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29 avril 2024  

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Procès de condamnation - procès ordinaire
Admonestation charitable - 23 mai 1431

tem, le mercredi suivant, 23 mai, devant nous, juges susdits formés en tribunal, Jeanne fut amenée en certaine chambre dudit château de Rouen, proche de sa prison. Il y avait là révérends pères et seigneurs, messeigneurs les évêques de Thérouanne et de Noyon, ainsi que messeigneurs et maîtres Jean de Châtillon, archidiacre d'Evreux ; Jean Beaupère, Nicolas Midi, Guillaume Erart, Pierre Maurice, docteurs en théologie sacrée ; André Marguerie, licencié en lois ; Nicolas de Venderès, licencié en décret, archidiacres et chanoines de l'église de Rouen.
  Or nous fîmes exposer, devant ladite Jeanne, certains points où elle avait erré et fauté suivant la délibération de la Faculté de Théologie et de Décret de l'Université de Paris ; déclarer les défauts, crimes et erreurs que contenait chacun de ces points, suivant ladite délibération. Et nous l'admonestâmes et la fîmes admonester de se désister de ces vices et erreurs, de se corriger et amender, de vouloir bien se soumettre à la correction et détermination de notre sainte mère l'Église. C'est ce que contient plus au long certaine cédule, transcrite ci-dessous, exposée a Jeanne en français par maître Pierre Maurice, chanoine de l'église de Rouen, insigne docteur en théologie sacrée.


S'ensuit la teneur de ladite cédule :

                                                                           I

  Premièrement, Jeanne, tu as dit que, dès l'âge de treize ans ou environ, tu as eu des révélations et apparitions des anges, des saintes Catherine et Marguerite, que tu les as vues fréquemment des yeux de ton corps ; qu'ils ont souvent parlé avec toi et te dirent beaucoup de choses déclarées plus à plein dans ton procès.
  Quant à ce point, les clercs de l'Université de Paris et autres ont considéré la manière et la fin de ces révélations et apparitions, la matière des choses révélées, la qualité de ta personne. Et toutes choses considérées qui sont à considérer, ils dirent que tout cela est feint, séductif, pernicieux, que de telles révélations et apparitions sont superstitieuses, procédant d'esprits malins et diaboliques.

                                                                          II
  Item, tu as dit que ton roi eut de toi un signe par lequel il connut que tu avais été envoyée de Dieu, savoir que saint Michel, accompagné d'une multitude d'anges, dont les uns avaient des ailes, les autres des couronnes (et avec eux étaient saintes Catherine et Marguerite) vint à toi dans la ville et château de Chinon. Et tous ceux-ci, avec toi, montèrent les degrés du château jusqu'en la chambre de ton roi, devant qui l'ange s'inclina, celui-là qui portait la couronne. Et une autre fois tu as dit que cette couronne, que tu appelles signe, fut baillée à l'archevêque de Reims, qui la transmit à ton roi, en présence de plusieurs princes et seigneurs que tu as nommés.
  Quant à cet article, lesdits clercs disent que ce n'est point vraisemblable, mais menterie présomptueuse, séductrice, pernicieuse, besogne contraire et dérogative à la dignité angélique.

                                                                         III
  Item, tu as dit que tu reconnaissais les anges et les saintes par le bon conseil, réconfort et doctrine qu'ils te donnèrent ; par cela aussi qu'ils se nommèrent à toi et que les saintes te saluèrent ; que tu crois en outre que c'est saint Michel qui t'apparut ; que leurs faits et dits sont bons, et cela aussi fermement que tu crois en la foi de Jésus-Christ.
  Quant à cet article, les clercs disent que ce ne sont point signes suffisants pour reconnaître ces anges et ces saintes ; que tu as cru et affirmé témérairement ; qu'en outre, relativement à la comparaison que tu donnas de croire aussi fermement, etc..., tu erres en la foi.

                                           IV
 
Item, tu as dit être certaine de choses contingentes et à venir, que tu as su que des objets étaient cachés ; que tu as reconnu des hommes que tu n'avais jamais vus, et cela par les voix des saintes Catherine et Marguerite.
  Quant à cet article, les clercs disent qu'il y a superstition, divination, présomptueuse assertion et vaine jactance.

