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24 avril 2024  

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par Henri Wallon

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Procès de réhabilitation
VIII - Recollectio de frère Bréhal, Grand Inquisiteur pour le Royaume de France - Analyse


CHAP . I - INTRODUCTION ET DIVISION

n docteur de Sorbonne, Edmond Richer, qui avait le dessein de publier le procès de la Pucelle, a singulièrement déprécié la Recollectio de Bréhal et les autres mémoires consultatifs. « Ne seroit besoin, écrivait-il, de les faire imprimer pour ce qu'ilz sont trop peu élabourez et polis et tumultuairement escrits, mesme en un siècle auquel la barbarie triomphoit » (1). Ce jugement sommaire doit être réformé. Il paraîtra suspect à ceux qui n'ignorent pas combien d'idées fausses ont été préconisées par le théologien qui l'a prononcé ; l'étude des documents eux-mêmes en démontrera l'injustice. Sans doute il ne faut pas chercher dans ces mémoires les agréments du style et les artifices d'une composition « élabourée et polie » : leurs auteurs n'avaient ni le temps ni la volonté de faire oeuvre littéraire ; ils avaient souci de la vérité et du droit, sans guère se préoccuper de les formuler en paroles élégantes. Le langage des scholastiques et des canonistes, qu'on a trop longtemps considéré comme un « triomphe de la barbarie », n'est d'ailleurs pas dépourvu de correction, et, s'il ne possède pas les charmes du latin classique, on ne saurait lui dénier la netteté, la précision et plusieurs autres qualités maîtresses, qui le rendent merveilleusement apte à servir d'instrument à une discussion doctrinale. Enfin l'écrit de Bréhal — pour nous borner au rapport judiciaire que nous allons reproduire — n'a rien de « tumultuaire » : sagement ordonnancé sous deux chefs principaux, il résume, avec le calme qui convient à l'œuvre d'un juge, les considérants les mieux appropriés à la nature du procès.
  C'est donc à tort que Quicherat a essayé de se couvrir de l'autorité d'Edmond Richer, pour justifier sa détermination d'exclure la Recollectio du nombre des pièces à publier intégralement (2). Il n'est pas mieux inspiré lorsqu'il méconnaît le caractère historique de cet ouvrage, et ne veut y voir qu'un mémoire de jurisprudence ou de théologie. Dans un sujet tel que l'histoire de Jeanne d'Arc, et surtout quand il s'agit de se prononcer sur la valeur morale de sa personne et sur les mobiles intimes de sa conduite, il importe manifestement de ne négliger aucun élément d'information, et de demander aux sciences sacrées la lumière qu'elles sont capables de projeter autour des évènements de ce monde. En récapitulant avec un soin consciencieux les détails de la procédure et les accusations portées contre la Pucelle, en les discutant d'après les principes du droit canon et de la théologie, Bréhal fournit à l'historien des matériaux authentiques — les faits consignés au dossier, contrôlés par conséquent avec une rigoureuse exactitude, — et une appréciation solidement motivée, dont il est loisible d'éprouver la justesse, mais qu'on peut accepter de prime-abord, au moins sous bénéfice d'inventaire. A ce double titre, la Recollectio avait sa place marquée dans une publication comme celle de Quicherat : personne assurément n'aurait eu le droit de lui reprocher de l'avoir « grossie mal à propos ».
  Remercions M. Lanéry d'Arc d'avoir réparé cette défaillance du savant éditeur et comblé une lacune de tous points regrettable. Inspiré sans doute par les judicieuses réflexions de M. Marius Sepet (3), il a pris la généreuse initiative d'une publication dont il comprenait mieux la portée: Mémoires et consultations en faveur de Jeanne d'Arc. Toutefois, sans préjudice des éloges qui lui sont dûs pour avoir ainsi facilité au public des érudits l'étude de pièces fort intéressantes mais peu abordables sous leur forme originelle, nous avons été contraints de constater que son oeuvre est défectueuse au point de vue paléographique et qu'elle ne saurait satisfaire pleinement les justes exigences de ceux qui aiment la pureté native des sources de l'histoire. Parfois en effet une lecture inexacte du manuscrit a introduit dans le texte des mots ou des phrases inintelligibles, voire même des contresens qui déroutent le lecteur; la transcription est aussi fautive, soit parce que l'orthographe de l'auteur n'a pas été fidèlement reproduite suivant les règles aujourd'hui adoptées pour les publications de ce genre (4), soit parce que des références ont été modifiées et soi-disant rectifiées à la suite d'un contrôle insuffisant, dont le résultat est d'égarer parfois les recherches. Voilà pourquoi nous n'avons pu nous contenter d'un travail bien méritant à d'autres égards, et auquel il serait injuste de refuser nos suffrages, puisqu'il nous a ouvert la voie d'une entreprise hérissée de difficultés.
  Simultanément, le R. P. Ayroles, de la compagnie de Jésus, songeait de son côté à faire connaître au grand public les documents précieux qui retracent la physionomie de La vraie Jeanne d'Arc. En 1890, paraissait ce travail de longue haleine, qui lui assure la reconnaissance de tous les amis de la Pucelle. Il a consacré une attention spéciale, nous pourrions presque dire fraternelle, au mémoire de Bréhal, dont il a traduit intégralement un bon nombre de passages, et analysé le reste avec une scrupuleuse exactitude (5).

