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10 décembre 2024  

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par Henri Wallon

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Procès de condamnation - actes postérieurs
Lettre d'Henri VI aux princes de la chrétienté - 8 juin 1431
Lettre du 28 juin 1431

     "Votre impériale Grandeur (1) - sérénissime roi et notre frère très cher - est connue par l'affection très dévouée et le zèle qu'elle porte à l'honneur de la foi catholique et à la gloire du nom du Christ. Vos nobles efforts et vos courageux labeurs sont assidûment dirigés vers la protection du peuple fidèle, pour livrer combat à la malice des hérétiques.
  Vos esprits exultent donc d'une immense joie, toutes les fois que vous apprenez qu'en vos terres la foi sacro-sainte a été exaltée et la pestilence des erreurs opprimée. Ce qui nous meut à écrire à votre sérénité au sujet de la juste punition qu'a subie récemment, pour ses démérites, certaine devineresse mensongère qui parut, il y a peu de temps, en notre royaume de France.
 Certaine
femme y avait en effet surgi, d'une étonnante présomption, que le vulgaire appelait la Pucelle, et qui, à l'encontre de la décence naturelle, adoptant l'habit d'homme, couverte de l'armure militaire, s'entremit audacieusement de massacres humains en plusieurs rencontres belliqueuses et parut en divers combats. Et sa présomption monta à ce point qu'elle s'était vantée d'être envoyée de par Dieu pour mener ces luttes guerrières, et que saint Michel, saint Gabriel, une multitude d'autres anges, ainsi que les saintes Catherine et Marguerite, lui apparurent visiblement. Ainsi, durant presque une année entière, elle a séduit les les populations, de proche en proche, si bien que la plupart des hommes, détournés d'ouïr la vérité, donnaient créance aux fables que la rumeur publique propageait à travers presque tout l'univers sur les gestes de cette superstitieuse femme. Enfin la divine clémence, prenant en pitié peuple qu'elle voyait tout ému et si légèrement donner dans ces crédulités nouvelles et périlleuses au plus haut point avant d'avoir la preuve qu'elle était inspirée de Dieu, a mis cette femelle en nos mains et en notre puissance.
  Quoiqu'elle eût infligé à nos gens plusieurs défaites, qu'elle eut apporté en nos rovaumes beaucoup de dommages, et que, de ce fait, il nous eût été loisible de lui faire immédiatement subir de graves châtiments, néanmoins nous n'avons pas eu un moment le dessein de venger ainsi notre injure et de la bailler immédiatement à la justice séculière pour qu'elle en fît punition. Mais nous avons été requis par l'évêque du diocèse où elle fut prise, afin de la rendre à la juridiction ecclésiastique pour être jugée, car on la réputait avoir commis des crimes graves et scandaleux au préjudice de la foi orthodoxe et de la religion chrétienne. Alors seulement, comme il convient à un chrétien roi, révérant de filiale affection l'autorité ecclésiastique, nous avons aussitôt livré ladite femme au jugement de notre sainte mère l'Église et à la juridiction dudit évêque.
  Et celui-ci certes, en toute solennité et gravité bien honorable, pour l'honneur de Dieu et la salutaire édification du peuple, après s'être adjoint le vicaire de l'inquisiteur de la perversité hérétique, a conduit de la sorte ce très insigne procès. Et quand lesdits juges eurent interrogé cette femme durant de longs jours, ils firent examiner ses confessions et assertions par les docteurs et maîtres de l'Université de Paris et par plusieurs autres personnes infiniment lettrées ; d'après leurs délibérations, ils tinrent pour manifeste que cette femme était superstitieuse, devineresse, idolâtre, invocatrice de démons, blasphématrice envers Dieu, les saints et les saintes, schismatique et fort errante en la foi de Jésus-Christ.
  Or, afin que cette misérable pécheresse fut purgée de si pernicieux crimes, que son âme trouvât médecine en l'extrémité de ses maux, elle fut admonestée fréquemment par de charitables exhortations, durant bien des jours, afin que, rejetant toutes erreurs, elle marchât dans le droit sentier de la vérité et se gardât du grave péril menaçant et son corps et son âme.
  Mais l'esprit de superbe s'empara de son esprit à ce point que par nul moyen son coeur de fer ne put être amolli par saines doctrines et salutaires conseils. Loin de là, opiniâtrement, elle se vanta d'avoir tout fait par le commandement de Dieu et des saintes qui lui apparaissaient visiblement ; et, ce qui était pire encore, elle ne reconnaissait nul juge sur la terre ; à nul elle ne se soumettait, si ce n'est à Dieu seul et aux bienheureux de la triomphante patrie, vomissant le jugement de notre Saint-Père le pape, ceux du concile général et de toute l'Église militante.
  D'où les dits juges virent tout l'endurcissement de son esprit : c'est pourquoi cette femme fut citée, en présence du peuple ; on lui déclara ses erreurs, dans une
prédication publique, et des admonitions finales lui furent faites. Enfin la sentence de condamnation desdits juges commença à être portée. Mais, avant la fin de cette lecture, cette femme changea son ancien propos et proclama qu'elle allait dire choses meilleures. Ce que juges accueillirent d'un esprit joyeux ; espérant avoir racheté son corps et son âme de la perdition, ils prêtèrent à son discours des oreilles favorables. Alors elle se soumit à l'autorité de l'Eglise, révoqua et à pleine bouche ses erreurs et ses crimes pestilentiels, souscrivant de sa propre main la cédule de cette révocation et abjuration.
  C'est ainsi que notre pieuse mère l'Église se réjouit quand la pécheresse mène pénitence, ramenant au bercail la brebis égarée qui errait au désert : ainsi elle la fit mettre aux prisons pour faire salutaire pénitence. Mais le feu de sa superbe, qui semblait alors étouffé, excité de nouveau par le souffle des démons, monta tout à coup en flammes pestilentielles ; cette malheureuse femme retourna à ses erreurs, à ces mensongères infâmies qu'elle avait vomies naguère. Enfin, comme les sanctions canoniques l'ordonnent, pour ne pas porter pourriture aux autres membres du Christ, elle fut abandonnée au jugement de la puissance séculière qui décida que son corps devait être brûlé (2).
  Et cette misérable, voyant alors sa fin proche, reconnut ouvertement et confessa pleinement que les esprits qu'elle prétendait lui être apparus visiblement, maintes fois, n'étaient que des esprits malins et menteurs ; que sa délivrance de prison lui avait été faussement promise par ces esprits, qu'elle avouait avoir été moquée et déçue.
  Telle fut l'issue, telle sa fin. Roi sérénissime, nous avons cru bon, pour lors, de vous dévoiler, afin que votre Grandeur royale puisse connaître avec certitude la chose elle-même et informer autrui de la mort de cette femme.
  Car il y a une chose que nous estimons tout à fait nécessaire aux peuples fidèles, c'est que, par votre sérénité et les autres princes, tant ecclésiastiques que séculiers, les peuples catholiques soient induits soigneusement à ne pas donner créance légère aux superstitions et frivolités erronées ; surtout à une époque comme celle que nous venons de traverser, où nous avons vu surgir en diverses régions plusieurs pseudo-prophètes et semeurs d'erreurs, qui, dressés dans leur impudente audace contre notre sainte mère l'Église, infecteraient sans doute tout le peuple de Christ si la miséricorde céleste, et ses fidèles ministres, ne s'appliquaient pas avec une vigilante diligence à repousser et à punir les efforts de ces hommes réprouvés.
  Daigne Jésus-Christ conserver votre Grandeur, roi sérénissime, pour la protection de son Église et de la religion chrétienne, durant de longs jours, avec prospérité et succès de vos voeux !
  Donné à Rouen, le 8 juin 1431. (3)



