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Georges Chastellain - index
L.II, chap. 14 - Comment la Pucelle issit dehors Compiegne à l'encontre des Bourguignons, et comment elle fut prise en ceste envahye.

r, reviens au logeis du duc, principal de nostre matère, là où il estoit à Coudun, pourgittant tousjours ses approces de plus et de plus près, pour mettre son siége clos et arresté comme il appertenoit ; lequel y mit sens et entendement, tout pour en faire bien et convenablement et le plus à son honneur.
  Or est vray que la Pucelle, de qui tant est faite mension desus, estoit entrée par nuit dedens Compiègne. Laquelle, après y avoir reposé deux nuis, le second jour après, donna à congnoistre pluseurs folles fantommeries ; et mist avant et dist avoir receues aulcunes revélacions divines et annoncemens de grans cas advenir : par quoy, faisant une genérale assamblée du peuple et des gens de guerre, qui moult y avoient mis créance et foy follement, fist tenir closes, depuis le matin jusques après disner bien tard, toutes les portes, et leur dit comment sainte Katherine s'estoit apparue à elle, tramise de Dieu, luy signifier qu'à ce jour mesmes il voloit que elle se mist en armes, et que elle issist dehors à l'encontre des ennemis du roy, Anglès et Bourguignons ; et que sans doubte elle auroit victoire et les desconfiroit, et seroit pris en personne le duc de Bourgoigne, et toutes ses gens, la greigneur part, mors et desconfiz.
  Si adjoustarent Franchois foy à ses dis, et le peuple de créance legière à ses folles délusions, par ce qu'en cas semblable avoient trouvé vérité aulcunes foys en ses dis, qui n'avoient nul fondement toutes voies de certaine bonté, ains clere apparence de déception d'Ennemi, comme il parut en la fin. Or estoient toutes mannières de gens du party de delà boutez en l'opinion que ceste femme icy fust une sainte créature, une chose divine et miraculeuse, envoyée pour le relèvement du roy franchois ; dont maintenant, en ceste ville de Compiègne, mettant avant si haulx termes que de desconfire le duc bourguignon et l'emmener prisonnier, mesmes en propre personne, n'y avoit cely qui en si haulte besongne comme ceste là, ne se voulsist bien trouver, et qui volontiers ne se boutast tout joyeulx en une si haulte recouvrance par laquelle ils seroient au deseure de tous leurs anemis. Par quoy tous, d'un commun ascentement, et à la requeste de la dite femme, recourrurent à leurs armes trestous, et faisans joye de ce dont ilz trouvèrent le contraire, lui offrirent syeute preste quant elle vouldroit.
  Si monta à ceval, armée comme seroit ung homme, et parce sur son harnois d'an huque de rice drap d'or vermeil. Chevauçoit ung coursier lyart, moult bel et moult fier, et se contenoit en son harnas et en ses mannières, comme eust fait un capitaine meneur d'ung grant ost ; et en cet estat, à tout son estandart hault eslevé et volitant en l'air du vent, et bien accompaigniée de nobles hommes beaucop, en tour quatre heures après midy, saillit dehors la ville, qui tout le jour avoit esté fermée, pour faire ceste entreprinse, par une vigille de l'Ascension. Et amena aveuques elle tout ce qui pooit porter bastons, à pié et à cheval, en nombre de Vc armez; [si] conclut de venir férir sur le logeis que tenoit mesire Baudo de Noyelle, chevalier bien hardy et vaillant et esleu (depuis pour ses haulx fais a esté frère de l'ordre); lequel logeiz, comme avez ouy, estoit à Marigny, au bout de la cauchiée.
