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29 avril 2024  

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Procès de condamnation - procès d'office
Quatrième interrogatoire public - 27 février 1431

tem le mardi vingt-septième jour de février, nous, évêque susdit nous rendîmes, comme nous l'avions fait les jours précédents, dans cette chambre du château de Rouen où le tribunal avait siégé précédemment. En même temps que nous prirent place maître Gilles, abbé de la Sainte Trinité de Fécamp ; Pierre, le prieur de Longueville ; Jean Beaupère, Jacques de Touraine, Nicolas Midi, Pierre Maurice, Gérard Feuillet, Jean de Nibat, Jacques Guesdon, Maurice du Quesnay, Jean Le Fèvre, Guillaume Le Boucher, Pierre Houdenc, Jean de Chastillon, Erard Emengart, Giovanni da Fano, Denis de Sabrevois, Nicolas Lemire et Jean Charpentier, docteurs en théologie sacrée ; Nicolas de Jumièges, Guillaume de Sainte-Catherine, Guillaume de Cormeilles, abbés ; Jean Garin, docteurs en droit canon ; Raoul Roussel, docteur en l'un et l'autre droit ; Guillaume Haiton, Nicolas Couppequesne, Guillaume de Baudribosc, Richard de Grouchet, Pierre Minier, Thomas de Courcelles, Jean Le Maistre, et Jean Le Vautier, bacheliers en théologie sacrée ; l'abbé de Préaux, Guillaume Desjardins, docteurs en médecine ; Robert Le Barbier, Denis Gastinel, Jean Le Doulx, Nicolas de Venderès, Jean Pinchon, Jean Basset, Aubert Morel, Jean Duchemin, Jean de La Fontaine, Jean Colombel, Jean Bruillot, Raoul Anguy, bacheliers en droit canon ; Jean Alespée, Geoffroy du Crotay, Gilles Deschamps, Nicolas Caval, Pierre Carel, Nicolas Maulin, licenciés en droit civil ; Nicolas Loiseleur et Robert Morellet, chanoines de la cathédrale de Rouen.

       Abbaye de Fécamp


                                                                            *
                                                                      *         *
    
  En leur présence nous requîmes premièrement ladite Jeanne de prêter le serment de dire vérité sur tout ce qui toucherait le procès. A quoi elle répondit que volontiers elle jurerait de répondre vérité sur tout ce qui toucherait son procès, mais non pas sur tout ce qu'elle saurait.

  In quorum præsentia, primo requisivimus sæpedictam Johannam ut præstaret juramentum de dicendo veritatem in his quæ tangerent processum. Ad quod respondit quod libenter juraret dicere veritatem de his quæ tangunt processum, et non de omnibus quæ sciret.

  Premierement furent appelez tous les assistens ; et en leur presence fut requise ladicte Jhenne par monseigneur l'evesque de Beauvoys, de jurer et faire serment de ce que touchoit son procez. A quoy elle respondit que voluntiers elle jureroit de ce qui toucheroit son procez ; mais non pas de tout ce qu'elle sçauroit.


  
Item derechef nous l'avons requise de jurer de répondre vérité sur tout ce qui lui serait demandé. Répondit comme devant, disant :
- Vous devez vous en contenter, car j'ai assez juré.

  Iterum eam requisivimus quod, de omnibus quæ peterentur ab ea, juraret dicere veritatem. Et respondit ut prius, dicens :
- Vos debetis esse contenti, ego saris juravi.


  Item, derechef fut requise par ledit evesque de respondre verité de tout ce qui luy seroit demandé. Respond comme devant :
- car il me semble que vous debvez estre content ; car j'ay assez juré.


  Alors, sur notre ordre, maître Jean Beaupère, déjà nommé commença de l'interroger. Et d'abord il lui demanda comment elle se portait depuis samedi dernier.   Elle répondit :
- Vous voyez bien comment je me suis portée. Je me suis portée le mieux que j'ai pu.

Tunc, ex ordinatione nostra, magister johannes Pulchripatris superius nominatus, incepit eam interrogare. Et primo ab ea petiit qualiter, post diem sabbati novissime lapsum, se habuerat. Et ipsa respondit :
- Vos bene videtis qualiter me habui. Ego me habui quantum melius potui.


  Item, par le commandement de monseigneur de Beauvoys, maistre Jehan Beaupere commença a interroguer ladicte Jhenne, et luy demander comment elle s'est portee depuis sabmedy, respond :
- Vous voyez que je me suis portee le mieulx que j'ay peu.


  Interrogée si elle jeûnerait tous les jours de ce Carême, répondit par cette demande :
- Cela est-il de votre procès ?
  Et comme on lui dit que cela était de son procès, répondit :
- Oui, vraiment ; j'ai toujours jeûné durant ce Carême.

  Interrogata an jejunaret quolibet die quadragesimæ , respondit quærendo :
- An hoc sit de processu vesero ?
  Et, cum sibi dicere tur quod hoc faciebat ad processum, respondit :
- Ita, veraciter ; ego semper jejunavi per hanc quadragesimam.


