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La venue de la Pucelle

n celuy temps vint nouvelle qu'il y avoit une pucelle  près Vaucouleur, ès marches de Barrois, laquelle estoit aagée de vingt ans ou environ, et dist par plussieurs foiz à ung nommé Messire Robert de Beaudricourt, cappitaine du dit Vaucouleur, et à plussieurs autres, qu'il estoit neccessité qu'ilz la menassent devers le roy de France, et qu'elle luy feroit grans services en ses guerres et par plussieurs foiz les en requist. Et de ce ne se faisoient que rire et mocquer, et réputoient icelle Jehanne pour simple personne, et ne tenoient aucun conte des parolles. Et finablement fist tant icelle Jeanne qu'elle fut amenée devers le roy de France par un nommé Ville Robert et autres en sa compaignie (1).
  Et icelle venue devers le roy fist les inclinacions et révérences acoustumées de faire aux roys ainssi que se elle eust esté nourrie en sa cour. Et en sa subjection et salutation dist, en adressant sa parolle au roy : "Dieu vous doint bonne vie, gentil roy." Combien qu'elle ne le congnoessoit et qu'elle ne l'avoit oncques veu, et y avoit plussieurs seigneurs pompeusement et richement vestuz et plus que n'estoit le roy. Pourquoy respondit à ladite Jehanne : "Ce ne suys je pas qui suys roy, Jehanne." Et en luy monstrant l'un de seigneurs, dit : "Vélelà le roy !" A quoy elle respondi : "A ! non ! gentil prince, c'estes vous, et non autres."
  Et adonc fut examinée et interroguée dillangement par plussieurs saiges clercs et autres gens de plussieurs estaz, pour savoir qui la mouvoit de venir devers le roy. Et elle respondit qu'elle venoit pour mettre le roy en sa seignourie et que Dieu ainssy le voulloit, et qu'elle lèveroit le siège que tenoient les Angloiz devant la ville d'Orléans, et après ce, qu'elle maineroit le roy couronner à Rains, et qu'elle voulloit combatre les Angloiz, quelle part qu'elle les pourroit trouver, et qu'il failloit que le roy luy baillast telle puissance que le roy pourroit finer : car de lever icellui siège, de mener couronner le roy à Rains, de desconfire et débouter les Angloiz, elle n'en faisoit aucune doubte, et disoit plussieurs autres choses merveilleuses. Et res-pondit merveilleusement aux questions qui luy estoient faictes. Et au regard de la guerre, sembloit qu'elle en fust treffort expérimentée. Et s'es-merveilloient plussieurs docteurs et cappitaines de guerre et autres de son fait et des responces qu'elle faisoit, tant des choses divines que de la guerre.
Et pour pourveoir à la neccessité dudit siège d'Orléans, fut advisé par le roy en son conseil que icelle Jehanne la Pucelle yroit advitailler et besongner ce qui luy seroit possible sur ledit siège, ainssy qu'elle luy requéroit chaque jour. Et fist le roy certains mandemens de gens d'armes pour accompaigner icelle Jehanne la Pucelle. Entre lesquelz furent mandez de par le roy le sire de Raiz, Messire Ambrois, sire de Loré et plussieurs autres, lesquelz conduisirent et amenèrent icelle Jehanne la Pucelle en la ville de Blois (2), auquel lieu trouvèrent Messire Regnault de Chartres, archevesque de Rains et chancelier de France, le bastard d'Orléans, La Hire et autres. Et furent chargés en ladite ville de Blois plussieurs chevaulx et charettes de blé et prins grant force de beufz, moutons, vaches, pour-ceaulx et autres vivres.