  Or, donnoit ainsi l'aventure que le conte de Ligney, le seigneur de Crequy et pluseurs aultres chevaliers de l'ordre estoient partis de leur logeiz, qui le tenoit à Claroy, à intention de venir au logeis de mesire Baudo. Et vindrent tous desarmez, non avisez de riens avoir à faire de leurs corps, comme capitaines vont souvent d'un logeis à aultre. Lesquelz, ainsy que venoient devisans, virent criée très grant et noise au logeis où ilz tendoient à aller ; car jà estoit la Pucelle entrée dedens et commença à tuer et à ruer gens par terre fièrement, comme se tout eust jà esté sien. Si envoiarent les ditz seigneurs astivement querir leur harnois, et, pour donner secours à mesire Baudo, mandarent leurs gens à venir, et aveuques ceulx de Marigny, qui estoient surplus desarmez et despourveuz, commencharent à faire toute aigre et fière resistence à l'encontre de leurs ennemis. Dont aulcuneffois les assaillans furent roidement reboutez, aulcune fois aussi les assaillis compressez de bien dur souffrir, pour ce que surpris estaient, espars et non armez. Mais le bruit qui se levoit partout et la grant noise des voix crians, fit
venir gens de tous lez, et affuir secours vers eulx plus qu'il n'en falloit. Mesmes le duc et ceux de son logeis qui en estoient loings, s'en perceurent assez tost et se mirent en apprest de venir audit Marigny, et de fait y vindrent ; mès premier que le duc y peust oncques arriver aveuques les siens, les Bourguignons avoient jà rebouté les Franchois bien arier de leur logeis, et commenchoient Franchois aveuques leur Pucelle à eulx retraire tout doulcement, comme qui ne trouvoient point d'avantage sur leurs ennemis, mais plustost péril et dammage.
  Par quoi les Bourguegnons voians ce, et esmeus de sang, et non contens tant senlement de les avoir enchassés dehors par deffense, s'il ne leur portoient plus grant grief par les poursuivir de près, férirent dedens valereusement à pié et à cheval, et portarent de dammage beaucop aux Franchois. Dont la Pucelle, passant nature de femme, soustint grant fès, et mist beaucop peine à sauver sa compagnie de perte, demorant darrier comme chief et comme la plus vaillant du troppeau ; là où fortune permist, pour fin de sa gloire et pour sa darrenière fois, que jamais ne porterait armes : que ung archier, redde homme et bien aigre, aiant grant despit que une femme dont tant avoit oy parler seroit rebouteresse de tant de vaillans hommes, comme elle avoit entreprins, la prist de costé par sa heuque de drap d'or, et la tira du cheval toute platte à terre, qui oncques ne pot trouver rescousse ne secours en ses gens, pour peine qu'ils y meissent, que elle peust estre remontée. Mès ung homme d'armes, nommé le bastard de Wandonne, qui survint ainsi qu'elle se lessa choir, tant la pressa de près qu'elle luy bailla sa foy, pour ce que noble homme se disoit. Lequel, plus joyeulx que s'il eust eu ung roy entre ses mains, l'ammena astivement à Marigny, et là, la tint en sa garde jusques en la fin de la besongne. Et fut prins emprès elle aussi Pouthon le Borgongnon, ung gentil homme d'armes du party des Franchois, le frère de la Pucelle, son maistre d'ostel, et aulcuns aultres en petit nombre, qui furent menez à Marigny et mis en bonnes gardes.
  Dont Franchois, voyant le jour contre eulx et leur aventure de petit acquest, se retrayrent le plus bel que peurent, dolans et confus. Bourguignons et Englès, joyeulx à l'aultre lez de leur prinse, retournarent au logeis de Marigny, là où maintenant le duc arriva à tout ses gens, cuidant venir à heure au chapplis, quant tout estoit fait jà et mené à chief ce qui s'en povoit faire. Lors luy dist on l'acquest qui y avoit esté fait, et comment la Pucelle estoit prisonnière aveuques aulcuns aultres capitaines ; dont qui moult en fut joyeulx ? Ce fut il. Et ala la veoir et visiter, et eut aveuques elle aulcuns langages qui ne sont pas venus jusques à moy : si plus avant ne m'en enquiers ; puis la lessa là, et la mist en la garde de mesire Jehan de Lucenbourg, lequel l'envoya en son chastel de Beaurevoir, où longtemps demora prisonnière.