  Interroguee si elle jeunoit tous les jours de ce Karesme, respond :
- Cella est il de vostre procez ?
  A quoy ledit Beaupere dist : Ouy. Vrayment. Il sert au procez. Respond :
- Ouy, vrayement, j'ai tousiours jeuné.

  Interrogée si, depuis samedi, elle avait ouï la voix qui lui vient, répondit :
- Oui, vraiment, beaucoup de fois l'ai je ouïe.
  Interrogée si le samedi elle l'avait entendue dans cette salle, où on l'interrogeait, répondit :
- Ce n'est point de votre procès. Et ensuite elle dit qu'elle l'avait ouïe.

  Interrogata an, post diem sabbati, audierat vocem quæ venit ad eam, respondit :
- Ira, veraciter, multotiens audivi.
Interrogata an die sabbati ipsam audiverat in illa aula, in qua interrogabatur, respondit :
- Hoc non est de processu vestro. Et postea dixit quod ipsam ibi audiverat.


  Interroguee se, depuis sabmedy, elle a ouye sa voix, respond :
- Ouy, vrayement, beaucoup de foys.
  Interroguee se sabmedy elle l'oyst en ceste salle, respond :
- Il n'est point en vostre procez. Et apprez dit que ouy.

  Interrogée sur ce que cette voix lui avait dit, ce samedi, répondit :
- Je ne l'entendais pas bien, et n'entendais chose que je puisse vous répéter, jusqu'à mon retour dans ma chambre.
  Interrogée sur ce que la voix lui a dit dans sa chambre, quand elle y fut retournée, répondit :
- Elle m'a dit que je vous répondisse hardiment ! Et dit qu'elle demandait conseil à cette voix sur les questions qui lui seraient posées par nous. Dit en outre qu'elle dira volontiers ce qu'elle aura congé de Notre Seigneur de révéler ; mais ce qui touche les révélations concernant le roi de France, elle ne le dira pas sans congé de sa voix.

  Interrogata quid illa vox dixit sibi in die sabbati, respondit :
- Ego non bene intelligebam ipsam vocem, nec intelligebam aliquid quod possem vobis recitare, quousque regressa fui ad cameram meam.
  Interrogata quid vox dixit sibi in camera ejus, quando regressa fuit, respondit :
- Ipsa dixit mihi quod vobis responderem audacter. Et dixit quod petebat consilium ab illa voce, de his quæ petebantur ab ea. Dixit ulterius quod dicet libenter illud de quo revelando habebit licentiam a Domino ; sed, de hoc quod tangit revelationes tangentes regem Franciæ, ipsa non dicet sine licentia vocis suæ.


  Interroguee que sabmedy elle luy dist, respond :
- Je ne la entendoys pas bien ; et n'entendoye chose que je vous puisse recorder, jusques au retour a ma chambre.
  Interroguee qu'elle dist quant elle fut retournee a sa chambre, respond :
- Que vous respondisse hardiment. Et dit qu'elle demandoit conseil des choses que on luy demandoit.
  Item, dit ce qu'elle aura congié de nostre Seigneur de reveler, elle le dira voluntiers ; mais de ce qui touchera les revelacions, touchant le roy de France, elle ne le dira pas sans congié de sa voix.


  Interrogée si la voix lui a défendu de tout dire, répondit qu'elle n'entendit pas bien cela.
  Interrogée sur ce que la voix lui a dit en dernier lieu, répondit qu'elle lui demandait conseil sur certains points de nos interrogatoires.

  Interrogata an vox prohibuit sibi ne diceret totum, respondit quod hoc non bene intellexit.
  Interrogata quid vox ultimate dixit sibi, respondit quod petebat ium de aliquibus de quibus interrogata fuerat.

  Interroguee se la voix luy a deffendu qu'elle ne dye tout, respond qu'elle n'a pas encoire bien entendu.
  Interroguee que la voix luy dist, respond qu'elle demandoit conseil d'aulcunes choses, que on luy avoit demandees.


  Interrogée si la voix lui avait donné conseil sur ces points, dit que sur certains points elle eut conseil, et sur d'autres on pourrait lui demander réponse sur quoi elle ne répondrait pas sans en avoir congé. Et si elle répondait sans congé, par aventure elle n'aurait pas les voix en "garant". Mais quand elle aura congé de Notre Seigneur, elle ne craindra pas de parler, car elle aura bon garant.

  Interrogata utrum vox sibi dederat consilium de aliquibus, respondit quod de aliquibus punctis habuit consilium, et de aliquibus poterit sibi peti responsio, de quibus non respondebit sine licentia. Et, si absque licentia responderet, forsan non haberet voces in garantizationem, en garant ; sed quando habebit licentiam a Domino, non formidabit dicere, quia bene habebit garantizationem.

  Interroguee se elle luy donna conseil d'aulcunes choses, respond que d'aulcuns poins, elle a eu conseil. Item, aussy que d'aulcunes choses, luy pourra l'en demander responce, dont elle ne respondra pas sans congié ; et si elle respondoit sans congié, par advanture, elle ne les auroit point en garant. Et, quand je auray congié de nostre Seigneur, je ne doubteray point a respondre ; car je auray bon garant.

