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Chronique
de la Pucelle
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- Comment François recouvrèrent le pont de Mehung
sur Loire et Baugency |
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e mercredy, quinziesme jour de juin mille quatre cent vingt-neuf,
Jean, duc d'Alençon, lieutenant général de
l'armée du roy, accompaigné de la Pucelle et de plusieurs
haults seigneurs, barons et nobles, entre lesquels estoient Monseigneur
Louys de Bourbon, comte de Vendosme ; le sire de Rays, le sire de
Laval, le sire de Lohéac, le vidame de Chartres, le sire
de la Tour, et autres seigneurs, à tout grand nombre de gens
de pied et grand charroy chargé de vivres et d'appareil de
guerre, se partirent d'Orléans pour mettre le siège
devant quelques places angloises. Tenans leur voye droit à
Baugency, ils s'arrestèrent devant le pont de Meun, que Anglois
avoient fortifié et fort garny, et tantost à leur
venue, fut prins par assault et garny de bonnes gens. Et ce fait,
François n'arrestèrent point ; mais pensans que les
sires de Tallebot et de Scales se fussent retrais, ils allèrent
devant Baugency. Pour la venue desquels Anglois abandonnèrent
la ville, et se retrairent sur le pont et au chasteau. Adoncques
François entrèrent dedans ladicte ville et assiégèrent
le pont et le chasteau par devers Beausse ; si dressèrent
et assortirent là canons et bombardes, dont il battirent
fort ledict chasteau (1).
Le comte de Richemont, connestable de France, vint en
cestuy siège, à grand chevalerie
; et avec luy estoient le comte de Perdriac, Jacques de Dinan, frère
du seigneur de Chasteaubriant, le seigneur de Beaumanoir, et autres.
Et d'autant que ledict connestable estoit dans l'indignation du
roy, et à ceste cause tenu pour suspect, il se mist en toute
humilité devant ladicte Pucelle, luy suppliant que, comme
le roy luy eust donné puissance de pardonner et remettre
toutes offenses commises et perpétrées contre luy
et son authorité, et que, pour aucuns sinistres rapports,
le roy eust conceu hayne et mal talent contre luy, en telle manière
qu'il avoit faict faire deffense, par ses lettres, que aucun recueil,
faveur ou passage ne luy fussent donnez pour venir en son armée
: la Pucelle le voulust, de sa grace, recevoir pour le roy au service
de sa couronne, pour y employer son corps, sa puissance et toute
sa seigneurie, en luy pardonnant toute offense. Et à celle
heure estoient illec le duc d'Alençon et tous les haults
seigneurs de l'ost, qui en requirent la Pucelle ; laquelle leur
octroya, parmy ce qu'elle receut en leur présence le serment
dudict connestable, de loyalement servir le roy, sans jamais faire
ny dire chose qui luy doibve tourner à desplaisance. Et à
ceste promesse tenir ferme, sans l'enfraindre, et estre contraincts
par le roy si ledict connestable estoit trouvé défaillant,
lesdicts seigneurs s'obligèrent à la Pucelle par lettres
sellées de leurs seaulx.
Si fut alors ordonné que le connestable mettroit
siège du costé de Soulongne, devant le pont de Baugency.
Mais le vendredy, dix-septiesme jour du mois de juin, le baillif
d'Evreux, qui estoit dedans Baugency, fist requérir à
la Pucelle traicté, qui fut faict et accordé entour
minuit, en telle manière qu'ils rendroient au roy de France,
entre les mains du duc d'Alençon et de la Pucelle, le pont
et le chasteau, leurs vies sauves, lendemain à heure de soleil
levant, et sans emporter ny mener, fors leurs chevaux et harnois,
avec aucuns de leurs meubles montans pour chascun à un marc
d'argent seulement, et qu'ils s'en pourroient franchement aller
ès pays de leur party ; mais ils ne se debvoient armer jusques
après dix jours passés. Et en ceste manière
se departirent Anglois qui estoient bien nombrez à cinq cens
combatans, qui rendirent le pont et le chastel, le sabmedy, dix-huictième
jour de juin mille quatre cent vingt-neuf.