  Et print son chemin icelle Jehanne la Pucelle et cappitaines dessunommez à tirer droit à Orléans , du costé de la Soilongne, et couchèrent une nuyt dehors, et le lendemain arriva ladite Jehanne la Pucelle et les dessus dits cappitaines avec iceulx vivres devant ladite ville d'Orléans. Et desamparèrent d'icelle heure les Angloiz d'une bastille, laquelle ilz tenoient, nommée Saint Jehan le Blanc, et se retirèrent les Angloiz estans en icelle aux Augustins avec autres qui là estoient près du bout du pont. Et entra ladite Jehanne la Pucelle, le bastard d'Orléans et plussieurs autres cappitaines avec tous iceulx vivres en ladite ville. Et lesditz sires de Raix et de Loré s'en retournèrent à Blois avec la plus grant part de la compaignie (3). Et faisoit on difficulté de mettre tant de gens en ladite ville d'Orléans, pour ce qu'il y avoit trop pou de vivres.
  Ceste dite Pucelle, après qu'elle oult été examinée, requist au roy qu'il luy ploust bailler l'un de ses armeuriers pour aller à Saincte Katherine de Fierbois quérir une espée qui estoit en certain lieu de l'église venue par la grace de Dieu, et en laquelle avoit pour emprainte de chacun costé cinq croix (4), laquelle chose luy fut adcordée, en luy demandant par le roy se elle avoit oncques esté audit lieu, comment elle savoit ladite espée estre telle, et comment elle y avoit esté apportée. A quoy respondit que oncquez n'avoit esté ne entré en l'église de ladite Saincte Katherine, mais bien savoit que icelle espée y estoit entre plussieurs vieilles ferrailles, comme elle le sçavoit par révélacion divine, et que par le moien d'icelle espée devoit expeller les ennemis du royaulme de France, et mener le roy enoindre et couronner en la ville de Rains. Après lesquelles parolles ainssy exposées par ladite Jehanne, par le congié et mission du roy l'un de sesdits ar-meuriers ala audit lieu, et véritablement trouva ladite espée et l'aporta à ladite Jehanne; qui estoit chose bien merveilleuse. De laquelle elle a milité et mené guerre ausditz ennemis du roy moult vaillanment, et par son entreprinse et nouveau commencement a avitaillé, avec les dessus nommez, ladite ville comme dit est.
  Et quant lesdits sires de Raiz et de Loiré furent arrivez à Blois, ils trouvèrent ledit chancellier de France, et adonc tindrent conseil de rechief savoir ce que on avoit affaire et estoient presque tous ceulx de la compaignie en voulenté de retourner audit lieu d'Orléans pour y faire et besongner chacun ce qu'il pourroit au bien du roy et d'icelle ville. Et, en parlant d'icelle matière, survint le bastard d'Orléans, lequel parla ausditz chancellier et cappitaines, en leur requérant et priant que on feist à l'ayde et secours d'icelle ville du mieulx com pourroit, et que se icelle compaignie s'en retournoit, que icelle ville estoit en voye de perdicion, et tantost fust conclud de retourner et de mener de rechief des vivres à puissance, et que on yroit par le costé de la Beausse, où estoit la puissance des Angloiz en la grant bastille dont dessus est faite mencion. Et avoient fait difficulté d'i aller à l'autre fois, que on y ala par la Souloigne avecques ladite Jehanne la Pucelle, où estoit trois foiz plus de gens que on n'estoit à aller par la Beauce.

