évêque, Jean de Grandvilliers, tabellion de la cour épiscopale de Beauvais, avec plusieurs autres
assistant au même endroit par moi appelés et priés comme
témoins. Pour tout ce qui fut dit et fait par moi aux portes de ladite église de Beauvais furent présents : seigneurs Firmin
Rayer, chanoine, Jean Cardot et Jean Bordelle, grands vicaires, et Gilles Gourbault, marguillier de ladite église,
que j'ai appelés comme témoins des choses dessus dites. En
plus grande force et plus grand témoignage pour soutenir
que toutes les choses ci-dessus, comme elles ont été écrites
par moi, Jean de Frocourt notaire, ont été écrites, faites,
exécutées, moi, Frocourt, j'ai achevé, publié et rédigé dans
cette forme publique la présente relation, ou le présent instrument
public, écrit fidèlement de la main d'un autre,
parce que j'en étais empêché et très occupé ; je l'ai signé de
mon seing habituel en souscrivant de ma propre main ; et
j'ai attaché et joint cet instrument en marge de vos lettres
de citation dont il est fait plus haut mention, sous mon seing
habituel et dont j'use habituellement, en étant requis et
prié. » Ainsi signé : « J. DE FROCOURT ».
[Deinde sequitur tenor relationis exsecutoris.]
« Reverendissimo ac reverendo in Christo patribus
et dominis, dominis Johanni, miseratione
divina archiepiscopo et duci Remensi, ac Guillelmo, eadem miseratione episcopo Parisiensi, judicibus,
etc., etc., vester humilis Johannes de Frocourt,
in jure canonico licentiatus, canonicus Belvacensis, publicus, apostolica et imperiali auctoritatibus, ac
curiæ Conservationis privilegiorum universitatis sanctissimi
studii Parisiensis, notarius, reverentiam cum
honore ac servitii promptitudine. Noverint vestræ reverendæ paternitates me [recepisse] litteras vestras
patentes citatorias, sigillis vestris, in cera rubea, alba
circumdata, necnon alio tertio mihi incognito, sigillatas,
ac signis et subscriptionibus magistrorum Johannis de Cruisy, Dionysii Comitis, Francisci Ferrebouc
et Petri de Rupe, notariorum publicorum, munitas
et subscriptas, hodie, scilicet sabbati, XXIX. mensis novembris, hora vesperorum, anno Domini MCCCCLV.,
indictione tertia, pontificatus sanctissimi in Christo
patris et domini nostri, domini Calixti, divina providentia
papæ tertii, anno primo ; pro et ex parte nobilis
viri, domini Petri d'Arc, militis, et Ysabellis, ejusdem
matris, atque Johannis d'Arc, ejusdem domini
Petri d'Arc militis, fratris, Tullensis dioecesis, mihi ad
exsequendum directas atque traditas ; quas cum reverentia,
prout tenebar, recepi. Quibus sic per me receptis, illico et incontinenti, [me contuli] ad præsentiam
reverendi in Christo patris et domini Guillelmi de Hellande (1), episcopi Belvacensis, tunc in ambulatorio sui
palatii episcopalis exsistentis, pluribus notabilibus personis
associati ; inter quos erat discretus vir, dominus
Reginaldus Bredoulle, canonicus Belvacensis, ipsius
domini episcopi seu ejus curiæ causarum officii promotor
sive fiscalis procurator (2) ; ibidem etiam casualiter
reperto religioso viro, fratre Geremaro de Morlanis,
priore conventus Fratrum Prædicatorum Belvacensium.
Quarum quidem litterarum vestrarum, imo verius
apostolicarum, vigore sive prætextu, ipsas, pro
majori parte, eisdem domino episcopo, ac promotori,
et fratri Geremaro, pluribus ibidem adstantibus, publice,
alta et intelligibili voce, perlegi, et ad notitiam
omnium et singulorum supradictorum deduxi ; atque
præfatum dominum Guillelmum, episcopum, cum reverentia
qua decuit, atque suum promotorem antedictum,
citavi comparituros per se, vel procuratores
suos idoneos, specialiter constitutos et sufficienter instructos,
coram vobis, seu altero vestrum, duodecima
die mensis decembris proxime futuri, si juridica dies
fuerit, in aula majori episcopali Rothomagensi ; alioquin
proxima die juridica ex tunc immediate sequenti,
qua vos aut alterum vestrum, in dicta majori aula,
ad jura reddenda, pro tribunali sedere contigerit ; eisdem Petro [et] Ysabelli, principalibus, et pro dicto Johanne stipulantibus, atque promotori causæ, in dictis
vestris litteris specificatæ, de justitia responsuros.