Le mercredi, quinzième jour de juin 1429, Jean, duc d'Alençon, lieutenant général de l'armée du roi, accompagné de la Pucelle et de plusieurs hauts seigneurs, barons et nobles, parmi lesquels Mgr Louis de Bourbon comte de Vendôme, le sire de Rais, le sire de Laval, le sire de Lohéac, le vidame de Chartres, le sire de La Tour, et autres seigneurs, avec grand nombre d'hommes de pied, et grand convoi chargé de vivres et d'appareils de guerre, partirent d'Orléans pour mettre le siège devant quelques places anglaises. Tout en tenant leur chemin droit vers Baugency, ils s'arrêtèrent devant le pont de Meung, que les Anglais avaient fortifié et fort garni, et aussitôt après leur arrivée, il fut pris par assaut et pourvu de vaillants défenseurs. Cela fait, les Français ne s'arrêtèrent pas, mais, pensant que les sires de Talbot et de Scales s'étaient retirés, ils allèrent devant Baugency. Leur venue fit que les Anglais abandonnèrent la ville et se retirèrent sur le pont et au château. Les Français entrèrent donc dans la ville, et assiégèrent le pont et le château par devers la Beauce, dressant et pointant de ce côté canons et bombardes, et battant fort ledit château.
Le comte de Richemont, connétable de France, vint à ce siège avec grande chevalerie : avec lui étaient le comte de Pardiac ; Jacques de Dinan, frère du seigneur de Beaumanoir, et d'autres. Le Connétable étant alors en l'indignation du roi, et à cette cause tenu pour suspect, se mit en toute humilité devant la Pucelle. Il la supplia que, puisque le roi lui avait donné puissance de pardonner et de remettre toutes les offenses commises et perpétrées contre lui et son autorité, et que, à cause de sinistres rapports, le roi ayant conçu haine et mal talent contre lui, au point de faire défense par ses lettres qu'aucun accueil, faveur ou passage lui fussent donnés pour venir en son armée, la Pucelle voulût bien, de sa grâce, le recevoir à la place du roi au service de la couronne, résolu qu'il était d'y employer son corps, sa puissance et toute sa seigneurie, toute offense lui étant pardonnée. En ce moment se trouvaient là le duc d'Alençon et tous les hauts seigneurs de l'armée, qui firent pareille requête à la Pucelle; elle la leur octroya, à condition de recevoir en leur présence le serment dudit Connétable de loyalement servir le roi, sans jamais faire ni dire chose qui dut lui tourner à déplaisance. Les seigneurs s'obligèrent à la Pucelle, par lettres scellées de leurs sceaux, à ce que cette promesse fût tenue ferme, sans être enfreinte, et à l'y contraindre de par le roi si ledit Connétable était trouvé infidèle.
Il fut alors ordonné que le Connétable mettrait le siège du côté de la Sologne, devant le pont de Baugency; mais le vendredi dix-septième jour du mois de juin, le bailli d'Évreux, qui défendait Baugency, fit demander à la Pucelle de traiter; ce qui fut fait et accordé à l'entour de minuit, à la condition de rendre au roi de France, le lendemain au soleil levant, entre les mains du duc d'Alençon et de la Pucelle, le pont et le château; moyennant quoi les Anglais auraient leurs vies sauves, et pourraient franchement s'en aller en pays de leur parti, sans emporter ni mener autre chose que leurs chevaux et leurs harnais, et de leurs meubles montants, chacun pour la valeur d'un marc d'argent seulement; et ils ne se devaient armer qu'après dix jours passés. C'est en cette manière que se retirèrent les Anglais, au nombre de cinq cents combattants, après avoir rendu le pontet le château, le samedi dix-huitième jour de juin 1429.
Source : édition Vallet de Viriville - 1859
Notes :
1 Voir Journal du siège.
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