  Interrogée si c'était la voix d'un ange qui lui parlait, ou si c'était la voix d'un saint ou d'une sainte, ou celle de Dieu directement, répondit que cette voix était celle de sainte Catherine (1) et de sainte Marguerite (2). Et leurs figures sont couronnées de belles couronnes, moult richement et moult précieusement. "Et de ce, dit elle, j'ai congé de Notre Seigneur. Si vous en faites doute, envoyez à Poitiers où autrefois j'ai été interrogée".

  Interrogata an erat vox angeli quæ loquebatur ei, vel an erat vox Sancti, aut Sanctæ, aut Dei sine medio, respondit quod illa vox erat sanctæ Katharinæ et sanctæ Margaretæ. Et figuræ earum sunt coronatæ pulchris coronis, multum opulenter et multum pretiose. "Et de hoc, inquit, habeo licentiam a Domino. Si veto de hoc faciatis dubium, mittatis Pictavis ubi alias ego fui interrogata."

  Interroguee se ce estoit voix d'angele ou de sainct ou de saincte, ou de Dieu sans moyen, respond que la voix, c'est de saincte Katherine et Marguerite. Et leurs figures sont couronnés de belles couronnes, moult richement et moult precieusement. "Et de ce j'ay congié de nostre Seigneur. Se de ce vous faictes doubte, envoyez a Poitiers, ou aultresfoys ay esté interroguee".

  Interrogée comment elle sait que ce sont deux saintes, et si elle reconnait bien l'une de l'autre, répondit qu'elle sait bien que ce sont elles, et qu'elle reconnaît bien l'une de l'autre.

  Interrogata quomodo scit quod sunt illæ duæ Sanctæ, an bene cognoscat unam ab altera, respondit quod bene scit quod sunt ipsæ, et bene cognoscit unam ab altera.

  Interroguee qu'elle sçait que ce sont ces deux sainctes, et si elle congnoit bien l'ung et l'autre, respond qu'elle sçait bien que ce sont elles ; et que elle congnoit bien l'ung et l'autre.

  Interrogée comment elle reconnaît bien l'une de l'autre, répondit qu'elle les reconnaissait par le salut qu'elles lui font. Dit en outre qu'il y a bien sept ans passés qu'elles la prirent pour la gouverner. Dit aussi qu'elle reconnaît les saintes parce qu'elles se nomment à elle.

  Interrogata quomodo bene cognoscit unam ab altera, respondit quod cognoscit eas per salutationem quam ei faciunt. Dixit etiam quod bene sunt septem anni elapsi quod ipsam acceperunt guberandam. Dixit etiam quod illas Sanctas per hoc cognoscit quod se nominant ei.

  Interroguee comme elle congnoit bien l'une et l'autre, respond qu'elle les congnoist par le salut qu'ilz luy font. Item, dit qu'il y a sept ans que la premiere foys luy ont apris a se gouverner. Item, dit qu'elle les congnoist mesmes, parce que ilz se nomment a elle.

  Interrogée si lesdites saintes sont vêtues d'un même drap, répondit :
- Je ne vous en dirai maintenant autre chose ; et je n'ai pas congé de vous le révéler. Et si vous ne me croyez, allez à Poitiers ! Dit encore qu'il y avait révélations qui vont au roi de France, et non à ceux-là qui l'interrogent.

  Interrogata si Sanctæ præfatæ sunt vestitæ eodem panno, respondit :
- Ego non dicamvobis nunc aliud ; et non habeo licentiam de revelando. Si vos non credatis mihi, vadatis Pictavis." Dixit etiam quod sunt revelationes quæ vadunt ad regem Franciæ, et non ad ipsos qui eam interrogant.


  Interroguee se ilz [sont] vestues d'ung mesme drap, respond :
- Je ne vous en diray maintenant aultre chose. Et qu'elle n'a pas congié de le reveler. "Et se vous ne m'en croyez, allez a Poitiers". Item, dit qu'il y a des revelacions qui vont au roy de France, "et non pas a ceulx qui me interroguent".


  Item interrogée si ces saintes sont du même âge, répondit qu'elle n'avait pas congé de le dire.
  Interrogée si ces saintes parlent ensemble, ou l'une après l'autre, répondit :
- Je n'ai pas congé de vous le dire ; toutefois j'ai souvent conseil de toutes les deux.

  Item, interrogata si illæ Sanctæ sunt ejusdem ætatis, respondit quod de hoc dicendo non habebat licentiam.
  Interrogata an illæ Sanctae loquantur simul, vel una post alteram, respondit :
- Ego non habeo de hoc dicendo licentiam ; tamen ego semper habui consilium ab ipsis ambabus.


  Interroguee se ilz sont d'ung mesme aage, respond :
- Je n'ay pas congié de le vous dire.
 
Interroguee s'ilz parlent ensemble, ou l'ung apprez l'autre, respond :
- Je n'ay pas congé de le vous dire ; et toutesfoys j'en ay tous les jours conseil de toutes les deux.


  Interrogée laquelle lui apparut la première, répondit :
- Je ne les reconnus pas de si tôt ; et je l'ai bien su jadis, mais j'ai oublié : et, si j'en avais congé, je vous le dirais volontiers. Et c'est marqué dans le registre à Poitiers.
  Item dit aussi qu'elle eut confort de saint Michel (3).