                                            V
  Item, tu as dit que, du commandement de Dieu et de son bon plaisir, tu portas et portes continuellement l'habit d'homme ; car tu avais commandement de par Dieu de porter cet habit ; et ainsi tu pris robe courte, pourpoint, chausses attachées avec de nombreuses aiguillettes ; tu portes aussi les cheveux courts, taillés en rond au-dessus des oreilles, ne laissant rien sur toi qui montrât et accusât le sexe féminin, excepté ce signe, présent de la nature. Et souvent tu as reçu en cet habit le corps de Notre Seigneur ; et bien que plusieurs fois tu aies été admonestée de le rejeter, jamais tu ne le voulus faire, disant que tu aimerais mieux mourir que de délaisser cet habit, à moins que ce fût du commandement de Dieu : et que si tu étais encore en cet habit, avec les autres de ton parti, ce serait un des grands biens du royaume de France. Et tu as dit que pour rien au monde tu ne ferais serment de ne point porter cet habit et les armes ; et, en tout cela, tu dis avoir bien fait, et du commandement de Dieu.
  Quant à ce point, les clercs disent que tu blasphèmes Dieu et le méprises dans  ses sacrements ; tu transgresses la loi divine, les saintes Écritures, les sanctions canoniques ; tu penses mal et erres en la foi ; tu te vantes vainement et te rends suspecte d'idolâtrie, d'exécration de toi-même et de tes vêtements, et tu imites la coutume des gentils.

                                                                          VI
  Item tu as dit que souvent dans tes lettres tu as mis ces noms JHESUS MARIA, et le signe de la croix avertissant ainsi ceux à qui tu écrivais qu'ils n'accomplissent point le contenu de tes lettres. Dans d'autres, tu t'es vantée de faire occire tous ceux qui n'obéiraient pas, et qu'on verrait aux "horions" qui aurait meilleur droit du Dieu du ciel. Et souvent tu as dit que tu n'as rien fait que par révélation et commandement de Dieu.
  Quant à cet article, les clercs disent que tu es traitresse, rusée, cruelle, désirant cruellement l'effusion du sang humain, séditieuse, provoquant la tyrannie, blasphématrice de Dieu, dans ses commandements et révélations.

                                                                         VII
  Item tu as dit que, par les révélations que tu as eues en l'âge de dix-sept ans, tu quittas la maison de tes père et mère, contre leur volonté, par quoi ils demeurèrent comme déments ; et tu es allée vers Robert de Baudricourt, qui, à ta requête, te bailla habit d'homme, une épée et des gens pour te conduire à ton roi. Et, quand tu fus venue à lui, tu lui as dit que tu venais pour bouter dehors ses adversaires ; et tu lui fis promesse de le mettre en grande domination, qu'il aurait victoire sur ses adversaires, et que Dieu
t'envoyait à cette fin. Et tu as dit aussi que tu fis bien ainsi, en obéissant à Dieu, et par révélation.
  Quant à ce point, les clercs disent que tu as été impie envers tes parents, transgressant le commandement de Dieu d'honorer nos père et mère, scandaleuse, blasphématrice envers Dieu, errante en la foi, et que tu as fait promesse présomptueuse et téméraire.

                                                                        VIII
  Item, tu as dit as dit que spontanément tu sautas de la tour de Beaurevoir, aimant mieux mourir que d'être mise en la main des Anglais et de vivre après la destruction de Compiègne ; et bien que les saintes Catherine et Marguerite t'aient défendu Catherine et Marguerite t'aient défendu de sauter, toutefois tu ne pus t'en empêcher ; et quoique ce fût grand péché d'offenser ces saintes, cependant tu prétends avoir su par leurs voix que Dieu t'avait remis ce péché, après que tu t'en fus confessée.
  Quant à ce point, les clercs disent que ce fut pusillanimité tendant au désespoir, c'est-à-dire à ton suicide ; en outre tu as avancé une assertion téméraire et présomptueuse au sujet du pardon que tu prétends avoir de ce péché ; et tu penses mal au sujet du libre arbitre de l'homme.

