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Lettre
de Jean Desch, secrétaire de la ville de Metz
16 juillet 1429
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ême provenance que la pièce qui précède, et sans doute même destination ; elle manque également d'adresse. Elle a une grande importance, en ce qu'elle fait connaître tous les bruits qui circulaient dans l'Est de la France au moment du voyage à Reims. Quelques-uns de ces bruits sont démontrés faux par les faits subséquents ; d'autres, quoique n'ayant leur confirmation nulle part ailleurs, seraient difficilement révoqués en doute, comme par exemple le refus des Picards et des Flamands de venir en armes contre le roi et la Pucelle. J'en dirai autant de la soumission de Vitry, Sainte-Menehould et Épernay, dont ne parle aucun chroniqueur.
La manière dont est datée cette lettre demande quelque éclaircissement. Tout y repose sur le quantième de la Sainte-Marguerite, qui est le 20 juillet, comme chacun sait. Mais, en supputant d'après ce terme, on ferait commettre à l'auteur de la lettre une
erreur trop grave, en ce qu'il placerait au 18 juillet la capitulation
de Troyes, qui eut lieu le 10, et d'autre part on lui ferait
ignorer, huit jours après son accomplissement, l'entrée de Charles
VII à Reims, dont il ne parle que comme d'une chose future.
Ces difficultés disparaissent si on admet que la Sainte-Marguerite
se célébrait à Metz, non pas le 20, mais le 13 juillet, ainsi que
cela se faisait à Verdun au dire des Bollandistes.
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Traduction
Auch scribe ich üch also von Franckenrich vom Delphin und der Jungfrawen. Diu hat wol xxxiijm.
strittbar mann zu ross und xl. manne zu fasse ; und
sint komen uff mendag vor sant Margreten tag gen Troy in die stat, und namen die jue, das sie in gebuldet
hant ; und sint von Calen gen Troy komen,
und hant mit jne ire schlussele zu ire stat bracht, und hant sie dem Delphin geantwürt und sich in ergeben.
Auch hant sich die von Rense alle bereit und
bestalt, den Delphin erlich und wirdelich zu enphaen und in zuo kroenen. Er sol da sin zwüssen Sant
Margreten tag und Sant Jacobs tag. Anch hat er heren (1), der sin oeberste capitanie ist, für zwo stette
uff Sant Margreten tag : diu eine heisset Sant Mancholt,
diu ander Bitry ; die sint belegen, aber man
meint, sie gebent sich uff. Der herezog von Angoy, der grafe von Rechemont, der grave von Harecourt
die sollen uf durnstag nach Sant Margreten tag mit
Konigin zu Rense sin, und sint geczunt jn Epernay, das heit sich diser wochen des (2) Konig ergeben.
Und sicher, das ist war als man sagt : waz diu Junfrow
und der Delphin anevohen, das got in alz gelucklich sunder allen widerstand. Der herezog von
Borbonien (3) heit grosse hoffonge (4), und hatte die
Fleming und die Piccarden gerne mit im gehabet,
den regent von Engellant zu helfen, der ist sin swager. Die wellent im schlecht nit helfen usser irem lande ;
also das er zu schwach ist in Franckerrich zu ziehen.
So sint auch der Engelschen by den viij. wochen me daun Xm erschlagen und gefangen, und auch ettlich
grosse heren. Auch so han ich etwie vil briefe gesehen
und gelesen, die uss Franckerrich gesant sint dem
herzogen von Lutringen und auch andern fürsten,
die geczunt vor Mecze sint (5); in den brieffen die
sachen gar eigenklichen und clerlich geschriben sint.
Auch rittent vil ritterschaft uss disen landen düczschen, und wellen zu dem Delphin gen Rense. Geben
zu Mecze, uff samstage nach Sant Margreten tag,
Anno Domini mccccxxix.
JOHAN VON ERSCHE (6), stat schriber zu Mecze.
Je vous écris aussi de France au sujet du Dauphin et de
la Pucelle. Elle a bien trente-trois mille hommes combattant à cheval et quarante mille à pied ; et ils sont venus le lundi
avant le jour de Sainte-Marguerite vers Troyes dans la ville
et ils ont pris ceux de dedans qui se sont assemblés ; et ceux de Châlons sont venus à Troyes et ils ont apporté les clefs
de leur ville, et ils les ont présentées au Dauphin et se sont
rendus à lui. Ceux de Reims se sont aussi préparés et disposés à recevoir honorablement et dignement le Dauphin et à
le couronner. Il doit y être entre le jour de Sainte-Marguerite et celui de Saint-Jacques. Aussi a-t-il [ envoyé ] le sire de.... qui est son principal capitaine, devant deux villes
pour la Sainte-Marguerite. L'une s'appelle Sainte-Menehould,
l'autre Vitry ; elles sont occupées, mais on pense
qu'elles se rendront. Le duc d'Anjou, le comte de Richemont,
le comte d'Harcourt doivent se trouver à Reims
avec la Reine le jeudi après le jour de Sainte-Marguerite ;
ils sont actuellement à Epernay, qui s'est rendu au Roi cette semaine. Et bien sur ce que l'on dit est vrai : que tout
ce que le Dauphin et la Pucelle entreprennent leur réussit
en tout sans aucune résistance. Le duc de Bourgogne a de
grandes espérances, et il aurait bien voulu avoir les Flamands
et les Picards pour secourir le régent d'Angleterre, qui est son beau-frère ; mais ils n'ont pas voulu absolument
l'aider hors de leur pays, et ainsi il est trop faible pour
entrer en France. Il y a huit semaines aussi que plus de dix
mille Anglais ont été battus et faits prisonniers et aussi quelques grands seigneurs. J'ai vu et lu beaucoup de lettres
envoyées de France au duc de Lorraine et à d'autres princes
qui se trouvent actuellement devant Metz. Dans ces lettres
les choses sont écrites d'une manière claire et détaillée.
Beaucoup de chevalerie part de ces pays allemands ; ils
veulent aller trouver le Dauphin à Reims. Donné à Metz,
le samedi après le jour de Sainte-Marguerite, l'an du Seigneur
1429.
JEAN DESCH, secrétaire de la ville de Metz.
Source
: Présentation, texte original et traduction - Quicherat (t.V, p.352 à 355)
Notes :
1 Lacune d'un nom propre que le copiste, auteur du manuscrit, n'aura
pas pu lire. Je proposerais de suppléer Boussac, alors maréchal de France, et
par conséquent principal capitaine.
2 M. Pfeiffer, en donnant cette leçon du manuscrit, propose à la place dem.
3 Lisez Borgonien.
4 Le sens de ce qui suit semble appeler ici une négation, heit nit grosse, etc.
5 La ville de Metz était alors assiégée par le duc de Lorraine. C'est même de ce siége que partit René d'Anjou pour aller rejoindre Charles VII.
6 Ce nom qui est celui d'une des familles les plus puissantes de l'ancienne
république de Metz, est toujours écrit Dex dans les titres ainsi que dans les
chroniques de la cité. Il se prononçait d'Eche, parce que x, dans l'ancienne
orthographe lorraine, équivaut à ch. Plus récemment on a écrit Desch.
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