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09 octobre 2024  

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Déposition de Louis de Coutes

  Noble et prudente personne Louis de Coutes, écuyer, seigneur de Nouvion et de Rugles (1), âgé de quarante-deux ans environ, témoin produit, reçu, juré et interrogé sur le contenu des articles présentés en ce procès de nullité, le troisième jour du mois d'avril, après Pâques,

  Interrogé d'abord sur le contenu des Ier, IIe, IIIe et IVe articles, tous les autres étant écartés, car il ne sait rien sur eux, il dit et déclare sous serment ce qui suit : l'année où Jeanne vint près du roi, en la ville de Chinon, lui, témoin, avait alors quatorze ou quinze ans ; il était au service du sire de Gaucourt et passait son temps avec lui, qui, était capitaine dudit lieu de Chinon. En ce temps arriva Jeanne audit lieu de Chinon, en compagnie de deux hommes ; elle fut conduite au roi ; le témoin qui parle la vit plusieurs fois, qui allait auprès du roi et en revenait ; et on assigna à Jeanne un logement dans une tour du château du Coudray. Dans cette tour le témoin resta avec Jeanne, et, pendant tout le temps qu'elle y fut, il resta continuellement en sa compagnie, pendant la journée ; mais, de nuit, elle avait des femmes avec elle. Il se rappelle bien qu'en ce temps, où elle fut dans ladite tour du Coudray, des hommes de haute condition vinrent plusieurs jours pour s'entretenir avec Jeanne ; mais ce qu'ils faisaient ou disaient, il l'ignore, car toujours, quand il voyait arriver ces hommes, le témoin se retirait ; il ne sait qui étaient ces hommes.
  Il dit en outre qu'en ce temps où Jeanne et lui se trouvaient dans la tour, il la vit souvent à genoux, priant, à ce qu'il lui semblait ; il ne put cependant saisir ce qu'elle disait, bien qu'elle pleurât parfois. Ensuite Jeanne fut conduite en la ville de Poitiers, puis ramenée en la ville de Tours, dans la maison d'une dénommée Lapau ; là le duc d'Alençon donna à Jeanne un cheval, que le témoin vit dans la maison de cette Lapau. En cette ville de Tours, on dit et ordonna au témoin d'être valet d'armes de Jeanne avec un certain Raymond ; et dès lors il fut toujours avec Jeanne, alla avec elle toujours, en sa charge de valet d'armes, en la servant, tant à Blois qu'à Orléans, et jusqu'à ce qu'ils fussent parvenus devant la ville de Paris.
  Il dit en outre que Jeanne étant dans la ville de Tours on lui donna une armure, et elle reçut alors du roi un état. De la ville de Tours elle alla à celle de Blois, avec une compagnie d'hommes d'armes du roi, et cette compagnie eut dès lors grande confiance en elle. Jeanne resta avec les hommes d'armes dans cette ville pendant un certain temps, dont le témoin ne se souvient pas ; on décida alors de quitter Blois et d'aller dans la ville d'Orléans par la Sologne ; Jeanne partit toute armée, avec la compagnie d'hommes d'armes, auxquels elle recommandait toujours d'avoir grande confiance en Dieu et de confesser leurs péchés. Et dans cette compagnie le témoin vit Jeanne recevoir le sacrement de l'eucharistie.
  Il dit en outre qu'étant arrivés à proximité d'Orléans, du côté de la Sologne, Jeanne, le témoin et plusieurs autres furent conduits au-delà de l'eau, du côté de la cité d'Orléans et de là entrèrent dans la ville. Le témoin ajoute que Jeanne fut très meurtrie en venant jusqu'à Orléans, car elle avait couché toute armée la nuit précédant son départ de Blois. A Orléans Jeanne fut hébergée dans la maison du trésorier (2), devant la porte Bannier ; et dans cette maison, comme le vit le témoin, elle reçut le sacrement de l'eucharistie.