                                            IX
  Item, tu as dit que saintes Catherine et Marguerite ont promis de te conduire en paradis, pourvu que tu gardes la virginité que tu leur as vouée et promise ; que tu es aussi certaine de cela que si tu étais déjà dans la gloire des bienheureux. Tu ne crois point avoir jamais commis de péché mortel, et il te semble que, si tu étais en péché mortel, les saintes ne te visiteraient pas chaque jour, comme elles font.
  Quant à cet article, les clercs disent que tu as fait là une présomptueuse et téméraire assertion, un pernicieux mensonge, que cela vient à l'encontre de ce que tu as dit auparavant ; en outre c'est mal penser en la foi chrétienne.

                                                                            X
  Item, tu as dit que tu sais bien que Dieu aime certaines personnes vivantes plus que toi-même, et que tu le sus par révélation des saintes Catherine et Marguerite ; que ces saintes parlent langage français et non celui des Anglais, puisqu'elles ne sont pas de leur parti ; et que, depuis que tu as su que ces voix étaient pour ton roi, tu n'as pas aimé les Bourguignons.
  Quant à cet article, les clercs disent qu'il y a là assertion téméraire et présomptueuse, divination superstitieuse, blasphème envers les saintes Catherine et Marguerite, transgression du commandement d'aimer notre prochain.

                                                                           XI
  Item, tu as dit qu'à ceux-là que tu nommes saint Michel, saintes Catherine et Marguerite, tu fis plusieurs révérences, fléchissant les genoux, ôtant ton chaperon, baisant la terre sur laquelle ils marchaient, et leur vouant ta virginité. Et même tu as baisé et accolé lesdites saintes, et tu les as invoquées. Tu as cru aux commandements qui vinrent d'elles de prime abord, sans demander conseil à ton curé ni à autre homme d'Église ; et néanmoins tu as cru que ces voix venaient de Dieu aussi fermement que tu crois en la foi chrétienne et que Notre Seigneur Jésus-Christ a souffert passion. En outre tu as dit que si quelque esprit malin t'apparaissait sous la figure de saint Michel, tu saurais bien le reconnaitre et le distinguer. Tu as dit aussi que, de ton plein gré, tu as juré que tu ne dirais pas le signe donné à ton roi, et finalement tu ajoutas "si ce n'est du commandement de Dieu".
  Quant à cet article, les clercs disent que, supposé que tu aies eu les révélations et apparitions dont tu t'es vantée, à la manière dont tu l'as dit, tu es idolâtre, invocatrice de diables, errante en la foi, affirmant avec témérité, et tu as fait un serment illicite.

                                                                         XII
  Item, tu as dit que, si l'Église voulait que tu fisses quelque chose de contraire au commandement que tu prétends avoir de Dieu, tu ne le ferais pour rien au monde ; que tu sais bien que ce qui est contenu en ton procès est venu du commandement de Dieu, et qu'il te serait impossible de faire le contraire. Et sur tout cela, tu ne veux point t'en rapporter au jugement de l'Église qui est sur la terre, ni d'aucun homme vivant, mais à Dieu seul. Et tu dis en outre que tu ne fis point ces réponses de ton chef, mais du commandement de Dieu, bien que l'article de la foi : Unam sanctam Ecclesiam catholicam, etc..., te fût plusieurs fois expliqué, et que tout chrétien doit soumettre ses faits et dits à l'Église militante, principalement en ce qui touche les révélations et semblables matières.
  Quant à cet article, les clercs disent que tu es schismatique, pensant mal sur l'unité et l'autorité de l'Église, apostate, et jusqu'à ce jour, pernicieusement errante en la foi.