  Interrogata quæ illarum sibi primo apparuit, respondit :
- Ego non cognovi eas ita cito ; et illud bene scivi aliquando, sed oblita sum, et si habeam licentiam, ego dicam hoc libenter ; et est positum in registro apud Pictavis.

  Item, dixit etiam quod habuerat confortationem a sancto Michaele.

  Interroguee laquelle apparust la premiere, respond :
- Je ne les congneuz pas si tost. Et l'a bien sceu aulcunes foys, mais l'a oublié. Et s'elle a conseil, le dira voluntiers ; et ce est au registre de Poitiers.
  Item, dit aussi qu'elle a eu le conseil de sainct Michel.


  Interrogée laquelle desdites apparitions lui vint la première, répondit que saint Michel vint le premier.
  Interrogée s'il y a beaucoup de temps que, pour la première fois. elle eut la voix de saint Michel, répondit :
- Je ne vous nomme point la voix de saint Michel ; mais je parle du grand confort.

  Interrogata quæ predictarum sibi apparentium venit primo ad ipsam , respondit quod sanctus Michael primo venit.
  Interrogata an sit multum tempus elapsum postquam primo habuit vocem sancti Michaelis, respondit :
- Ego non nomino vobis vocem de sancto Michaele, sed loquor de magna confortatione.


  Interroguee lequel vint le premier, respond que ce fut sainct Michel.
  Interroguee se il g a gueres de temps, respond :
- Je ne vous nommes point de voix de sainct Michel, mais de grant confort.

  Interrogée quelle était la première voix qui vint à elle alors qu'elle avait l'âge de treize ans ou environ, répondit que ce fut saint Michel qu'elle vit devant ses yeux ; et n'était pas seul, mais bien accompagné des anges du ciel. Dit en outre qu'elle ne vint en France que du commandement de Dieu.

  Interrogata quæ fuit prima vox veniens ad eam, dum esset ætatis XIII annorum vel circiter, respondit quod fuit sanctus Michael, vidit ante oculos suos ; et non erat solus, sed eras bene associatus angelis de coelo. Dixit etiam quod non venir in Franciam, nisi ex præcepto Dei.

  Interroguee qui estoit la premiere voix qui vint a elle en l'aage de XIII ans, respond que ce fut sainct Michel qu'elle veit devant ses yeulx ; et ne estoit pas seul ; mais estoit bien accompaigné de angelz du ciel. Et dit oultre que elle ne vint en France, synon du commandement de Dieu.

  Interrogée si elle vit saint Michel et les anges, corporellement et réellement, répondit :
- Je les vis des yeux de mon corps, aussi bien comme je vous vois, vous ; et quand ils se partaient de moi, je pleurais ; et bien aurais voulu qu'ils m'emportassent avec eux !
  Interrogée de quelle figure était saint Michel répondit :
- Il n'y a pas encore de réponse pour vous là dessus, et je n'ai pas encore congé de le dire.

  Interrogata an vidit sanctum Michaelem et angelos illos corporaliter et realiter, respondit :
- Ego vidi eos oculis meis corporalibus, æque bene sicut ego video vos ; et quando recedebant a me, plorabam et bene voluissem quod me secum deportassent.
  Interrogata in qua figura erat sanctus Michael, respondit :
- Hoc non est vobis adhuc responsum, nec habeo adhuc licentiam de dicendo.


  Interroguee si elle veit sainct Michel et les angelz corporellement et formeement, respond :
- Je les vey de mes yeulx corporelz, aussi bien que je vous voy. Et quand ilz se partirent de elle, elle plouroit et eust bien voulu que ilz l'eussent emportee.
  Interroguee en quelle figure estoit sainct Michel,
- Je ne vous en ay pas encoires respondu ; et n'ay point encoires congié de le dire.


  Interrogée sur ce que saint Michel lui dit, la première fois, répondit : "Vous n'aurez encore aujourd'hui de réponse". Item dit que les voix lui dirent qu'elle répondit hardiment. Item, qu'elle a bien dit une fois à son roi tout ce qui lui avait été révélé, car cela le concernait. Dit cependant qu'elle n'a pas encore congé de révéler ce que saint Michel lui a dit. Dit en outre qu'elle voudrait bien que son interrogateur eût copie de ce livre qui est à Poitiers, pourvu que ce soit le plaisir de Dieu.

  Interrogata quid, illa prima vice, sanctus Michael ; dixit sibi, respondit : "Vos non habebitis adhuc responsum hodie." Item, dixit quod voces dixerunt ei quod responderet audacter. Item, dicit quod bene dixit regi suo totum una vice quod sibi fuerat revelatum, quia ibat ad ipsum. Dicit tamen quod non habet adbuc licentiam de revelando illud quod sanctus Michael dixit sibi. Dicit ultra quod bene vellet quod interrogans haberet copiam illius libri qui est apud Pictavis, dummodo Deus sit de hoc contentus.

  Interroguee, a celle premiere foys, que sainct Michel luy dist, respond :
- Vous n'en aurez ennuict responce.