                                                 


Source: "Condamnation de Jeanne d'Arc" de Pierre Champion (1921), "Procès de Jeanne d'Arc" - E.O'Reilly (1868), "La minute française des interrogatoires de La Pucelle" - P.Doncoeur (1952)

Notes :
1 L'empereur Sigismond, mort le 9 décembre 1437. Les Français comptèrent sur sa médiation après Azincourt en 1415. Il passa au contraire dans les rangs anglais et devint l'allié d'Henri V.

2 à l'encontre de toute les règles de la procédure judiciaire, elle fût brûlée sans aucune sentence du juge séculier comme le montrera le procès de réhabilitation.

3 Pour terminer au mieux toute cette machination politique contre Charles VII, il convenait d'aviser les princes de la Chrétienté de la mort de Jeanne d'Arc, en la présentant comme une folle hérétique à tous les princes de la chrétienté. On reconnait d'ailleurs dans cette diatribe le style pompeux et sirupeux de Cauchon.
L'avenir montrera que le crime ne paye pas. Les Anglais et les Bourguignons iront de défaites en déconfitures jusqu'à leur expulsion totale vers 1455.



Procès de condamnation

Présentation :

- L'organisation du tribunal
- Les sources existantes
- Plan chateau de Rouen
- La prison de Jeanne

Procès :
- Procès


Complément :
- Etude de l'abjuration
- Lettres de garantie




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