  Or, après que ces dites assertions, avec les qualifications données par l'Université de Paris, furent ainsi rapportées et expliquées à Jeanne, elle fut finalement admonestée par le même docteur, en français, d'avoir à bien méditer sur ses dits et ses faits, surtout en ce qui se rapportait au dernier article. Il lui parla de la sorte :

  "Jeanne, amie très chère, il est temps maintenant, pour la fin de votre procès, de bien peser ce qui a été dit. Bien que, par monseigneur de Beauvais et par monseigneur le vicaire de l'inquisiteur, par d'autres docteurs à vous envoyés de leur part, publiquement et en privé, par quatre fois déjà, vous ayez été admonestée très diligemment pour l'honneur et révérence de Dieu, la foi et la loi de Jésus-Christ, le repos des consciences, l'apaisement du scandale causé, et le salut de votre âme et de votre corps ; bien qu'on vous ait déclaré les dommages que vous encourrez, tant en votre âme qu'en votre corps, si vous ne vous corrigez, vous et vos dits, et ne les amendez en soumettant vos faits et dits à l'Église, et en acceptant son jugement, cependant, jusqu'à ce jour, vous n'avez voulu y entendre.
  Or, bien que plusieurs parmi vos juges auraient pu se contenter des faits recueillis à votre charge, ces mêmes juges, dans leur zèle pour le salut de votre âme et de votre corps, transmirent vos dits à l'Université de Paris, qui est la lumière de toutes les sciences et l'extirpatrice des erreurs, afin qu'elle les examinât. Après avoir reçu ses délibérations, les seigneurs juges ordonnèrent que vous seriez à cette fin admonestée de nouveau, qu'on vous avertirait des erreurs, scandales et autres défauts par vous commis, vous priant, exhortant, avertissant, par les entrailles de Notre Seigneur Jésus-Christ, qui a voulu souffrir si cruelle mort pour racheter l'humain lignage, que vous corrigiez vos dits et les soumettiez au jugement de l'Église, comme tout loyal chrétien est tenu et obligé de le faire. Ne permettez pas que vous soyez séparée de Notre Seigneur Jésus-Christ, qui vous a créée pour avoir une part de sa gloire ; ne veuillez élire la voie d'éternelle damnation, avec les ennemis de Dieu qui, chaque jour, cherchent à inquiéter les hommes, en prenant parfois la figure du Christ, de l'ange et des saintes, disant et affirmant qu'ils sont tels, ainsi qu'il est contenu plus à plein dans les "Vies des Pères" et dans les Écritures.
  En conséquence, si de telles apparitions vous sont advenues, ne les veuillez croire ; bien plus, repoussez de telles crédulités et imaginations ; acquiescez aux dits et opinions de l'Université de Paris et des autres docteurs, qui entendent bien la loi de Dieu et l'Écriture sainte. Or, il leur est apparu qu'il ne faut donner de crédit à de telles apparitions, ni à aucune apparition insolite, ou à quelque nouveauté prohibée, si la sainte Écriture n'en donne signe suffisant ou miracle. Vous n'avez eu ni l'un ni l'autre. Vous avez cru légèrement à ces apparitions, au lieu de recourir à Dieu par oraison dévote, afin qu'il vous rendît certaine ; vous n'avez pas eu recours à quelque prélat ou personne ecclésiastique et instruite, qui aurait pus vous en assurer. Cependant vous auriez dû le faire, attendu votre état et la simplicité de vos connaissances.
  Prenez cet exemple : je suppose que votre roi, de son autorité, vous ait baillé la garde de quelque place, en vous défendant d'y laisser entrer aucun survenant. Voici quelqu'un qui dit venir par autorité du roi, sans vous apporter lettres ni signe certain : eh bien ! le devez-vous croire et recevoir ? De même, lorsque Notre Seigneur Jésus-Christ monta au ciel, il bailla le gouvernement de son Église à saint Pierre l'apôtre et à ses successeurs, et il leur défendit à l'avenir d'accepter qui que ce soit se présentant en son nom, si cela n'était établi suffisamment, autrement que par ses propres dires. Ainsi vous n'auriez pas dû ajouter foi à ceux que vous dites s'être présentés à vous : et nous, nous ne devons point croire en vous, puisque Dieu nous a prescrit le contraire.
  Premièrement, Jeanne, vous devez considérer ceci : en la seigneurie de votre roi, quand vous y étiez, si quelque chevalier ou autre, né dans son domaine ou obéissance, s'était levé, disant : "Je n'obéirai point au roi et ne me soumettrai à aucun de ses officiers" n'auriez-vous point dit qu'il fallait le condamner ? Que direz-vous donc de vous-même, qui fûtes engendrée en la foi du Christ, par le sacrement de baptême, vous qui êtes devenue la fille de l'Église et l'épouse du Christ, si vous n'obéissez pas aux officiers du Christ, c'est assavoir aux prélats de l'Église ? Quel jugement donnerez-vous de vous-même ? Désistez-vous, je vous prie, de vos dires, si vous aimez Dieu, votre Créateur, votre précieux époux et votre salut ; et obéissez à l'Eglise, en vous soumettant à son jugement. Sachez que, si vous ne le faites et persévérez en cette erreur, votre âme sera condamnée au supplice éternel, et perpétuellement tourmentée ; et, pour ce qui est du corps, je ne fais grand doute qu'il ne vienne à perdition.
  Que le respect humain et une inutile vergogne, qui peut-être vous dominent, ne vous retiennent plus, en raison de ce que vous avez été dans de grands honneurs que vous estimez perdre en agissant comme je vous le dis. Car il faut préférer l'honneur de Dieu, le salut de votre âme et de votre corps : vous perdrez tout si vous ne faites ce que je vous dis ; car vous vous séparez ainsi de l'Église et de la foi que vous avez promise au saint sacrement de baptême, vous retranchez l'autorité de Notre Seigneur de celle de l'Eglise, qui cependant est conduite, régie, gouvernée par son esprit et autorité. Car il a dit aux prélats de l'Église : "Qui vous ouït m'ouït, et qui vous méprise me méprise." Donc, si vous ne voulez point vous soumettre à l'Église, vous vous en séparez de fait ; et si vous ne voulez point vous soumettre à elle, vous refusez de vous soumettre à Dieu ; et vous errez en cet article : Unam sanctam Ecclesiam : ce qu est cet article, et son autorité, tout cela vous a été suffisamment déclaré naguère dans les précédentes monitions.
  Donc, considérant attentivement ces choses, au nom de messeigneurs, monseigneur de Beauvais et monseigneur le vicaire de l'inquisition, de vos juges, je vous admoneste, je vous prie, je vous exhorte, que par cette piété que vous portez à la passion de votre Créateur, pour cette dilection que vous devez pour avoir le salut de votre âme et
de votre corps, vous corrigiez et amendiez les erreurs susdites, que vous retourniez à la voie de la vérité, en obéissant à l'Église et en les soumettant toutes à son jugement et à sa détermination. En ce faisant, vous sauverez votre âme, et vous rachèterez, comme je l'espère, votre corps de la mort. Mais si vous ne le faites et si vous vous obstinez, sachez que votre âme sera engloutie dans le gouffre de damnation ; quant à la destruction de votre corps, je la crains. Ce dont Jésus-Christ daigne vous préserver !"

