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19 mars 2024  

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Déposition de Simon Beaucroix

  Homme noble, Simon Beaucroix, écuyer, clerc marié, domicilié à Paris, à l'Hôtel Neuf (1). Il a comparu devant les seigneurs sus-nommés, l'archevêque de Reims et l'évêque de Paris, devant frère Thomas Vérel, des Frères prêcheurs, professeur de sacrée théologie, délégué pour ce en qualité de sous-inquisiteur, par frère Jean Bréhal. Le témoin a cinquante ans environ; admis, après serment prêté, il a été examiné, et sous la foi de son serment, il a répondu aux interrogations ainsi qu'il suit :

  J'étais dans la ville de Chinon avec sire Jean d'Olon, chevalier, sénéchal de Beaucaire (2), lorsque Jeanne vint vers le roi alors dans cette ville. Après s'être entretenue avec le prince et les membres du conseil, elle fut confiée à la garde de d'Olon, dont je viens de parler. De Chinon (3), Jeanne vint en compagnie de d'Olon jusqu'à Blois, et de Blois jusqu'à Orléans, à travers la Sologne.
J'ai bon souvenir que Jeanne ordonna à tous les guerriers de se confesser et de se mettre en bon état, les assurant que Dieu les aiderait, et qu'avec l'aide de Dieu, ils remporteraient la victoire, s'ils étaient en bon état.
  L'intention de Jeanne était alors que les hommes d'armes allassent directement sur le fort ou la bastille Saint-Jean-le-Blanc, ce qu'ils ne firent pas; mais ils allèrent en un lieu entre Orléans et Jargeau. C'est là que les bourgeois d'Orléans envoyèrent des bateaux pour recevoir les vivres et les introduire dans la ville; et c'est là, qu'en effet, ils furent chargés, et de là qu'ils furent introduits.
  Les hommes d'armes ne pouvant pas passer le fleuve, on émit l'avis qu'il fallait revenir sur ses pas, jusqu'à Blois, parce qu'il n'y avait pas de pont plus rapproché dans les pays obéissant au roi (4). Jeanne en conçut une très grande peine, dans la crainte qu'ils ne voulussent la quitter et laisser l'oeuvre incomplète. Elle ne voulut pas rétrograder elle-même jusqu'à Blois; mais avec deux cents lances environ, elle passa en bateaux d'une rive à l'autre, et tous entrèrent à Orléans par terre.
  Le maréchal sire de Boussac marcha toute la nuit pour aller chercher, à Blois, l'armée du roi. Je me rappelle bien qu'un peu avant l'arrivée du maréchal à Orléans, Jeanne disait à sire Jean d'Olon que le maréchal arrivait, et qu'elle savait bien qu'il n'aurait aucun mal.
  Jeanne était dans son hôtel, lorsque soudainement inspirée, ainsi que je le pense, elle s'écria tout à coup : « En nom Dieu, nos gens ont beaucoup à faire. » et elle envoya chercher son cheval, s'arma, et courut vers le fort, ou bastille Saint-Loup, où les gens du roi avaient dirigé une attaque contre les Anglais. Et après que Jeanne se fut rangée parmi les assaillants, le fort fut pris.

  Le lendemain (5), les Français, à la suite de Jeanne, allèrent à l'attaque d'un fort du nom de Saint-Jean-le-Blanc et s'approchèrent d'une certaine île (6). Les Anglais, en les voyant traverser la rivière, abandonnèrent la bastille de Saint-Jean-le-Blanc, et se retirèrent dans un autre fort, près des Augustins (7). Je vis en ce lieu l'armée du roi en très grand péril. Jeanne disait : « Avançons hardiment au nom du Seigneur, » et ceux qui étaient ainsi exposés arrivèrent jusqu'aux Anglais, qui avaient (de ce côté) trois bastilles ou forts. Et incontinent, sans trop de difficulté, la bastille des Augustins fut enlevée. A la suite, les capitaines conclurent que Jeanne rentrerait dans la ville ; ce qu'elle ne voulait pas faire, s'écriant : « Faut-il donc abandonner nos gens ? »

  Le lendemain, l'on en vint à l'attaque du boulevard établi au bout du pont ; il était très fort et comme inexpugnable. Les gens du roi eurent là beaucoup à faire; l'attaque dura tout le jour jusqu'à la nuit; j'ai vu messire le sénéchal de Beaucaire faire rompre le pont avec une bombarde. Le soir était arrivé et l'on désespérait presque d'emporter la forteresse, lorsqu'il fut dit d'apporter la bannière de Jeanne; elle fut apportée; et l'on commença l'assaut, et immédiatement les gens du roi à la suite de ladite bannière entrèrent dans le fort sans grande difficulté.
  Les Anglais se mirent à fuir; mais arrivés au bout du pont, le pont rompit, et beaucoup furent noyés.