  Il dit aussi que, le lendemain de son entrée à Orléans, Jeanne alla voir le seigneur bâtard d'Orléans, et s'entretint avec lui ; au retour elle était très irritée, car, disait-elle, il avait été décidé pour ce jour-là de ne pas partir à l'assaut. Néanmoins elle se rendit à un retranchement, que les gens d'armes du roi tenaient contre le retranchement des Anglais ; et là Jeanne parla aux Anglais se trouvant dans l'autre retranchement, leur disant de s'en aller, au nom du Christ, sinon elle les chasserait ; un dénommé le bâtard de Grandville lança alors plusieurs injures à Jeanne, lui demandant si elle voulait qu'ils se rendissent à une femme, et appelant les Français se trouvant avec Jeanne « maqueraux mécréants ». Cela fait, Jeanne revint à son logis et monta dans sa chambre, et le témoin qui parle croyait qu'elle allait dormir. Mais très peu après elle descendit et dit ces paroles au témoin : « Ah ! sanglant garçon, vous ne me diriez pas que le sang de France fût répandu! », en lui ordonnant d'aller chercher son cheval; entre-temps elle se fit armer par la maîtresse de maison et sa fille ; lorsque le témoin revint, ayant préparé son cheval, il trouva Jeanne déjà armée ; elle dit alors au témoin d'aller chercher son étendard, qui était resté en haut ; et le témoin le lui remit par la fenêtre. Ayant saisi son étendard, Jeanne se précipita vers la porte de Bourgogne ; l'hôtesse dit alors au témoin de la suivre, ce qu'il fit. Il y avait à ce moment une attaque, ou escarmouche, du côté de Saint-Loup, et au cours de cette attaque le retranchement fut pris ; Jeanne rencontra quelques Français blessés, ce qui l'indigna. Les Anglais se préparaient à la défensive, lorsque Jeanne arriva en hâte contre eux ; aussitôt que les Français virent Jeanne, ils se mirent à crier et s'emparèrent de la bastille, ou fortin, de Saint-Loup. Il a entendu dire que certains hommes d'Église, ayant revêtu leurs habits ecclésiastiques, vinrent au devant de Jeanne ; celle-ci les reçut, ne souffrit pas qu'on leur fît le moindre mal et les fit conduire à son logis, les autres Anglais étant tués par les gens de la ville d'Orléans. Le soir Jeanne vint pour dîner à son logis ; elle était très sobre, car plusieurs fois, de toute la journée elle ne mangeait qu'un morceau de pain ; et on s'étonnait qu'elle mangeât si peu. Et, quand elle était à son logis, elle ne mangeait que deux fois dans la journée.
  Il déclare en outre que le jour suivant, vers la troisième heure (3) les troupes de notre roi traversèrent la rivière dans des bateaux pour aller contre la bastille, soit fortin de Saint-Jean-le-Blanc ; les Français la prirent et de même la bastille des Célestins (4). Jeanne, accompagnée du témoin, franchit le fleuve Loire avec ces troupes, puis revint dans la ville d'Orléans où elle coucha dans son logis avec quelques femmes, comme elle avait coutume de le faire ; car toujours la nuit elle avait une femme couchant avec elle, si elle pouvait en trouver une ; et si elle ne pouvait en trouver, lors de la guerre et en campagne, elle couchait tout habillée. Dès le jour suivant Jeanne, contre l'avis de plusieurs seigneurs estimant que sa décision allait mettre les gens du roi en grand danger, fit ouvrir la porte de Bourgogne et une petite porte située près de la grosse tour ; puis elle passa l'eau avec quelques hommes d'armes, pour attaquer la bastille soit fortin du Pont, que tenaient encore les Anglais. Attaquant en ce lieu, les gens du roi y tinrent depuis la première heure (5) jusqu'à la nuit ; là Jeanne fut blessée, et on lui ôta son armure pour soigner sa blessure ; aussitôt après avoir été soignée, elle se réarma et alla avec les autres à l'attaque et à l'assaut, qui se prolongea de la première heure jusqu'au soir, sans arrêt. Le retranchement fut enfin pris, et Jeanne, restant toujours avec les hommes d'armes pour l'assaut, les