  Après
que Jeanne eut été admonestée de la sorte, après avoir ouï ces exhortations, elle y répondit en conséquence et sous cette forme :
- Quant à mes faits et à mes dits, que j'ai dits au procès, je m'y rapporte et les veux soutenir.

Postquam vero ipsa Johanna in hunc modum admonita exstitit hujusmodi exhortationes audivit, consequenter ad ista respondit sub hac forma :
- Quantum est de dictis et factis meis, quæ ego dixit in processu, ego ad hæc me refero, et volo ea sustinere.


  Apprez que ladicte Jhenne oult esté ainsy admonnestee, et qu'elle eut oy toutes les exhortacions, elle respondit en la maniere qui ensuit :
- En tant que c'est que de mes dictz et de mes faictz, je m'en rapporte a ce que j'en ay dict en mon procez. Et les veulx soustenir.


  Item, interrogée si elle croit qu'elle n'est point tenue de soumettre ses dits et ses faits à l'Église militante, ou à autre qu'à Dieu, répondit :
- La manière que j'ai toujours dite et tenue au procès, je la veux encore dire et maintenir.
  Item, dit que si elle était en jugement et qu'elle vît le feu allumé, et allumées les bourrées et le bourreau prêt à bouter le feu, et qu'elle fût dans ce feu, elle n'en dirait autre chose, et soutiendrait ce qu'elle a dit au procès, jusqu'à la mort.