  Le jour suivant, les gens du roi sortirent pour mettre les Anglais en déroute. Ceux-ci, à cette vue, s'enfuirent; Jeanne, les voyant tourner ainsi le dos, et les Français les poursuivre, dit aux Français : « Laissez les Anglais s'en aller, ne les tuez pas; qu'ils s'en aillent, leur éloignement me suffit. »
  Le même jour, les soldats du roi sortirent d'Orléans et revinrent à Blois, où ils entrèrent le jour même. Jeanne demeura deux ou trois jours à Blois ; et elle vint ensuite à Tours et à Loches. C'est là que les gens du roi se préparèrent à aller attaquer Jargeau. Ils y vinrent, en effet, et l'emportèrent d'assaut. Je ne sais pas les autres choses accomplies par Jeanne.

  Ce que je sais bien, c'est que Jeanne était bonne catholique, craignant Dieu. Elle se confessait très souvent, de deux jours en deux jours; chaque semaine elle recevait le sacrement de l'Eucharistie, il n'y avait pas de jour qu'elle n'entendit la messe; elle exhortait les hommes de l'armée à bien vivre et à se confesser souvent. Je me souviens bien que tout le temps que je vécus en sa compagnie, je n'eus jamais volonté de mal faire.
  Jeanne couchait toujours avec des filles jeunes, et ne voulait pas coucher avec des femmes âgées. Elle avait en horreur les blasphèmes et les jurements, et elle tançait les jureurs et les blasphémateurs. Dans l'armée, elle n'aurait jamais voulu que quelqu'un de sa compagnie se rendit coupable de déprédation, ne voulant jamais manger de ce qu'elle savait être le fruit de la rapine. Un Écossais lui ayant un jour donné à comprendre qu'elle avait mangé d'un veau dérobé, elle en fut très courroucée et se mit en devoir de frapper pour cela ledit Ecossais.
  Elle ne souffrait pas que des femmes de mauvaise vie chevauchassent dans l'armée avec les guerriers ; aucune n'eût osé y rester en sa présence ; venait-elle à en rencontrer, elle les forçait de s'éloigner, à moins que les hommes d'armes ne consentissent à les épouser.
  En un mot, je crois qu'elle était une vraie catholique, craignant Dieu, gardant ses commandements, obéissant dans la mesure du possible aux préceptes de l'Eglise.
  Elle était compatissante, non seulement envers les Français, mais aussi envers les ennemis. Je sais pertinemment ces choses, parce que j'ai longtemps vécu dans sa compagnie et que souvent je l'aidais à s'armer.
  Jeanne se plaignait et souffrait beaucoup, parce que de bonnes femmes venaient vers elle, et lui faisaient des saluts qui semblaient de l'adoration; ce dont elle se fâchait fort.
   Je ne sais pas autre chose.


           

  Nobilis vir Simon Beaucroix, scutifer, clericus conjugatus, commorans Parisius in Hospitio-Novo, testis coram præfatis dominis, Remensi archiepiscopo et Parisiensi episcopo, ac fratre Thoma Verel, ordinis Fratrum Prædicatorum, sacræ theologiæ professore, a præfato fratre Johanne Brehal in hac parte subinquisitore deputato, productus, receptus, juratus et examinatus die xx. mensis aprilis ; aetatis L annorum, vel circiter, ut dicit.