/ (la minute est manquante dans le ms d'Orléans à partir de cet endroit)


  Interrogée si les voix lui dirent qu'elle ne dit point ses révélations, sans leur congé, répondit :
- Encore ne vous en réponds point ; et sur ce dont j'aurai congé, je vous répondrai volontiers. Si les voix me le défendirent je ne l'ai pas bien compris.

  Interrogata an voces dixerunt ei quod non dicat revelationes suas sine licentia earum, respondit :
- Adhuc inde non vobis respondeo ; et de hoc de quo habebo licentiam, ego respondebo libenter. Si autem voces hoc prohibuerint, non bene intellexi.


/

  Interrogée quel signe elle donne que cette révélation vienne de par Dieu, et que ce soient saintes Catherine et Marguerite qui lui parlent répondit :
- Je vous l'ai assez dit que ce sont saintes Catherine et Marguerite ; et croyez-moi si vous le voulez !

  Interrogata quale signum tradit quod illam revelationem habeat ex parte Dei, et quod sint sanctæ Katharina et Margareta, quæ cum ea loquuntur, respondit :
- Ego satis vobis dixi quod sunt sanctæ Katharinæ et Margaretæ, et credatis mihi si velitis.


/

  Interrogée s'il lui est défendu de le dire, répondit :
- Je n'ai pas encore bien entendu si cela m'est permis ou non.

  Interrogata si hoc dicere sit ei prohibitum, respondit :
- Nondum bene intellexi an hoc sit mihi prohibitum, vel non.


/

vitrail de la chapelle du chateau de Rouen représentant St Jean  Interrogée comment elle sait faire la distinction que sur tels points elle répondra, et sur d'autres non, répondit que sur certains points elle avait demandé congé, et qu'elle l'avait sur certains. En outre dit aimerait mieux être tirée par les chevaux que d'être venue en France sans le congé de Dieu.

  Interrogata qualiter scit facere distinctionem, in respondendo, de aliquibus punctis, et de aliis non, respondit quod de aliquibus punctis petierat licentiam, et de aliquibus habebat. Ulterius dicit quod mallet esse distracta cum equis quam venisse in Franciam sine licencia Dei.

/

  Interrogée s'il lui a prescrit de prendre l'habit d'homme, répondit que l'habit c'est peu de chose, la moindre. Mais elle n'a pris habit d'homme par conseil de qui que ce soit ; et elle n'a pris cet habit, ni rien fait, que par commandement de Dieu et de ses anges.

  Interrogata au præceperit sibi assumere vestem virilem, respondit quod de veste parum est, et est de minori ; nec cepit vestem virilem per consilium hominis mundi ; et non cepit ipsam vestem, neque aliquid fecit, nisi per Dei præceptum et angelorum.

/

  Interrogée s'il lui semble que ce commandement à elle fait, de prendre l'habit d'homme, soit licite, répondit :
- Tout ce que j'ai fait est par commandement de Dieu ; et s'il m'eut enjoint d'en prendre un autre, je l'aurais pris, puisque c'eût été par commandement de Dieu !

  Interrogata an sibi videatur quod præceptum eidem factum de assumendo vestem virilem, sit licitum, respondit :
- Totum quod feci est per præceptum Domini ; et si aliam præciperet assumere, ego assumerem, postquam hoc esset per præceptum Dei.


/

  Interrogée si elle l'a fait par ordre de Robert de Baudricourt, répondit que non.
  Interrogée si elle croit avoir bien fait en prenant habit d'homme, répondit que tout ce qu'elle a fait par commandement de Dieu elle croit l'avoir bien fait, et en attend bon garant et bon secours.
  Interrogée si, dans ce cas particulier, en prenant habit d'homme, elle croit avoir bien fait, répondit que rien au monde de ce qu'elle a fait ne l'a été que du commandement de Dieu.

  Interrogatta si hoc fecit per ordinationem Roberti de Baudricuria respondit quod non.
  Interrogata si credit se bene fecisse de assumendo vestem virilem, respondit quod totum id quod fecit per præceptum Domini, credit se bene fecisse, et inde exspectat bonam garantizationem et bonum succursum.
  Interrogata si, in hoc casu particulari, capiendo vestem virilem, credit se bene fecisse, respondit quod nihil mundi fecit in his quæ egit, nisi de præecepto Dei.


/

  Interrogée, quand elle vit la voix qui venait à elle, s'il y avait de la lumière, répondit qu'il y avait beaucoup de lumière de toute part comme il est bien convenable. Dit en outre à l'interrogateur que toute la lumière ne venait pas jusqu'à elle (4) !

  Interrogata, quando vidit illam vocem quæ venit ad ipsam, utrum ibi erat lumen, respondit quod ibi erat multum de lumine ab omni parte, et quod hoc bene decet. Dixit etiam interroganti quod non totum veniebat ad ipsum.

/

  Interrogée s'il y avait un ange sur la tête de son roi, quand elle le vit pour la première fois, répondit :
- Par Notre Dame ! s'il y était, je l'ignore et ne l'ai point vu.

  Interrogata utrum erat aliquis angelus supra caput regis sui, quando vidit eum prima vice, respondit :
- Per Beatam Mariam ! si erat, ego nescio ; nec ipsum vidi.