   

                                                         

  En ce temps-là il vint des nouvelles au roi de France qu'il y avait une pucelle près de Vaucouleurs ès marches du Barrois, âgée de vingt ans ou environ, qui par plusieurs fois dit à un nommé messire Robert de Baudricourt, capitaine dudit Vaucouleurs, et à plusieurs autres, qu'il était de nécessité qu'on la menât devant le roi de France, et qu'elle lui serait d'un grand secours en ses guerres. Elle les en requit par plusieurs fois; et de ce ils ne faisaient que rire et se moquer, et ils réputaient ladite pucelle une personne idiote (simple), et ne tenaient pas grand compte de ses paroles. Finalement cette pucelle, nommée Jeanne, fit tant par ses paroles qu'elle fut amenée vers le roi de France par un nommé VilleRobert (5), et par d'autres en sa compagnie.
  Venue devant le roi elle fit les inclinations et les révérences accoutumées à faire aux rois, comme si toute sa vie elle eût été nourrie à la cour. Et en lui adressant la parole elle lui dit : « Dieu vous donne bonne vie, gentil roi », quoiqu'elle ne le connût point, qu'elle ne l'eût jamais vu, et qu'il y eût plusieurs seigneurs vêtus aussi richement et plus que l'était le roi ; ce qui fit qu'il lui répondit : « Ce, je ne suis pas le roi, Jeanne »; et en lui montrant un de ses seigneurs : « Voilà le roi »; à quoi elle répondit : « En nom de Dieu, gentil roi, c'est vous qui l'êtes et non un autre. »
  Elle fut donc examinée et interrogée diligemment par plusieurs sages clercs et autres gens de plusieurs états, pour savoir ce qui l'amenait auprès du roi. A quoi elle répondit qu'elle venait pour le mettre en son royaume et seigneurie, que Dieu ainsi le voulait, qu'elle lèverait le siège de devant Orléans, qu'ensuite elle le mènerait couronner à Reims, qu'elle voulait combattre les Anglais quelque part qu'elle les trouvât, et qu'il convenait que le roi lui donnât toutes les forces qu'il pourrait réunir; car de lever le siège d'Orléans, de mener sacrer le roi à Reims, de déconfire et mettre dehors les Anglais (6), elle n'en faisait aucun doute.
  Elle disait plusieurs autres grandes choses prodigieuses ; elle répondait merveilleusement aux questions qui lui étaient faites, et au regard de la guerre, il semblait qu'elle y fût fort expérimentée ; et plusieurs docteurs et capitaines s'émerveillaient de son fait et des réponses qu'elle faisait tant sur les choses divines que sur la guerre.
  Afin de pourvoir aux nécessités du siège d'Orléans, le roi en son conseil avisa que icelle Pucelle irait ravitailler la cité, et ouvrer son possible audit siège, ainsi qu'elle le requérait chaque jour.
  Le roi fit des mandements à plusieurs gens de guerre pour faire accompagner la Pucelle; parmi lesquels il manda le sire de Rais, le sire de Loré, et plusieurs autres, qui conduisirent et menèrent Jeanne à Blois. Là ils trouvèrent messire Regnault de Chartres, archevêque de Reims, chancelier de France, le bâtard d'Orléans, La Hire et d'autres; et ils firent charger plusieurs chevaux et charrettes de blé et d'autres vivres; et avec la Pucelle les capitaines prirent leur chemin vers Orléans du côté de la Sologne. Ils couchèrent une nuit dehors, et le lendemain ils arrivèrent avec le convoi devant Orléans. A leur arrivée les Anglais abandonnèrent une de leurs bastilles, celle de Saint Jean-le-Blanc, et ceux qui l'occupaient se retirèrent aux Augustins, et se réunirent à ceux qui s'y trouvaient, près du bout du pont.
  La Pucelle, le bâtard d'Orléans et plusieurs autres capitaines entrèrent avec tous leurs vivres dans Orléans ; les seigneurs de Loré, de Rais, et le plus grand nombre de ceux qui les accompagnaient s'en retournèrentà Blois; on craignit de mettre tant de gens dans la ville, parce qu'il y avait peu de vivres.
  Jeanne, après qu'elle eut été examinée, avait requis du roi qu'il lui plût d'envoyer l'un de ses armuriers à Sainte-Catherine-de-Fierbois, quérir une épée venue de la grâce de Dieu, qui se trouvait en un endroit de l'église, ayant pour empreinte de chaque côté cinq fleurs de lis. Ce qui lui fut accordé, mais le roi lui demanda si elle avait jamais été audit lieu, comment elle savait la forme de l'épée, et comment elle y avaitété apportée. Jeanne répondit qu'elle n'avait jamais été à Sainte-Catherine-de-Fierbois, mais qu'elle savait bien que cette épée s'y trouvait entre plusieurs vieilles ferrailles, qu'elle le savait par révélation divine, et par le moyen de cette épée elle devait chasser les ennemis du royaume de France, et mener le roi recevoir l'onction et la couronne à Reims.
  Après ces explications de Jeanne, un armurier, par ordre du roi, alla audit lieu de Sainte-Catherine, trouva véritablement l'épée indiquée, et la porta à Jeanne, ce qui était une bien merveilleuse chose. La Pucelle a milité avec cette épée, et mené vaillamment la guerre contre les ennemis du roi. Ainsi que cela vient d'être dit ; par son entreprise, et pour son commencement, Orléans fut ravitaillé.
  Les sires de Rais et de Loré de retour à Blois, où ils trouvèrent le chancelier
de France, des conseils furent tenus par eux pour savoir ce qu'il y avait à faire. Presque tous ceux de la compagnie étaient d'avis de retourner à Orléans, pour s'y employer chacun de leur pouvoir au bien du roi et de la ville ; et ils délibéraient à ce sujet, lorsque survint le bâtard d'Orléans, qui requit lesdits seigneurs de faire le mieux qu'ils pourraient pour donner aide et secours à la cité, sans quoi elle était en voie de perdition.
  Il fut aussitôt conclu de presque tous qu'on retournerait, qu'on mènerait des vivres en quantité, et qu'on irait par le côté de la Beauce, où se trouvaient les grandes forces des Anglais, en la grande bastille dont il a été parlé. Ils avaient fait difficulté la première fois d'y aller, quand ils étaient venus par la Sologne avec la Pucelle, quoiqu'ils fussent alors trois fois plus de gens qu'ils ne l'étaient maintenant qu'ils allaient par la Beauce.