  Et primo, interrogatus quid ipse sciat deponere seu attestari de contentis in L, II., III. et IV. articulis : dicit et deponit, ejus medio juramento, quod ipse erat in villa de Chinon, cum domino Johanne d'Olon, milite, senescallo Bellicadri, et in qua villa erat dominus noster rex, quando ipsa Johanna venit erga regem. Quæ, postquam fuit locuta cum rege et aliis de consilio regis, fuit posita in custodia dicti d'Olon. Et de villa de Chinon ipsa Johanna venit in societate dicti d'Olon ad villam Blesensem, et de villa Blesensi, per Saloniam, usque ad villam Aurelianensem. Et bene recordatur quod ipsa Johanna præcepit omnibus armatis quod confiterentur, et quod se ponerent in bono statu, asserens quod Deus eos adjuvaret, et quod si essent in bono statu, obtinerent victoriam cum Dei adjutorio. Et erat ipsa Johanna pro tunc intentionis quod gentes armorum deberent ire de directo apud fortalitium seu bastildam Sancti Johannis Albi ; quod non fecerunt, imo iverunt inter [civitatem] Aurelianensem et Jargeau, in quodam loco ubi cives Aurelianenses miserant naves ad recipiendum victualia et conducendum in villa Aurelianensi. Et fuerunt posita victualia in navibus, et ducta ad villam Aurelianensem ; et quia gentes armorum transire non poterant ultra fluvium Ligeris, aliqui dixerunt quod oportebat reverti, et ire transitum fluvium Ligeris in villa Blesensi, quia non erat pons propinquior in obedientia regis ; ex quo multum fuit indignata ipsa Johanna, timens ne recedere vellent, et quod opus remaneret imperfectum. Nec voluit ipsa Johanna ire cum aliis transitum apud villara Blesensem ; sed transivit ipsa Johanna cum ducentis lanceis, vel circiter, per ripariam, in navibus, et transiverunt ad aliud latus ripariæ, et intraverunt villam Aurelianensem per terram. Et dominus marescallus de Boussac ivit quæsitum tota nocte armatam regis, quæ erat apud villam Blesensem. Et recordatur ipse loquens quod, modicum ante accessum domini marescalli de Boussac ad villam Aurelianensem, psa Johanna dicebat dicto domino Johanni d'Olon quod dictus dominus marescallus veniebat, et quod bene sciebat quod non haberet malum. Et cum ipsa Johanna esset in hospitio suo, ipsa, spiritu ducta, ut dicit, repente dixit : « In nomine Domini, gentes nostræ habent multum agere! » Et misit quæsitum suum equum, et se armavit, et ivit versus fortalitium seu bastildam Sancti Lupi, ubi erat quædam invasio gentium regis contra Anglicos ; et postquam ipsa Johanna applicuit ad illam invasionem, dictum fortalitium fuit captum. Et in crastino iverunt Gallici in societate ipsius Johannæ ad invadendum quoddam fortalitium Sancti Johannis Albi ; et appropinquaverunt usque ad quamdam insulam, et cum Anglici percepissent quod gentes regis transibant aquam, dimiserunt dictam bastildam Sancti Johannis Albi, et se retraxerunt ad aliud fortalitium, situatum apud Augustinenses, ubi ipse loquens vidit armatam regis in maximo periculo, ipsa Johanna dicente : « Eamus audacter, in nomine Domini. » Et pervenerunt usque ad Anglicos, qui erant in magno periculo, et habebant tria fortalitia seu tres bastildas. Et incontinenti sine magna difficultate fuit capta ipsa bastilda Augustinensium ; et postmodum capitanei concluserunt quod ipsa Johanna intraret villam Aurelianensem ; quod tamen facere nolebat, dicendo : « Amittemus nos gentes nostras ? » Et in crastinum venerunt ad invadendum fortalitium situm in buto pontis, quod erat multum forte et quasi inexpugnabile ; et habuerunt gentes regis ibidem raultum agere, quia insultus duravit per totam diem usque ad noctem ; et vidit quod dictus dominus senescallus Bellicadri fecit disrumpere pontem cum una bombarda. Et cum jam vespere essent et quasi desperantes de habendo hujusmodi fortalitium seu bastildam pontis, dictum fuit quod afferretur vexillum Johannæ, et allatum exstitit, et inceperunt invadere dictum fortalitium, et illico, sine magna difficultate, gentes regis intraverunt cum dicto vexillo, et Anglici inceperunt fugere, in tantum quod, dum pervenerunt in buto pontis, pons fuit disruptus, et multi Anglicorum fuerunt submersi. In crastino autem gentes regis iterum exiverunt ad debellandum Anglicos qui, visis Gallicis, fugerunt ; et cum ipsa Johanna videret eos fugientes et Gallicos eos sequentes, dixit Gallicis : « Dimittatis Anglicos ire, nec eos occidatis. Recedant ; sufficit mihi eorum recessus. » Et eadem die exiverunt villam Aurelianensem et reversi sunt ad villam Blesensem, ad quam applicuerunt eadem die. Et ibidem stetit ipsa Johanna duobus vel tribus vicibus, et deinde fuit Turonis et à Loches, ubi gentes regis se præparaverunt ad eundum ad villam de Jargueau ; et iverunt, et earadem villam insultu ceperunt.
  Nec aliud scit de his quæ egit ; scit tamen quod ipsa Johanna erat bona catholica, timens Deum ; quæ sæpissime confitebatur de duobus diebus in duos dies, et etiam qualibet septimana recipiebat sacramentum Eucharistiæ, audiebatque missam qualibet die, et exhortabatur armatos de bene vivendo et sæpe confitendo. Et bene recordatur loquens quod, tempore quo conversabatur cum eadem, nunquam habuit voluntatem male agendi.
  Dicit ulterius quod ipsa Joharma semper cubabat cum juvenibus filiabus, nec volebat cubare cum senibus mulieribus. Abhorrebat etiam multum juramenta et blasphemias, et jurantes et blasphemantes redarguebat ; et in exercitu nunquam voluisset quod aliqui de sua societate deprædarent aliquid ; nam de victualibus quæ sciebat deprædata nunquam volebat comedere. Et quadam vice quidam Scotus dedit sibi intelligere quod ipsa comederat de uno vitulo deprædato : de quo multum fuit irata, et voluit propter hoc percutere dictum Scotum.
  Dicit etiam quod nunquam volebat quod mulieres diffamatæ equitarent in exercitu curn armatis : quare nulla fuisset ausa se invenire in ipsius Johannæ societate ; sed quascumque inveniebat, cogebat recedere, nisi ipsi armati vellent easdem in uxores ducere.
  Et finaliter credit ipse loquens quod ipsa erat vera catholica, Deum timens, et præcepta ejus custodiens, mandatis etiam Ecclesiæ obediens pro posse ; pia etiam, non solum erga Gallicos, sed etiam erga inimicos. Et hæc scil ipse loquens, quia per longa tempora cum eadem conversatus est, et eam multotiens juvabat ad armandum.
  Dicit insuper quod ipsa Johanna multum dolebat et displicebat sibi quod aliquæ bonæ mulieres veniebant ad eam, volentes eam salutare, et videbatur quædam adoratio, de quo irascebatur.
  Nec aliud scit.