                                         

                                                         

  Je reviens au logis du duc, principal sujet de ce récit. Il était à Coudun, projetant toujours d'approcher de plus en plus près de la place, pour clore l'investissement et fixer le siège ainsi qu'il appartenait ; il y mit sens et entendement pour le faire bien et convenablement, et le plus possible à son honneur.
  Or, il est vrai que la Pucelle dont il est tant fait mention ci-dessus était entrée de nuit dans Compiègne. Après y avoir reposé deux nuits, le second jour elle donna à connaître plusieurs folles imaginations; elle mit en avant et dit avoir reçu certaines révélations divines annonçant que de grands événements allaient advenir. Faisant donc une grande assemblée du peuple et des gens de guerre qui follement avaient mis en elle grande créance et foi, elle fit tenir les portes closes depuis le matin jusqu'après dîner bien tard, et leur dit comment sainte Catherine lui était apparue, pour lui signifier, de la part de Dieu, que ce jour même, il voulait qu'elle se mît en armes, qu'elle sortît à rencontre des ennemis du roi, les Anglais et les Bourguignons ; que sans doute elle aurait la victoire et les déconfirait; que le duc de Bourgogne serait pris en personne, et que la meilleure partie de ses gens seraient tués et déconfits.
  Les Français ajoutèrent foi à ses dits, et le peuple qui croit légèrement crut à ces folles illusions, parce que, dans des cas semblables, ils avaient quelquefois trouvé vérité en ses paroles, qui n'avaient toutefois nul fondement de certitude dans le principe de bonté, mais bien une claire apparence de déceptions de l'ennemi, comme il parut en la fin. Or, toutes les classes de gens du parti de delà étaient ancrées dans l'opinion que cette femme était une sainte créature, une chose divine et miraculeuse, envoyée pour le relèvement du roi français. Quand donc elle mit en avant présentement à Compiègne une si haute entreprise que celle de déconfire le duc de Bourgogne, de l'emmener prisonnier en personne, nul ne se trouva qui ne voulût être de si haute besogne, et qui volontiers ne s'engageât tout joyeux pour une si haute délivrance, par laquelle ils seraient au dessus de leurs ennemis. Tous d'un commun assentiment, à la requête de ladite femme, coururent à leurs armes, et faisant joie de ce qui devait leur donner un sentiment tout contraire, ils lui offrirent une suite prête à sortir avec elle dès qu'elle voudrait.
  Elle monta à cheval, armée comme le serait un homme, et parée sur son armure d'une huque de riche drap d'or vermeil. Elle chevauchait un coursier gris pommelé, très beau et très fier, et se maintenait en son harnois et en ses manières comme l'eût fait un capitaine meneur d'une grande armée. En cet état, son étendard haut levé et flottant au vent, bien accompagnée de beaucoup de nobles hommes, sur les quatre heures après-midi, elle sortit de la ville qui tout le jour avait été fermée, pour faire semblable entreprise par une vigile de l'Ascension. Elle amena avec elle tout ce qui pouvait porter les armes, soit à pied, soit à cheval, au nombre de cinq cents hommes ; elle se décida à venir fondre sur le logis qu'occupait Messire
Baudot de Noyelle, chevalier bien hardi, vaillant, que ses hauts faits ont depuis fait élire pour frère de l'Ordre; il campait, comme vous avez ouï, à Margny, au bout de la chaussée.