exhortait à avoir bon courage, à ne pas se retirer, car ils auraient le fortin sous peu ; elle disait, lui semble-t-il, qu'ils auraient le fortin quand ils verraient le vent pousser son étendard dans sa direction. Toutefois vers le soir les gens du roi, voyant qu'ils n'arrivaient à rien, que la nuit approchait, désespéraient de s'emparer de ce fortin. Cependant Jeanne persistait toujours, leur promettant qu'ils auraient sans faute le fortin le jour même. Les gens du roi préparèrent alors un nouvel assaut ; ce que voyant, les Anglais ne firent aucune défense, mais, terrifiés, furent presque tous noyés ; et au cours de cette dernière attaque ou dernier assaut les Anglais ne firent aucune défense. Le lendemain tous les Anglais se trouvant autour de la ville partirent pour Beaugency et Meung. L'armée du roi, où se trouvait Jeanne, les suivit ; et là, on se mit d'accord sur la reddition de la ville de Beaugency ou sur le combat. Mais le jour du combat arrivé, les Anglais quittèrent Beaugency, suivis par les gens du roi et Jeanne ; l'avant-garde était conduite par La Hire, ce qui irrita beaucoup Jeanne, car elle désirait beaucoup avoir la charge de l'avant-garde. Les gens du roi firent si bien que La Hire, qui conduisait cette avant-garde, tomba sur les Anglais ; les troupes du roi eurent la victoire et presque tous les Anglais furent tués.
  Il déclare aussi que Jeanne était très pieuse, et elle avait grand pitié de tant de massacres ; en effet une fois un Français, qui conduisait certains prisonniers anglais, frappa l'un d'eux sur la tête, si fort qu'il le laissa comme mort ; Jeanne voyant cela descendit de cheval, fit confesser l'Anglais, lui soutenant la tête et le consolant comme elle pouvait. Ensuite, en compagnie des gens du roi, elle alla devant la ville de Jargeau, qui fut prise d'assaut, et là nombre d'Anglais furent faits prisonniers, parmi lesquels Suffort et La Poule. Ensuite, après la levée du siège d'Orléans et les victoires remportées, Jeanne alla avec les troupes auprès du roi, alors installé dans la ville de Tours, et on décida que le roi irait à Reims pour le sacre. Le roi partit avec son armée, dans laquelle se trouvait Jeanne, se dirigeant vers la ville de Troyes, qui se rendit au roi, et de là vers la ville de Châlons, qui pareillement se remit aux mains du roi ; il alla ensuite à Reims, où notre sire le roi fut couronné et sacré, en présence du témoin qui parle ; car il était, comme on l'a dit, valet d'armes de Jeanne et se trouvait toujours avec elle. Et il resta avec elle jusqu'à ce que Jeanne vint devant la ville de Paris.
  Il déclare en outre, autant qu'il a pu en avoir connaissance, que Jeanne était bonne et honnête femme, vivant en catholique ; elle entendait la messe avec grand plaisir, et jamais ne manquait de le faire, si cela lui était possible. Elle était fort courroucée quand elle entendait blasphémer le nom de notre Seigneur et quand elle entendait quelqu'un jurer ; car, et il en fut plusieurs fois le témoin, quand le seigneur duc d'Alençon jurait ou disait quelque blasphème, elle le reprenait ; et en général personne de l'armée n'aurait osé jurer ou blasphémer devant elle, de peur d'être repris.
  Il dit en outre qu'elle ne voulait pas qu'il y eût des femmes dans l'armée ; une fois en effet, près de la ville de Château-Thierry, voyant une femme, la concubine d'un homme d'armes, qui était à cheval, elle la poursuivit l'épée dégainée ; elle ne frappa cependant pas cette femme, mais lui conseilla avec douceur et bonté de ne plus se trouver en compagnie des hommes d'armes, sinon elle lui ferait du désagrément.
  Le témoin ne sait rien d'autre, car, il l'a dit, à partir du moment où Jeanne vint devant la ville de Paris, il ne la vit plus.

