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Chronique d'Enguerrand de Monstrelet - index
L.I-230 - [Comment Phelippe, conte de Saint-Pol, fist prendre à Bruxelles les gens de son frère le duc de Brabant. - Et autres besongnes.]

tem, durant le temps dessusdit, Phelippe, conte de Saint-Pol dessus nommé, fut hastivement mandé par une grant partie des nobles et des bonnes villes du pays de Brabant, et aussi par sa tante, contesse de Haynnau et la fille de ladicte contesse, femme dudit duc. Auquel mandement, toutes autres choses mises arrière, il ala sans délay. Et lui venu ou pays, fut tantost fait gouverneur de la duchié de Brabant par le consentement des dessusdiz, ou lieu de son frère le duc, duquel bonnement plus ne pouvoient souffrir le gouvernement, pour ce qu'il se mésusoit par diverses manières. Si se tint icellui conte, à tout son estat, en la ville de Bruxelles, et commença à faire plusieurs nouvelles ordonnances qui grandement despleurent à ceulx qui gouvernoient le duc de Brabant, lequel pour lors estoit absent d'icelle ville de Bruxelles. Et pour tant, iceulx gouverneurs ramenèrent à grant puissance de gens d'armes pour venir en ladicte ville de Bruxelles, laquelle de prime face ne lui fut point ouverte, jus-ques à ce qu'il eut promis à son frère le conte de Saint-Pol, qu'il tendroit ses gens et tous les habitans de la ville paisibles. Et sur ce y entra. Mais quant il fut dedans, ceulx qui le gouvernoient laissoient à grant peine, en enuis, approucher de lui sondit frère ne les autres nobles et notables gens de la ville. Dont ilz ne furent point bien contens, et en fin se conclurent avecques ledit conte de Saint-Pol de y pourveoir, et de fait se mirent ensemble en très grant nombre. Si prindrent et mirent prisonniers tous les gouverneurs dudit duc, entre lesquelz estoit le principal, le damoisel de Hainseberge. Desquelz prisonniers, grant partie furent décapitez. C'est assavoir messire Jehan Caudevert, Jehan Scochart, Édouard le Duc, Henry le Duc, messire Henry Clavain, maistre Guillaume Clavain et messire Jehan Clavain, messire Guillaume Pipempoix, Guillaume Moeux, le damoisel Guillaume Asche, Jehan Ouvert, messire Yvert Sorclaux, Jehan Clavain, geolier, et plusieurs autres. Si fut mis ledit duc au gouvernement des nobles du pays par le consentement de son frère le conte de Saint-Pol et des trois estas dudit pays, et après furent tous deux ensemble assez unis et en bonne amour.

       

  Item, en ces jours, les Daulphinois qui se tenoient à Guise en Thérasche et en la marche d'environ, s'assemblèrent environ cinq cens combatans, à tout lesquelz alèrent soudainement à la ville de Beaurevoir appartenant à messire Jehan de Luxembourg, où il faisoit sa demeure, et aussi en autres villages à l'environ, et là prindrent et ravirent plusieurs paysans et autres proyes, à tous lesquelles retournèrent hastivement dont ilz estoient venus. Pour laquelle envaye ledit de Luxembourg, grandement de ce troublé, assembla et manda à venir devers lui grant quantité de gens d'armes et de traict de plusieurs pays, lesquelz il conduisi et mena en la conté de Guise pour soy venger du desplaisir que les dessusdiz lui avoient fait, et là, envayssant ladite conté de Guise, prindrent et ravirent tout ce qu'ilz trouvèrent dehors les fortresses, c'est assavoir paysans, chevaulx, jumens, vaches, brebis, moutons, pourceaulx, avecques plusieurs autres biens, lesquelz ilz amenèrent et départirent à leur plaisir, et après se retrahirent chascun en leurs propres lieux.
  En après, durans les tribulacions dessus dictes, trespassa en la ville de Blois, Phelippe, conte de Vertus, second frère de Charles duc d'Orléans prisonnier en Angleterre, et frère aussi au conte d'Angoulesme. Lequel de Vertus gouvernoit en France toutes les seigneuries de sesditz frères. Pour le trespas duquel ledit de Touraine Daulphin fut moult affebli d'aide et de conseil, et ses deux frères (1) aussi, qui estoient prisonniers en Angleterre, en eurent au cuer grant tristesse, et le pleurèrent et lamentèrent tendrement par ung temps, tant pour l'amour fraternelle qu'ilz avoient à lui, comme pour ce qu'en leur absence il gouvernoit loyaument et sagement leurs dominacions, terres et seigneuries.

                                                 


Source : La chronique d'Enguerrand de Monstrelet - Tome IV (L.Douët d'Arcq - 1860)

Notes :
1 Les deux frères du comte de Vertus, c'est-à-dire le duc d'Orléans et le comte d'Angoulême.




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