  Or, le hasard voulut que le comte de Ligny, le seigneur de Créquy, et plusieurs autres chevaliers de l'Ordre fussent partis de leur logis qui les tenait à Clairoy, avec l'intention de venir au logis de Messire Baudot. Ils venaient tout désarmés, sans penser à avoir à combattre, en capitaines qui vont d'un campement à un autre campement. Comme ils cheminaient en devisant, ils entendirent une très grande clameur et le bruit d'une mêlée au lieu vers lequel ils se dirigeaient. La Pucelle y était déjà entrée, et elle commençait à tuer et à abattre gens par terre, comme si tout eût été sien. Les seigneurs envoyèrent hâtivement querir leurs armes, et, afin de secourir Messire Baudot, mandèrent venir leur gens ; et avec ceux de Margny qui étaient pour la plupart désarmés et pris au dépourvu, ils commencèrent à faire à l'encontre de leurs ennemis toute aigre et fière résistance. Parfois les assaillants furent raidement repoussés, d'autres fois aussi ceux qui étaient assaillis, pressés de près, avaient bien dur souffrir, parce qu'ils étaient surpris, épars et non armés, Mais le bruit qui se faisait entendre de partout, la grande confusion des voix qui se mêlaient, fit venir des gens de tous côtés et affluer vers les Bourguignons plus de secours qu'il n'en fallait. Le duc lui-même et ceux de son logis qui étaient loin s'aperçurent assez promptement de ce qui se passait, et s'apprêtèrent à venir à Margny et y vinrent en effet; mais avant que le duc pût arriver avec les siens, les Bourguignons avaient déjà repoussé les Français bien arrière de leur logis.
  Les Français commençaient à se retirer tout doucement avec leur Pucelle, comme gens qui ne trouvaient pas avantage sur leurs ennemis, mais plutôt péril et dommage. Ce que voyant, les Bourguignons, émus de sang, non contents de les avoir chassés en se défendant, s'ils ne leur causaient pas une plus grande perte en les poursuivant de près, se jetèrent valeureusement sur eux à pied et à cheval, et leur portèrent grand dommage.
  La Pucelle passant nature de femme soutint le grand faix du combat, et se donna beaucoup de peine pour sauver sa compagnie de perte, demeurant à l'arrière comme chef du troupeau et la tête la plus vaillante. La fortune permit que ce fut la fin de sa gloire, son dernier combat, et qu'elle ne dut plus porter les armes. Un archer, raide homme et bien aigre, outré de dépit qu'une femme dont il avait tant ouï parler pût prétendre à repousser tant de vaillants hommes, ainsi qu'elle l'avait entrepris, la prit de côté par sa huque de drap d'or, et, la tirant du cheval, la fit étendre de son long à terre. Malgré ses efforts, et quelque peine que prissent ses gens pour la secourir, elle ne put y être remontée. Un homme d'armes, nommé le bâtard de Wandonne, qui survint au moment de sa chute, la pressa de si près qu'elle lui donna sa foi parce qu'il se disait homme noble. Plus joyeux que s'il avait eu un roi entre ses mains, il l'amena hâtivement à Margny, et là la tint en sa garde jusqu'à la fin du combat. Furent pris auprès d'elle Poton le Bourguignon, un gentilhomme d'armes du parti français, le frère de la Pucelle, son maître d'hôtel, et quelques autres en petit nombre qui furent menés à Margny, et mis sous bonne garde.
  Les Français voyant la journée tourner contre eux, et leur coup de main de petit profit, se retirèrent dans le plus bel ordre qu'ils purent, dolents et confus. De l'autre côté, Bourguignons et Anglais, joyeux de leur capture, retournèrent au logis de Margny, où le duc arrivait avec tous ses gens, pensant venir à temps pour la mêlée, lorsque tout était déjà fait, et qu'était mené à terme tout ce qui pouvait s'en faire. On lui dit ce que l'on venait d'acquérir, et comment la Pucelle était prisonnière avec quelques autres capitaines. Qui en fut très joyeux ? ce fut lui. Il alla la voir et la visiter, et échangea avec elle quelques paroles qui ne sont pas venues jusqu'à moi ; je ne m'en enquis pas plus avant; il la laissa là, et la mit en la garde de Messire Jean de Luxembourg, qui l'envoya en son château de Beaurevoir, où elle demeura longtemps prisonnière.


                                                 


Source : texte original : Quicherat, t.IV, p.440
Mise en Français modernisé, J.B.J. Ayroles, "la vraie Jeanne d'Arc", t.III, p. 459.




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