                                 


  Nobilis vir et prudens Ludovicus de Coutes, scutifer, dominus de Novyon et de Reugles, ætatis XLII annorum, vel circiter, testis productus, receptus, juratus et examinatus super contentis in articulis in processu hujusmodi nullitatis productis, die III. mensis aprilis, post Pascha.

  Et primo, interrogatus de et super contentis in I., II., III. et IV. articulis, cæteris omnibus omissis quia de illis nihil scit : dicit et deponit, ejus medio juramento, quod, anno quo ipsa Johanna venit apud regem, in villa de Chinon, ipse loquens erat quasi XIV vel XV annorum, el serviebat et morarn trahebat cum domino De Gaucourt, qui erat capitaneus dicti loci de Chinon. Et illo tempore applicuit ipsa Johanna ad dictum locum de Chinon, associata duobus viris ; quæ fuit ducta ad regem ; ipseque loquens pluries eamdem Johannam vidit ire et redire versus regem, et fuit assignatum eidem Johannæ hospitium in quadam turri castri du Couldray. In qua quidem turri ipse loquens mansit cum eadem Johanna, et per tempus quo ibidem stetit, continue conversando cum ea de die ; sed de nocte habebat mulieres cum ea. Et bene recordatur quod, illo tempore quo stetit in dicta turri du Couldray, per plures dies veniebant homines magni status locutum cum eadem Johanna ; sed quid faciebant aut dicebant nescit, quia semper, dum ipse loquens videbat eosdem homincs accedere, recedebat ; nec scit qui erant illi homines.
  Dicit insuper quod, illo tempore quo ipsa Johanna et loquens erant in eadem turri, multotiens vidit eamdem Johannam genibus flexis, ut sibi videbatur, orantem ; non tamen potuit percipere quid dicebat, licet aliquando fleret. Et postmodum ipsa Johanna fuit ducta ad villam Pictavensem, et postmodum reducta ad villam Turonensem, in domo cujusdam vocatæ Lapau ; et in quo loco dominus dux Alenconii dedit eidem Johannæ unum equum, quem vidit loquens in dicta domo ipsius Lapau. Et in dicta villa Turonensi fuit dictum et intimatum loquenti quod ipse esset mango ipsius Johannæ, una cum quodam Raymundo ; et ab illa hora semper stetit cum eadem Johanna, et ivit semper cum ea, eidem serviendo in officio mangonis, tam Blesis quam Aurelianis, et usquequo pervenerunt ante villam Parisiensem.
  Dicit insuper quod, ipsa Johanna exsistente in villa Turonensi, fuerunt eidem Johannæ datæ armaturæ, et habuit ipsa Johanna tunc statum a rege. Et a villa Turonensi accessit ad villam Blesensem, in comitiva virorum armorum regis, et quæ comitiva illotunc habebat magnam fiduciam in eadem Johanna. Et stetit ipsa Johanna cum armatis in dicta villa Blesensi per aliqua tempora, de quibus non recordatur ; et tunc fuit conclusum recedere a villa Blesensi et ire ad villam Aurelianensem, per latus de la Saulongne ; et recessit ipsa Johanna armata suis armis, cum coraitiva armatorum, monendo semper armatos quod haberent magnam fiduciara in Domino et quod confiterentur peccata sua. Et in hujusmodi comitiva ipse loquens vidit eamdem Johannam recipere sacramentum Eucharistiæ.
  Dicit insuper quod, ipsis applicatis juxta villam Aurelianensem, de latere de la Saulongne, ipsa Johanna, testis loquens, et plures alii fuerunt ducti ultra aquam, de latere civitatis Aurelianensis, et dehinc intraverunt villam Aurelianensem. Et dicit ipse loquens quod ipsa Johanna multum fuit læsa veniendo usque ad villam Aurelianensem, quia ipsa cubuit cum armis suis, in nocte sui recessus a villa Blesensi. Fuit autem ipsa Johanna hospitata in villa Aurelianensi, in domo thesaurarii, ante portam Bannier; et in qua domo, ut videtur loquenti, ipsa Johanna recepit sacramentum Eucharistiae.