Aut alias dixi, feci, exercui atque certificavi,
prout et quemadmodum in dictis vestris litteris
plenius continetur ; petens et interrogans, præsentibus
quibus supra, dictum fratrem Geremarum,
priorem supranominatum ; et ab eo quæsivi,
utrum in conventu suo esset pro præsenti aliquis inquisitor
seu subinquisitor hæreticæ pravitatis ; seu aliquis in partibus istis, de suo ordine, habens potestatem
inquisitoris, adesset, ut cum eo loqui possem, et
ad ejus notitiam præmissa deducere. Qui respondens,
dixit quod nullum inquisitorem seu subinquisitorem,
aut alium ab Inquisitore potestatem habentem,
in suo conventu, seu alibi in dioecesi Belvacensi, sciebat
; tamen præmissa, quæ sic audierat, inquisitori Parisius exsistenti rescriberet, seu scripto notificaret.
Quibus sic, ut præfertur, per me dictis, factis et
exsecutis, præfatus reverendus pater, dominus Guillelmus,
episcopus, respondit quod in et super ibi notificatis
atque causa, in vestris litteris citatoriis specificata,
nullum interesse habere credebat seu prætendebat
; recommendans se nihilominus vestris reverendis
paternitatibus. Dictus autem Bredoulle, ejus promotor,
respondit quod, in his præmissis sua non
interest, nec aliquod interesse in hoc prætendere
intendebat.
His igitur peractis, finaliter, dicta
hora, recto tramite ad ecclesiam majorem Belvacensem
me transtuli et ante portam ejusdem, dum in dicta ecclesia
divina celebrabantur, tenens in meis manibus litteras
vestras citatorias. Quarum vigore citavi omnes et
singulos in negotio descripto interesse putantes sive credentes, juxta formam seu seriem dictarum litterarum
vestrarum ; ipsarum quoque copiam in pergameno
scriptam ac signis quatuor notariorum roboratam, atque
per ipsos collationatam, ad valvas ejusdem ecclesiæ publice
affixi, ac eam ibidem dimisi. Præsentibus quoad
ea quæ facta fuerunt ad personam promotoris et fratris
Geremari, venerabilibus et scientificis viris: magistro Hugone Rogier, ejusdem domini episcopi sigillifero
et canonico Belvacensi ; Petro Cotelle, ipsius domini
procuratore generali ; Johanne de Granvillier, tabellione curiæ episcopalis Belvacensis ; cum pluribus
aliis ibidem adstantibus, et per me in testes vocatis
et rogatis. Ad ea autem quæ dicta et facta fuerunt per
me ad valvas dictæ ecclesiæ Belvacensis, fuerunt præsentes
domini, Firminus Rayer, canonicus, Johannes
Cardot et Johannes Bordelle, magni vicarii ; ac Ægidius
Gourbault, ejusdem ecclesiæ matricularius ; quos
ad præmissa in testes invocavi. In majus igitur robur et testimonium præmissorum, et quod præmissa,
prout et quemadmodum superius scribuntur, per me,
Johannem de Frocaurt, notarium supranominatum,
fuerunt facta, dicta et exsecuta : ego ipse, Frocourt,
præsentem meam relationem, seu præsens publicum
instrumentum, manu alterius, me præpedito et valde
occupato, fideliter scriptum, exinde confeci et publicavi,
et in hanc publicam formam redegi ; signoque
meosolito, hic me propria manu subscribendo, signavi,
ipsumque instrumentum, ad marginem hujusmodi
vestrarum lilterarum citatoriarum, de quibus supra fit mentio, sub sigillo meo consueto, et quo uti consuevi,
affixi sive junxi, requisitus et rogatus. » Sic signatum
: « Jo. DE FROCOURT. »
Source : Texte original latin : "Procès de Jeanne d'Arc" - T.II - Jules Quicherat (1844), p.132 et suiv.
Traduction : Pierre Duparc, "Procès en nullité de la condamnation de Jeanne d'Arc", t.III, p. 42 et suiv.
Notes :
1 Evêque de Beauvais de 1444 à 1462. (Quicherat)
2 En même temps doyen de la collégiale de Gerberoi, dignité à laquelle
il avait été élevé en 1423. Mort le 25 juin 1463. (Gallia christ., t. IX , col. 774,
ubi scribitur Bredouille.) (Quicherat)
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