/

  Interrogée s'il y avait de la lumière, répondit :
- II y avait plus de trois cents chevaliers, et cinquante torches, sans compter la lumière spirituelle. Et rarement ai-je eu révélation qu'il n'y ait lumière.

  Interrogata an ibi erat lumen, respondit :
- Ibi erant plusquam trecenti milites, et quinquaginta tedæ seu torchiæ, sine computando lumen spirituale. Et raro habeo revelationes quin ibi sit lumen.


/

  Interrogée comment son roi ajouta foi à ses dires, répondit qu'il avait bonnes enseignes, et par les clercs.
  Interrogée quelles révélations eut son roi, répondit : "Vous ne les aurez pas de moi cette année !". Item dit que, durant trois semaines elle fut interrogée par les clercs, à Chinon et à Poitiers (5). Et son roi eut signe de ses faits avant de croire en elle. Et les clercs de son parti furent de cette opinion qu'ils ne voyaient rien que de bien en son fait.

  Interrogata qualiter rex suus adhibuit fidem dictis ejus, respondit quod ipse habebat bona intersignia, et per clerum.
  Interrogata quales revelationes rex suus habuit, respondit : "Vos non habebitis eas adhuc a me de isto anno." Item dixit quod per tres hebdomadas fuit interrogata per clerum, apud villam de Chinon et Pictavis ; et habuit rex suus signum de factis suis, priusquam vellet ei credere. Et clerici de parte sua fuerunt hujus opinionis quod videbatur eis, in facto suo, non esse nisi bonum.


/

  Interrogée si elle fut à Sainte Catherine de Fierbois, répondit que oui ; et là elle entendit trois messes le même jour ; et ensuite alla à Chinon. Item adressa lettres à son roi contenant qu'elle envoyait pour savoir si elle entrerait dans la ville où était ledit roi ; et qu'elle avait bien fait cent cinquante lieues pour venir vers lui, à son secours, et qu'elle savait beaucoup de bonnes choses pour lui. Et lui semble que dans lesdites lettres était contenu qu'elle reconnaîtrait bien ledit roi entre tous les autres.
  Item dit qu'elle avait une épée qu'elle prit à Vaucouleurs.
  Dit aussi que, durant qu'elle était à Tours ou à Chinon, elle envoya chercher une épée étant dans l'église de Sainte-Catherine de Fierbois, derrière l'autel ; et aussitôt après elle fut trouvée toute rouillée.

  Interrogata an ipsa fuerit apud Sanctam Katharinam de Fierbois, respondit quod sic, et ibidem audivit tres missas uno die ; et deinceps ivit ad villam de Chinon. Item, dicit quod misit litteras ad regem suum, in quibus continebatur quod ipsa inittebat pro sciendo si ipsa intraret villam ubi erat rex suus præfatus, et quod bene progressa fuerat per centum et quinquaginta leucas pro veniendo versus ipsum, ad ejus auxilium, quodque sciebat multa bona pro eo. Et videtur ei quod in eisdem litteris continebatur quod ipsa cognosceret bene præfatum regem suum inter omnes alios.
  Item, dicit quod habebat unum ensem, quem cepit apud villam Valliscoloris.
  Dixit etiam, dum esset Turonis vel in Chaynone, misit quæsitum unum ensem existentem in ecclesia Sanctæ Katharinæ de Fierbois, retro altare ; et statim post repertus fuit omnino rubiginosus.


/

  Interrogée comment elle savait que cette épée était là, répondit que cette épée était dans la terre, rouillée, et qu'il y avait dessus cinq croix ; et sut qu'elle était là par ses voix et onques ne vit l'homme qui alla quérir ladite épée. Et écrivit aux gens d'église de ce lieu que ce fût leur bon plaisir qu'elle eut cette épée ; et ils la lui envoyèrent. Elle n'était pas beaucoup en terre, derrière l'autel comme il lui semble ; cependant ne sait au juste si elle était devant l'autel ou derrière : mais croit qu'elle a écrit que ladite épée était derrière l'autel. Dit aussi que, sitôt que l'épée fut découverte, les gens d'église du lieu la frottèrent et aussitôt la rouille tomba sans effort ; et ce fut un marchand, armurier de Tours, qui l'alla quérir. Les gens d'église du lieu donnèrent à ladite Jeanne un fourreau ; et ceux de Tours aussi, avec eux, firent faire en même temps deux fourreaux, l'un de velours vermeil et l'autre de drap d'or. Quant à elle, s'en fit faire un autre de cuir bien fort. Dit aussi que lorsqu'elle fut prise, elle n'avait pas cette épée. Ajouta que continuellement elle porta ladite épée, depuis qu'elle l'eut, jusqu'au départ de Saint Denis, après l'assaut de Paris.