  Et dicit quod in crastino die, quo intraverunt villam Aurelianensem, ipsa Johanna ivit versus dominum bastardum Aurelianensem, et cum eo locuta est, et in regressu erat multum irata quod, ut dicebat, fuerat appunctamentum quod pro illa die non iretur ad insultum. Nihilominus ipsa Johanna ivit ad quoddam boulvardum quod habebant armati regis contra boulvardum Anglicorum, et ibidem ipsa Johanna locuta est cum Anglicis exsistentibus in alio boulvardo, eisdem dicendo quod recederent in nomine Dei : alias ipsa eos expelleret ; cui Johannæ quidam vocatus le Bastard de Granville dixit plures injurias, quærendo ab eadem Johanna si vellet quod se redderent uni mulieri, vocando Gallicos cum eadem Johanna exsistentes « maquereaulx mescréans. » His actis, regressa est ipsa Johanna in suo hospitio et ascendit in cameram suam, et credebat loquens quod iret dormitum. Illico et paulo post descendit inferius, et dixit eidem loquenti ista verba : « Ha, sanglant garson, vous ne me dyriez pas que le sanc de France feust repandu ! » præcipiendo eidem loquenti quod iret quæsitum suum equum ; et fecit interdum se armari per dominam domus et ejus filiam, et dum venit loquens de parando suum equum, invenit eamdem Johannam jam armatam ; dixitque testi loquenti quod iret quæsitum suum vexillum, quod erat superius ; et illud tradidit ipse loquens eidem Johannæ per fenestram. Quo vexillo accepto, ipsa Johanna festinanter incurrit versus portam Burgundiæ ; et tunc ipsa hospita dixit loquenti quod iret post eam ; quod et fecit. Et erat tunc quædam invasio seu escharmouche versus Sanctum Lupum, et in illa invasione fuit captum boulvardum, et obviavit ipsa Johanna quibusdam Gallicis vulneratis, de quo fuit irata. Anglici autem se parabant ad defensionem, dum ipsa Johanna cum festinatione ad eos applicuit, et illico quod Gallici viderunt eamdem Johannam, incepei unt clamare, et fuit capta bastilda seu fortalitium Sancti Lupi. Et audivit dici quod quidam viri ecclesiastici assumpserunt indumenta ecclesiastica, venientes obviam eidera Johannæ ; quos ipsa Johanna recepit, nec passa est quod eisdem aliquod malum fieret, et ipsos fecit cum ea adduci ad suum hospitium, cæteris Anglicis per gentes villæ Aurelianensis occisis. Et illo sero venit ipsa Johanna coenatum in suo hospitio ; quæ multum erat sobria, quia pluries per totam diem non comedit nisi morsum panis ; et mirabatur quod ita modicum comedebat. Et dum erat in suo hospitio, solum bis in die comedebat.
  Dicit insuper quod die sequente, circa horam tertiam, armati domini nostri regis transiverunt ripariam in navibus, pro eundo contra bastildam seu fortalitium Sancti Johannis Albi, et Gallici eamdem ceperunt, et etiam bastildam Coelestinorum; et passavit ipsa Johanna cum eisdem armatis fluvium Ligeris, et ipsemet loquens cum ea, et regressi sunt ad villam Aurelianensem, in qua ipsa Johanna cubuit in suo hospitio cum aliquibus mulieribus, prout facere consueverat, quia semper in nocte habebat mulierem cum ea cubantem, si invenire posset ; et dum non poterat invenire, quando erat in guerra et campis, cubabat induta suis vestibus. Die autem postmodum immediate sequente, ipsa Johanna, contradicentibus pluribus dominis, quibus videbatur quod ipsa volebat ponere gentes regis in roagno periculo, fecit aperiri portam Burgundiæ, et quamdam parvam portam exsistentem juxta grossam turrim, et passavit aquam cum aliis gentibus armatis, ad invadendum bastildam seu fortalitium Pontis, quam adhuc tenebant Anglici. In quo loco ad invadendum steterunt gentes regis ab hora prima usque ad noctem, et ibidem ipsa Johanna fuit læsa et dearmata suis armis, ad eam præparandum de suo vulnere ; postquam autem fuit præparata, iterum se armis induit, et ivit cum aliis ad invasionem et insultum, qui duraverat ab hora primæ usque sero indesinenter. Et tandem boulvardum fuit captum, ipsa Johanna semper stante cum armatis ad insultum, eosdem exhortando quod haberent bonum cor, et quod non recederent, quia haberent illud fortalitium in brevi ; dicendo, ut sibi videtur, quod, quando perciperent quod ventus perduceret vexilla versus fortalitium, quod haberent illud. Et in tantum quod, circa sero, cum viderent gentes regis quod nihil faciebant, et quod jam nox erat in propinquo, desperabant de captione illius fortalitii. Ipsa tamen Johanna semper persistebat, eisdem promittendo infallenter quod illud fortalitium illa die haberent. Et paraverunt gentes regis iterum insultum ; quod videntes Anglici nullam defensionem adhibuerunt, sed fuerunt perterriti, et