  Avant de présenter à notre tour l'œuvre de notre grand inquisiteur dans son texte latin soigneusement collationné sur un manuscrit authentique, nous croyons utile d'en examiner la trame avec quelque détail : cette analyse raisonnée ne dispensera point de recourir aux développements du texte ; mais elle fera mieux ressortir la méthode qui a présidé à la rédaction, le choix et l'enchaînement des preuves, l'attention particulière que méritent certaines d'entre elles ; elle servira par là même de fil conducteur et de guide aux lecteurs pour lesquels ce genre de considérations serait moins familier.
  Dans une courte introduction, — elle occupe à peine le premier feuillet du registre, — l'auteur de la Recollectio expose les motifs qui le portent à plaider la cause de la vérité : c'est la tendance naturelle de l'esprit humain, c'est aussi le devoir du juge et du docteur.
  Le vrai est à l'intelligence ce que l'existence est à un être quelqu'il soit : son bien, sa perfection. De cet axiome philosophique, si souvent proclamé par Aristote, il résulte qu'un même instinct de la nature nous pousse à rechercher la possession de la vérité et la conservation de l'existence. Comme le mal qui ne se fait agréer que sous une apparence de bien, le faux a besoin d'emprunter les dehors du vrai pour s'insinuer dans notre esprit. S. Augustin le constate en des termes quelque peu subtils sans doute, mais fort saisissables grâce à son procédé habituel de déduction par les antithèses. La raison et l'autorité s'accordent ainsi à attester la tendance naturelle de l'homme vers la vérité, et, par une conséquence nécessaire, son éloignement de tout ce qui s'y oppose.
  Toutefois cet ordre peut être violé : c'est le fait d'une volonté perverse, qui accueille de son plein gré la fausseté et l'injustice, pourvu qu'à l'aide du sophisme elle parvienne à leur donner l'aspect de la droiture et de la véracité. Une telle manière d'agir est digne de blâme ; elle l'est plus encore, lorsqu'elle se rencontre chez le juge ou le docteur, dont la mission est de manifester ce qu'il sait et de confondre le mensonge. Conformément à ces principes, empruntés à la philosophie autant qu'à la science juridique, Bréhal déclare son intention de rendre hommage à la vérité ; et, après avoir humblement protesté de sa soumission parfaite au Saint-Siège, il aborde l'étude du procès qu'il est chargé de réviser (6).
  Ici, comme partout, deux éléments constitutifs se présentent: la matière d'abord,
c'est-à-dire les faits ou les accusations qui sont le fondement de la sentence ; la forme ensuite, c'est-à-dire la procédure et les défauts substantiels qui en dénaturent le caractère. De là une répartition aussi simple que lumineuse. La première partie, principalement doctrinale [ f° 175 r°-190 r° ], a pour objet la discussion des griefs articulés par les ennemis de Jeanne d'Arc afin de motiver la condamnation : elle comprend neuf chapitres, qui justifient pleinement l'accusée et démontrent l'orthodoxie de ses sentiments et la correction parfaite de sa conduite. Il nous sera permis d'ajouter que la portée de ce document est plus haute encore : l'inquisiteur qui l'a rédigé songeait à réhabiliter l'innocence ; la Congrégation des Rites y trouvera par surcroît une information officielle, bien propre à servir de base à un examen approfondi des vertus qui doivent être l'apanage de la sainteté. — La seconde partie, surtout juridique [ f° 190 r°-202 r° ], a trait aux moyens de droit qu'on peut faire valoir dans la cause contre une sentence viciée par plusieurs nullités : de ce chef, on compte douze allégations, soit douze chapitres. A la suite de Bréhal nous passerons en revue les uns et les autres.


CHAP. II - LE FOND DE L'AFFAIRE.