  Interrogata qualiter sciebat illum ensem ibi esse, respondit quod ille ensis erat in terra rubiginosus, in quo erant quinque cruces ; et scivit ipsum ibi esse per voces, nec unquam viderat hominem qui ivit quæsitum prædictum ensem. Scripsitque viris ecclesiasticis illius loci quatenus placeret eis ut ipsa haberet illum ensem ; et ipsi miserunt. Nec erat multum sub terra retro altare, sicut ei videtur ; tamen nescit proprie an erat ante alrare, vel retro, sed existimat se scipsisse tunc quod prædictus ensis erat retro altare. Dicit etiam quod, statim postquam prædictus ensis repertus est, viri ecclesiastici illius loci confricaverunt eum, et illico cecidit rubigo sine violentia ; et fuit unus mercator armorum de Turonis qui ivit quæsitum ; dederuntque viri ecclesiastici illius loci vaginam ipsi johannæ, et illi etiam de Turonis simul cum ipsis, feceruntque fieri duas vaginas, usam de vellere rubeo, et aliam de panno aureo. Et ipsa fecit fieri aliam de corio bene forti. Dicit tamen, quando ipsa fuit capta, non habebat illum ensem. Dicit etiam quod continue portavit sæpedictum ensem, postquam habuit, donec recessit a sancto Dionysio, post insultum Parisiensem.

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  Interrogée quelle bénédiction elle fit ou fit faire sur ladite épée, répondit que jamais n'y fit ni fit faire aucune bénédiction, ni ne l'aurait su faire. Item dit qu'elle aimait bien cette épée, car on l'avait trouvée dans l'église de Sainte-Catherine qu'elle aimait bien.

  Interrogata qualein benedictionem fecit aut fecit fieri super ensem prædictum, respondit quod nunquam fecit ibi nec fecit fieri quamcumque benedictionem, nec scivisset aliquid facere. Item, dicit quod bene diligebat illum ensem, quia repertus erat in ecclesia beatæ Katharinæ, quam bene diligebat.

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  Interrogée si elle fut à Coulange-la-Vineuse (6), répondit qu'elle ne sait.
  Interrogée si elle posa parfois son épée sur l'autel, et que la posant ainsi elle serait mieux fortunée, répondit non, qu'elle sache.
  Interrogée si elle fit jamais d'oraison afin que son épée fût mieux fortunée, répondit :
- Il est bon à savoir que j'aurais voulu que mon harnois fût bien fortuné !

  Interrogata an ipsa fuit apud villam de Coulenges-les-Vigneuses, respondit quod nescit.
  Interrogata utrum posuerit aliquando ensem suum super altare, quod posuerit ut esset melius fortunatus, respondit quod non, quod ipsa sciat.
  Interrogata an unquam fecerit deprecationem ad hoc quod ille ensis esset melius fortunatus, respondit :
- Bonum est scire quod voluissem harnesium meum fuisse bene fortunatum.


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  Interrogée si elle avait son épée quand elle fut prise, répondit que non ; mais avait certaine épée prise sur un Bourguignon.
  Interrogée où resta cette épée et en quelle ville, répondit qu'elle offrit une épée et des armes à Saint Denis, mais pas cette épée. Item dit qu'elle avait cette épée à Lagny ; et depuis Lagny jusqu'à Compiègne porta l'épée du Bourguignon, qui était bonne épée de guerre, et bien bonne à donner de bonnes buffes et de bons torchons. Quant à dire où elle a perdu, cela n'est pas du procès et elle ne répondra pas pour lors. Dit outre que ses frères (7) ont ses biens, chevaux, épées, comme il lui semble, et autres choses valant plus de 12.000 écus.

  Interrogata an habebat ensem suum, quando capta fuit, respondit quod non, sed habebat quemdam ensem qui fuerat captus supra unum Burgundum.
  Interrogata ubi remansit ille ensis et in qua villa, respondit quod obtulit unum ensem in Sancto Dionysio et arma, sed non fuit ille ensis. Item dicit quod habebat illum ensem in Latigniaco, et de Latigniaco portavit ensem illius Burundi supradicti ad Compendium, quia erat bonus ensis guerræ et bonus ad dandum bona alapas et bonos ictus, gallice de bonnes buffes et de bons torchons. Sed dicit quod dicere ubi dimisit, non pertinet ad processum, et non respondebit de hoc pro nunc. Dicit ultra quod fratres ejus habent bona sua, equos, ensem, prout credit, et alia quæ valent plusquam XII millia scutorum.


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  Interrogée si, quand elle alla à Orléans, elle avait étendard ou bannière, et de quelle couleur, répondit qu'elle avait étendard au champ semé de lis ; et y était figuré le monde, et deux anges à ses côtés. Était de couleur blanche, de toile blanche ou boucassin. Et y étaient écrits ces noms JHESUS MARIA, comme il lui semble ; et était frangé de soie.

  Interrogata utrum, quando ivit Aurelianis habebat vexillum, gallice estandart ou banière, et cujus coloris erat, respondit quod habebat vexillum cujus campus erat seminatus liliis ; et erat ibi mundus figuratus et duo Angeli a lateribus ; eratque coloris albi, de tela alba vel boucassino, erantque scripta ibi ista nomina JHESUS MARIA, sicut ei videtur ; et erat fimbriatum de serico.


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  Interrogée si ces noms JHESUS MARIA étaient écrits ou en haut ou en bas, ou sur le côté, répondit sur le côté, comme il lui semble.

  Interrogata an hæc nomina JHESUS MARIA erant scripta superius, aut inferius, vel a latere, respondit quod a latere, sicut ei videtur.