Sources :
- Présentation et traduction : "La vraie Jeanne d'Arc, tome IV : la vierge-guerrière" R.P Ayroles (1898) p.160.

- Texte latin : Quicherat - Procès t.III p.77.


Notes :
1 Hospitium novum est l'Hostel-Neuf, auparavant du Petit-Musc, que Charles VI fit rebâtir. Il communiquait avec l'hôtel de Saint-Paul ; circonstance d'où on peut induire que Simon Beaucroix était attaché à la cour (Quicherat).

2 Beaucroix donne ici à d'Olon un titre qu'il n'a eu que bien postérieurement aux faits qu'il raconte.

3 Il semble que le témoin n'a vu Jeanne qu'au retour de Poitiers. C'est alors seulement que d'Olon a été chargé de sa maison. A l'arrivée de Jeanne, d'Olon n'était pas à Chinon.

4 Il n'y avait pas assez de vivres dans la ville.

5 C'était le surlendemain.

6 Il s'agit ici d'une île qui a disparu lors de la reconstruction du pont d'Orléans, mais qui figure encore sur les anciens plans sous le nom d'Ile-aux- Toiles. Dans le Journal du Siége on l'appelle « la petite île au droit de Saint-Aignan. » Elle joignait presque la levée de Saint-Jean-le-Blanc. (Jollois)

7 Seulement sur la rive gauche de la Loire ; savoir le fort des Augustins, celui des Tourelles, et celui de Saint-Privé, à l'ouest des deux précédents. (Quicherat).
 

Procès de réhabilitation
Témoins de Paris

Les dépositions :

Jean Tiphaine
Guillaume de la Chambre
Mgr Jean de Mailly
Me Thomas de Courcelles
Me Jean Monnet
Louis de Coutes
Gobert Thibault
Simon Beaucroix
Jean Barbin
Marguerite de La Touroulde
Jean Marcel
Mgr le Duc d'Alençon
Fr. Jean Pasquerel
Fr. Jean de Lenizeul
Simon Charles

Le Sire de Termes
M. Haimond de Macy
Colette Milet
Pierre Milet
Me Aignan Viole


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