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Chronique
de la Pucelle
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- Siège à Saint-Jame de Beuvron |
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n ce temps, les Anglois avoient esté remparer une place en
Normandie nommée Saint Jame de Beuvron vers les Marches de
Bretagne, et estoient dedans Messire
Thomas de Rameston, Messire Philippe Branche, Messire Nicolas Bourdet,
Anglois, accompaignez de six à sept cens Anglois, lesquels
couroient le pays et faisoient plusieurs grands dommages en Bretagne
et au pays de Normandie. Et pour cette cause fut faite une grande
armée par le connestable au pays de Bretaigne, en bien grand
nombre de gens, tant du pays de Normandie que de Bretaigne, et tant
du commun du peuple que d'hommes d'armes et de traict, qu'on estimoit
bien de quinze a seize mille combatans, et vint mettre le siège
devant ladite place de Saint Jame de Beuvron. Durant lequel les
Anglois firent plusieurs saillies sur le connestable, et y eut de
dures escarmouches, tant d'un costé que d'autre.
Or advint un jour que les gens du siège du connestable
délibérèrent d'assaillir ladite place, et de
faict le firent, et y eut un très aspre assaut, qui dura
de trois à quatre heures, et les gens du connestable combatoient
souvent main à main aux Anglois. Il y avoit une poterne en
ladicte ville de Sainct Jame, pres d'un estang du costé de
laquelle les François n'eussent pas peu s'ayder l'un à
l'autre.
Les Anglois saillirent dehors par là et vinrent
frapper sur ceux qui assailloient, qui en furent bien esbahis, et
non sans cause ; et y en eut bien quatre cens de morts, tant de
glaive que de noyez audit estang, et rompirent l'assaut par le moyen
de ladite saillie ; et après, le connestable et ses gens
se retirèrent en leur logis et les Anglois dedans ladite
ville de Sainct Jame de Beuvron.
Environ deux heures après minuict, survint un
grand bruit et désarroy en l'ost des François ; et
si ne scavoit on, ni ne sceust oncques depuis, la cause pourquoy,
et s'en allèrent chacun où il peut et où il
sçavoit le chemin. Ils laissèrent et abandonnèrent
leur artillerie sans scavoir dont venoit ce désarroy, ny
qu'il en fust aucune nécessité. Ce qu'estant sceu
dudit connétable, il en fut moult courroucé et dolent,
non sans cause ; mais il n'y peut mettre remède. Aucuns disoient
qu'icelle compagnée estoit pour la pluspart de gens qui oncques
mais n'avoient esté en guerre, dont la plus grande partie
estoient venus de Bretagne ; à l'ayde et secours du connestable.
Source
: édition Vallet de Viriville - éd.1859
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