                                                 

Source : "Chronique de Charles VII par Jean Chartier" - Vallet de Viriville - 1868.
Mise en Français plus moderne : J.-B.-J. Ayroles "La vraie Jeanne d'Arc - t.III.

Notes (Vallet de Viriville) :
1 La date généralement établie de la venue de la Pucelle à Chinon est celle du 6 mars 1429 et de sa présentation devant le Roi le 9 mars.
  La relation du greffier de La Rochelle a donné comme date d'arrivée à Chinon le 23 février 1429, date souvent reprise par les historiens actuels et qui correspond à la date de départ donnée par Jean de Metz dans son témoignage. (ndlr)
  Lire à ce sujet l'étude de Jean Boissonade (1933) qui fait autorité auprès de certains historiens comme Régine Pernoud. (ndlr)

2 Le 25 avril, elle partit de Blois et se mit en campagne.

3 Elle entra dans Orléans le 29.

4 Nous mettons ici cinq croix, encore bien qu'aucun texte manuscrit ou imprimé de Jean Chartier ne fournisse cette leçon. Les motifs qui nous ont ainsi porté à corriger l'auteur lui-même résultent de l'exposé qui va suivre. On trouve dans le texte des diverses éditions de la chronique, savoir: Mss. 8350, 9679, 2, a, et Saint-Germain françois 1540 : cinq petites espées ; mss. 8298, Saint-Germain françois 1539 et Arsenal, 160, ainsi que les imprimés de 1477, 1493 , 1518, 1661 : cinq fleurs de lis. Mais, d'un autre côté, la Geste des nobles françois, par Guillaume Cousinot, le chancelier (mss. 10297 et 9656), la Chronique de la Pucelle, par Cousinot de Montreuil, dans Godefroy, p. 507, le Journal du siège, dans Quicherat, procès, etc., p. 129, donnent, au passage correspondant : cinq croix. Cette leçon est évidemment la bonne, et ce qui doit fixer la controverse, c'est le témoignage direct, sur ce point, de la Pucelle. « Interrogée comment elle savoit que cette épée étoit en ce lieu, a répondu... qu'il y avoit dessus cinq croix, et qu'elle le savoit par ses voix. » (Procès de condamnation, t. I, p. 76 et 236.) Cette particularité offre un nouvel argument ou un nouvel appui en faveur de la thèse que j'ai développée dans ma dissertation intitulée : Essais critiques sur les historiens, etc. Chronique de Cousinot. Paris, 1857, in-8°. Jean Chartier, qui, après 1437, travailloit sur des textes communiqués, a évidemment ici altéré le texte, lui ou ses copistes, et cette altération, comme on voit, porte tantôt cinq fleurs de lys et tantôt cinq petites épées.

5 On se demande vainement d'où Chartier aurait tiré ce nom (Ayroles).

6 De desconfire et débouter hors les Anglais, c'est le texte. Or, d'après LACURNE débouter
signifie : chasser, expulser, repousser. (Dictionnaire de l'ancienne langue française.)





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