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Chronique de Perceval de Cagny - index
25 - Comme la Pucelle fut jugée à mort |
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n l'an MCCCCXXXI, le XXIIIIe jour du mois de mey (1),
le duc de Bethford, l'évesque de Terouenne et plusieurs
autres du conseil du roy d'Engleterre, lesquelz
avoient veu et congneu les très grans merveilles qui
estoient avenues à l'onneur et prouffit du roy par la
venue et les entreprises de la Pucelle (ainssi que
dessus ay desclairé, ses parolles et ses faiz sembloient
miraculeux à touz ceulx qui avoient esté en sa compaignie); après ce que ledit de Bethfort et les dessuz
nommez la tindrent en leurs prinsons oudit lieu de
Rouen : comme très envieulx de sa vie et de son estat,
la questionnèrent et firent questionner par toutes les
manières que ilz peurent et sceurent, desirans à touz
leurs pouvoirs et sçavoirs de trouver en et sur elle aucune
manière d'érésie, tant en ce que ilz disoient
qu'elle se disoit message de Dieu et se tenoit en abit
désordonné, vestue en abit d'omme, et chevaulchoit
armée, et si se mesloit en faiz et en parolles de touz les
faiz d'armes que conestable ou mareschaulx pourroient
et devroient faire en temps de guerre; et sur ces cas
la preschèrent et en la présence de plusieurs évesques,
abbez et autres clercs, firent lire plusieurs articles
contre elle; et à la parfin gectèrent leurs sentences, et
par eulx fut condampnée et jugée à estre arsse.
En l'an 1431, le XXIII° jour du mois de mai, le duc de Bedford, l'évêque de Thérouanne et plusieurs autres du conseil du roi d'Angleterre, avaient vu et connu les très grandes merveilles advenues à l'honneur et au profit du roi, par l'arrivée et les entreprises de la Pucelle (ainsi que je l'ai déclaré ci-dessus, ses
paroles et ses faits semblaient miraculeux à tous ceux qui avaient été en
sa compagnie). Donc Bedford et les dessus nommés la tinrent en leurs prisons à Rouen. Très envieux de sa vie et de son état, ils la questionnèrent et la firent questionner de toutes les manières qu'ils purent et surent, désirant de tout leur pouvoir savoir trouver en elle et sur elle quelque semblant d'hérésie, soit en ce qu'elle se disait messagère de
Dieu, soit en ce qu'elle se tenait en habit désordonné, vêtue en homme,
chevauchait armée, et par paroles et par faits se mêlait de tous les faits
d'armes que le connétable et les maréchaux pourraient et devraient faire
en temps de guerre. Sur ces cas ils la prêchèrent, et en présence de
plusieurs évêques, abbés et autres clercs, ils firent lire plusieurs articles
contre elle ; en la parfin ils émirent leurs avis, et par eux elle fut jugée et condamnée à être brûlée.
Sources : Jules Quicherat - "Bibliothèque
de l'école des Chartes, t.II, 2° série, p.143 - 1845-46" et "Procès de condamnation et de réhabilitation de la Pucelle" t.IV, p.1 à 37.
Notes :
1
Cette date est celle du jour où Jeanne fut condamnée définitivement
comme relapse.
2 Perceval de Cagny vivait loin du drame de Rouen, qu'on prit tant de soin de
dénaturer. — Le 24 mai eut lieu au cimetière de Saint-Ouen la scène de la prétendue
abjuration. Ce fut le 30 mai que la sentence fut intimée à la Martyre, et qu'elle fut
exécutée. Toute la phrase du chroniqueur, fort longue, est embrouillée et peu française.
Le manuscrit primitif doit être mal reproduit. (Ayroles)
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