§ 1 - LES APPARITIONS.

e premier point, et assurément le plus important, sur lequel s'engage la contestation, est relatif aux visions et apparitions que la Pucelle prétend avoir eues. De leur .






suite p.103


Source : Texte de l'analyse de la Recollectio par R.P Marie-Joseph Belon & R.P. François Balme "Jean Bréhal, Grand Inquisiteur de France et la Réhabilitation de Jeanne d'Arc" publié en 1893 chez P. Lethielleux.

Notes :
1 Ms. 10448 fonds français, collection de Fontanieu, f° 285 ; à la Bibliothèque nationale.

2 Quicherat : Procès... tom. v p. 469. — M. Joseph Fabre s'est cru autorisé à employer des expressions moins mesurées : « Le caractère commun des mémoires sur le procès de Jeanne d'Arc, dit-il, est d'être très érudits et point vivants Tout y est jurisprudence ou théologie. Dans leurs interminables dissertations, ces auteurs pérorent sur la foi, sur la soumissionà l'Église et sur le surnaturel ; parlent volontiers de la magie comme d'une science véritable qui a ses règles ; multiplient les citations, ou se perdent en subtilités scholastiques. On s'étonne, en lisant leurs consultations indigestes, d'y trouver une si extrême sécheresse. Point de détails sur la vie de Jeanne, sur ses vertus, sur ses patriotiques élans, sur son oeuvre héroïque. Ces pédants se bornent à ergoter dogmatiquement sur l'orthodoxie de la Pucelle, et à démontrer à coup de distinguo l'illégalité de sa condamnation » (Procès de réhabilitation... tom. II p. 185). — Nous protestons contre cette indignation de mauvais aloi. Les docteurs consultés n'avaient pas à se prononcer sur les points qu'on leur reproche d'avoir omis. On leur avait demandé, non pas des faits nouveaux, mais l'appréciation de la valeur dogmatique et morale de faits dûment constatés, non pas des tirades sentimentales ni une éloquence passionnée, mais l'expression calme et réfléchie de ce qu'ils estimeraient être la vérité et la justice, dans une cause de la plus haute gravité, où les divers intérêts qui étaient en jeu réclamaient une impartialité absolue. Ces hommes, qui étaient la probité même, se seraient fait un scrupule de sortir de leur rôle et de chercher à émouvoir le coeur par des artifices littéraires et par « des raisons que la raison ne connaît pas ». Plus d'une fois d'ailleurs, — nous aurons l'occasion de le montrer en analysant la Recollectio de Bréhal, — à côté de discussions nécessairement arides, ils rendent à l'innocente victime des témoignages très chaleureux ; plus d'une fois, un cri d'enthousiasme ou de compassion s'échappe de leur poitrine au spectacle d'une vie héroïquement vertueuse entremêlée de tant de gloire et de douleur, et la flamme de leur patriotisme lance de vivesétincelles. Lorsqu'on les traite d'ergoteurs et de pédants, n'auraient-ils pas le droit de répondre comme le divin Maître au valet du Pontife ? « Si mate locutus sum, testimonium perhibe de malo; si autem bene, quid me caedis » ? ( Joan. XVIII, 23).

3 C'est en effet à M. Sepet que revient l'honneur d'avoir le premier signalé l'importance du mémoire de Bréhal pour l'étude de l'histoire de Jeanne d'Arc. — Voir l'édition de Tours, 1885, de sa Jeanne d'Arc, p. 475.

4 Pour qu'on n'attribue pas à cette critique un sens qui dépasserait notre pensée, il convient de faire remarquer, à la décharge de l'éditeur, qu'il avait pris soin d'avertir les lecteurs de sa décision de rajeunir les formes archaïques des manuscrits du XVe siècle (Mémoires et consultations... préface p. 14) et qu'il pouvait dans une certaine mesure s'autoriser de l'exemple de Quicherat.

5 Voir R. P. Ayroles : La vraie Jeanne d'Arc, pp. 451-598.

6 On voit, dès ce début, l'élévation d'esprit dont Bréhal fait preuve dans sa manière d'envisager les questions, et en même temps la méthode qu'il suit dans tous son mémoire. C'est par le recours continuel aux principes premiers et aux considérations les plus hautes qu'il éclaire sa route ; c'est à leur lumière qu'il discute les points douteux, qu'il résout les difficultés qu'on lui oppose et qu'il juge de la valeur des actes.



Procès de réhabilitation

Présentation :

- Les sources
- L'enquête de 1450
- L'enquête de 1452

Procès :
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