  Item, interrogata utrum credatne quod ipsa teneatur submittere dicta et facta sua Ecclesiæ militanti vel aheri quam Deo, respondit :
- Ego volo manutenere illum modum, quantum ad hoc, quem ego semper dixi et tenui in processu.
  Item dixit quod, si ipsa esset in judicio et videret ignem accensum, ligna parata et tortorem aut illum qui deberet immittere ignem, paratum ad hoc faciendum, et ipsa esset infra ignem : non tamen diceret aliud, et sustineret illud quod dixit in processu, usque ad mortem.


  Item, interroguee par ledit maistre Pierre si elle croyt qu'elle ne soit tenue se submectre a l'Eglise militante de ses faictz et de ses dictz ou aultre que Dieu, respond :
- Je veulx mainctenir la maniere que j'ay tousiours tenue en mon procez.
- Et si je estoye en jugement, et veoye le feu alumé, et le boys prepare, et le bourreau, ou celuy qui me debveroit mectre en feu, prest de me jecter dedens et encoires quand seroy au feu, n'en diroye aultre chose que ce que j'en ay dit. Mais veulx soustenir ce que j'en ay dict, jusquez a la mort.


  Ensuite nous, juges susdits, demandâmes au promoteur de la cause et à Jeanne, s'ils voulaient dire quelque chose de plus. Ils nous dirent qu'ils n'avaient rien à ajouter. Alors nous procédâmes à la conclusion de l'affaire, suivant la forme de certaine cédule que nous, évêque susdit, tenions entre nos mains et dont la teneur suit :

  "Nous juges compétents en cette cause, nous nous estimons et tenons juges compétents, en tant qu'il est besoin, suivant votre renonciation et vous ayant pour renoncés, NOUS CONCLUONS EN LA CAUSE ; et la cause conclue, nous vous assignons au jour de demain pour nous ouïr rendre justice et porter sentence et aussi pour faire et procéder ultérieurement, ainsi qu'il sera de droit et de raison".

  Présents à ce frère Ysambard de La Pierre, maître Mathieu le Bateur (1), prêtres, et Louis Orsel, clerc, des diocèses de Rouen, de Londres et de Noyon, témoins à ce requis.




                                                 


Sources : "Condamnation de Jeanne d'Arc" de Pierre Champion (1921), "Procès de Jeanne d'Arc" - E.O'Reilly (1868), "La minute française des interrogatoires de La Pucelle" - P.Doncoeur (1952)

Notes :
1 Mathieu Le Bateur, prêtre de Londres.


Procès de condamnation en Français (1431)
- Index

Préliminaires :
- ouverture du procès
- séance du 9 janvier

- séance du 13 janvier
- séance du 23 janvier
- séance du 13 février
- séances des 14 au 16 fév.
- séance du 19 février
- séance du 20 février

Procès d'office :
séances publiques
- 1ère séance du 21 février
- séance du 22 février
- séance du 24 février
- séance du 27 février
- séance du 1er mars
- séance du 3 mars
- réunions du 4 au 9 mars
séances dans la prison
- séance du 10 mars
- séance du 12 mars
- séance du 13 mars
- séance du 14 mars
- séance du 15 mars
- séance du 17 mars
- réunion du 18 mars
- réunion du 22 mars
- séance du 24 mars
- séance du 25 mars

Procès ordinaire :
- réunion du 26 mars
- réquisitoire du 27 mars
- suite réquisitoire 28 mars
- séance du 31 mars
- réunion du 2 avril
- réunion du 5 avril - articles
- suite - délibération
- exhor. charit. du 18 avril
- admonition du 2 mai
- menace torture du 9 mai
- délibération du 12 mai
- délibération du 19 mai
- admonestation du 23 mai
- abjuration du 24 mai

La cause de relapse :
- constat relapse du 28 mai
- délibération du 29 mai
- citation du 30 mai

Actes postérieurs




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