Les mémoires de Le Fèvre de Saint-Rémy
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ean Le Fèvre, natif d'Abbeville, conseiller du duc de Bourgogne et roi d'armes de l'ordre de la Toison d'or, était âgé de
soixante-sept ans en 1460, lorsqu'il se mit à écrire ce qu'on est
convenu d'appeler ses Mémoires. C'est à proprement parler une
chronique, chronique succincte, et qui, au point de vue bourguignon,
représente tout à fait ce qu'est celle de Berri pour le parti
français. On y trouve sur la Pucelle des renseignements qui ne
peuvent émaner que d'un témoin oculaire. La relation de la sortie
de Compiègne est l'une des plus complètes et des meilleures qu'il y
ait. Quant à la captivité, même lacune dans Jean Lefèvre que dans
Monstrelet. Du jugement, il n'en est pas non plus question, et on
peut croire que le chroniqueur n'aurait pas parlé du tout de la mort
de Jeanne d'Arc, s'il n'avait eu besoin, en un endroit, d'une transition
pour amener le récit d'un nouveau revers des Français.
Voici en effet la forme toute incidente sous laquelle il mentionne
ce fait, au commencement de son 172e chapitre : « Bien avez ouy parler comment aulcuns de legier et creance voullaige se bouttèrent à croire que les faits de la Pucelle estoient choses miraculeuses et permises de par Dieu, et fort y furent pluiseurs enclins de le croire. Or advint après la mort d'icelle Jehanne la Pucelle, que, etc... »
On doit à M. Buchon la partie des mémoires de Jean Lefèvre
qui correspond aux quatorze premières années du règne de Charles
VII, celle par conséquent où il est parlé de Jeanne d'Arc. Il
en a donné le texte pour la première fois dans sa Collection des
chroniques nationales, d'après le manuscrit 9869-3 de la Bibliothèque
royale.
Chapitres :
- Chap. CLI : Comment la Pucelle Jehanne vint en bruit et feut amenée...
- Chap. CLII : Comment le daulphin fut couronné roy de France à Rains...
- Chap.CLIII : Comment le duc de Bourgongne assega la ville de...
- Chap.CLXXXX : De la bataille du bergier où les François furent
desconfits...
Sources
: Présentation et texte original - Quicherat, t.IV, p.429 et suiv.
Mise en Français plus moderne : J.B.J. Ayroles, "La vraie Jeanne d'Arc" - t.III, p.504 et suiv.
Notes :
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Remarques critiques de J.B.J. Ayroles :
Jean Le Fèvre de Saint-Rémy naquit près d'Abbeville vers 1394, et
mourut à Bruges vers 1474. Tout jeune il fut poursuivant d'armes sous
Jean sans Peur. Il persévéra dans la arrière où il s'était engagé, et
en 1422, il fut créé héraut d'armes sous le nom de Charolais. Lors de
l'institution de la Toison d'Or il en devint le roi d'armes, et il échangea
son nom de Charolais contre celui de Toison d'Or. Cher au duc de Bourgogne,
l'un de ses plus intimes officiers, il en reçut des dons nombreux,
et fut honoré de plusieurs délicates missions.
Toison d'Or était septuagénaire lorsque, en 1464, il entreprit d'écrire
ses Mémoires; il en est sorti la Chronique qui porte son nom; elle
s'étend de 1407 à 1460. Il confia son écrit à Chastellain qui s'en est inspiré.
Le Laboureur inséra dans sa traduction de la belle Histoire de
Charles VI, par le Religieux de Saint-Denis, la partie de la Chronique de
Le Fèvre qui s'étend de 1407 à 1422. Buchon l'édita tout entière.
A en juger par les chapitres qui relatent les événements qui se déroulèrent
sous la conduite de la Pucelle, la Chronique n'est pas seulement
succincte; elle est très inexacte. Il traite l'héroïne d'une manière fort
superficielle, cavalière, rapetisse sans mesure son rôle, en taisant la part
qui lui revient dans les faits, et taxe de gens de folle créance ceux qui
comptèrent sur elle. Les faussetés qu'il invente sur les débuts de la
Pucelle donnent droit de ne pas croire ce qu'il lui plaît de narrer des
promesses faites par l'héroïne avant sa sortie de Compiègne. Il est le seul à nous en parler ; car Georges Chastellain n'a fait qu'embellir de sa diction
la donnée fournie par Le Fèvre de Saint-Rémy, qui, venons-nous de
dire, lui envoyait son écrit. Le Fèvre semble peu croire au surnaturel,
l'élague ou le persifle. N'est-ce pas ce qui explique le jugement très
favorable porté par Quicherat sur une oeuvre pleine d'énormes faussetés,
qui n'apprend rien, et nous semble être, avec celle de Wavrin de Forestel,
au dernier rang des Chroniques qui traitent avec quelque étendue de
l'apparition de la Libératrice ?
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