fuerunt quasi omnes submersi ; nec fuit ex parte Anglicorum in illa ultima invasione seu insultu aliqua defensio. Et in crastino omnes Anglici exsistentes circa villam recesserunt apud villam de Baugency et villam de Mehun. Quos secuta fuit armata regis, in qua erat ipsa Johanna ; et ibidem fecerunt compositionem de reddendo villam de Baugency, aut pugnando. Et adveniente die pugnæ, recesserunt Anglici a dicta villa de Baugency ; quos secutæ fuerunt gentes regis, cum ipsa Johanna ; et habuit l'avant-garde La Hire ; de quo ipsa Johanna fuit multum irata, quia ipsa multum affectabat habere onus de l'avant-garde. Ita etiam se habuerunt gentes regis quod La Hire, qui conducebat l'avant-garde, percussit super Anglicos, et habuerunt gentes regis victoriam, fueruntque quasi omnes Anglici interfecti.
  Dicit insuper quod ipsa Johanna erat multum pia, et habebat magnam pietatem de tanta occisione, quia, cum quadam vice unus Gallicus duceret certos Anglicos captivos, ipse qui eos ducebat percussit unum aliorum Anglicorum in capite, in tantum quod ipsum reddidit quasi mortuum. Ipsa Johanna hoc videns descendit de equo, et fecit eumdem Anglicum confiteri, tenendo eum per caput, et consolando eum pro posse. Postmodum ipsa Johanna, in comitiva gentium regis, ivit ante villam de Jargeau, quæ fuit in insultu capta, et ibidem plurimi Anglici captivi, inter quos erant Suffort et La Poule. Et deinde, post levationem obsidionis Aurelianensis et victorias obtentas, ipsa Johanna cum armatis ivit versus regem exsistentem tunc in villa Turonensi, et fuit conclusum quod rex iret Remis pro sua consecratione. Et exivit rex cum suo exercitu, in quo erat ipsa Johanna, tendens ad villam Trecensem, quæ fuit reddita regi, et dehinc ad villam Catalaunensem, quæ similiter fuit reducta in manibus regis ; et deinde ad villam Remensem, in qua ipse dominus noster rex fuit coronatus et sacratus, in ipsius loquentis præsentia ; qui erat, ut dictum est, mango ipsius Johannæ, et cum qua ipse semper erat. Et stetit cum eade in usque dum ipsa Johanna venit ante villam Parisiensem.
  Dicit insuper quod, quantum de ea habere potuit notitiam, ipsa Johanna erat bona et proba mulier, catholice vivens ; quæ multum libenter audiebat missam, quia nunquam deficiebat ad audiendum missam si possibile sibi esset. Erat etiam multum irata quando audiebat blasphemari nomen Domini nostri et quando audiebat aliquem jurantem ; nam et pluries audivit quod, quando dominus dux Alenconii jurabat aut dicebat aliquid blasphemiæ, ipsa eum reprehendebat ; et generaliter nullusde exercitu coram ea fuisset ausus jurare aut blasphemare, quin fuisset ab eadem reprehensus.
  Dicit quod non volebat quod in exercitu essent mulieres, nam quadam vice, juxta villam Castri-Theoderici, cum vidisset quamdam mulierem amasiam cujusdam hominis armorum, quæ erat eques, eamdem mulierem insecuta est cum gladio evaginato ; quam tamen mulierem non percussit, sed eam dulciter et caritative monuit ne se inveniret amodo in societate armatorum, alias eidem mulieri faceret displicitum.
  Nec aliud scit ipse loquens, quia, ut dicit, a tempore quo ipsa Johanna venit ante villam Parisiensem, eamdem Johannam non vidit.



Sources :
- Texte original latin : Quicherat - Procès t.III p.65 et suiv.
- Traduction: source Pierre Duparc.

Notes :
1 Plus tard beaufrère de Jean Beauharnais, ce bourgeois d'Orléans dont la déposition a été
rapportée ; et que, dans le temps qu'il était page de la Pucelle, les gens de guerre lui donnaient le surnom d'Imerguet. (Quicherat)

2 Jacques Boucher.

3 Neuf heures.

4 Augustins.

5 Six heures.
 

Procès de réhabilitation
Témoins de Paris

Les dépositions :

Jean Tiphaine
Guillaume de la Chambre
Mgr Jean de Mailly
Me Thomas de Courcelles
Me Jean Monnet
Louis de Coutes
Gobert Thibault
Simon Beaucroix
Jean Barbin
Marguerite de La Touroulde
Jean Marcel
Mgr le Duc d'Alençon
Fr. Jean Pasquerel
Fr. Jean de Lenizeul
Simon Charles

Le Sire de Termes
M. Haimond de Macy
Colette Milet
Pierre Milet
Me Aignan Viole


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