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  Interrogée si elle aimait mieux son étendard ou son épée, répondit qu'elle aimait beaucoup plus, voire quarante fois, son étendard que son épée.
Jeanne d'Arc
  Interrogata quod prædiligebat vel vexillum suum, vel ensem, respondit pondit quod multo, videlicet quadragesies, prædiligebat vexillum quam ensem.

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  Interrogée qui lui fit faire cette peinture sur l'étendard, répondit :
- Je vous l'ai assez dit que je n'ai rien fait que du commandement de Dieu !
  Dit aussi qu'elle portait elle-même son étendard, quand chargeait les adversaires, pour éviter de tuer quelqu'un ; et dit qu'onques n'a tué homme.


  Interrogata quis fecit sibi facere illam picturam in vexillo, respondit :
- Ego vobis satis dixi quod nihil feci nisi de præcepto Dei.
  Dicit etiam quod ipsamet portabat vexillum prædictum, quando aggrediebatur adversarios, pro evitando ne interficeret aliquem ; et dicit quod nunquam interfecit hominem.


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  Interrogée quelle compagnie lui donna son roi quand il la mit en oeuvre, répondit qu'il lui bailla 10 ou 12.000 hommes ; et que d'abord elle alla dans Orléans, à la bastille de Saint Loup et ensuite à la bastille du Pont.

  Interrogata qualem comitivam tradidit sibi rex suus, quando posuit eam in opus : respondit quod tradidit X vel XII millia hominum ; et quod primo ivit Aurelianis ad bastiliam Sancti Lupi, et deinceps ad bastiliam Pontis.

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  Interrogée à quelle bastille ce fut qu'elle fit retirer ses hommes, répondit qu'elle n'en a mémoire. Dit aussi qu'elle était bien assurée de faire lever le siège d'Orléans, par révélation à elle faite ; et ainsi l'avait elle dit à son roi avant que d'y venir.

  Interrogata apud quam bastiliam fuit quod fecit homines suos retrahi, respondit quod non recordatur. Dicit etiam quod erat bene secura quod levaret obsidionem Aureliensem, per revelationem sibi factam ; et ita dixerat regi suo antequam illuc veniret.

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  Interrogée si, quand on dut faire l'assaut, elle n'a point dit à ses gens qu'elle recevrait sagettes, viretons, pierres de machines ou de canons, répondit que non; et il y eut cent blessés, et plus ; mais dit bien à ses gens qu'ils n'eussent pas de doute, et qu'ils lèveraient le siège. Dit aussi qu'à l'assaut donné à la bataille du Pont, fut blessée d'une sagette ou vireton au cou ; mais eut grand réconfort de sainte Catherine, et fut guérie dans les quinze jours. Mais ne laissa point pour cela de chevaucher et de besogner.

  Interrogata utrum, quando debuit fieri insultus, dixeritne suis gentibus quod ipsa reciperet sagittas, viritones, lapides de machinis canonibus, etc..., respondit quod non ; imo centum fuerunt læsi vel amplius ; sed bene dixit gentibus suis quod non dubitarent et levarent obsidionem. Dicit etiam quod, in insultu dato contra bastiliam Pontis, fuit læsa de una sagitta seu viritone, in collo ; sed habuit magnam confortationem a sancta Katharina, et fait sanata infra XV dies ; sed non dimisit propterea equitare et negotiari.

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  Interrogée si avait prescience qu'elle serait blessée, répondit qu'elle le savait bien et qu'elle l'avait dit à son roi ; mais que nonobstant elle n'aurait pas laissé de besogner. Et cela lui fut révélé par les voix des saintes, savoir des bienheureuses Catherine et Marguerite. Dit outre que c'est elle qui fut la première à poser l'échelle en haut, dans ladite bastille du Pont (8) ; et comme elle levait ladite échelle fut blessée au cou dudit vireton, comme elle l'a dit.

  Interrogata an bene presciebat quod læderetur, respondit quod hoc bene sciebat et dixerat suo regi ; sed quod, hoc non obstante, non imitteret ulterius negotiari. Et fuerat hoc sibi revelatum per duarum voces Sanctarum, videlicet beatæ Katharinæ et beatæ Margaretæ. Dicens ulterius quod ipsa fuit prima quæ posuit scalam in altum, in dicta bastilia de Ponte ; et, levando ipsam scalam, fuit, ut supra, læsa, in collo, de dicto viritone.

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  Interrogée pourquoi elle ne reçut point en traité le capitaine de Jargeau, répondit que les seigneurs de son parti répondirent aux Anglais qu'ils n'auraient le terme de quinze jours qu'ils demandaient mais qu'ils s'en allassent, eux et leurs chevaux, sur l'heure.   Dit aussi que, quant à elle, elle a dit que ceux de Jargeau partiraient en leurs petites cottes, la vie sauve, s'ils le voulaient ; autrement seraient pris à l'assaut.
  Interrogée si elle eut délibération avec son conseil, c'est à dire avec ses voix, pour savoir si elle donnerait ledit terme ou non, répondit que n'a mémoire de cela.

  Interrogata quare non recepit tractatum cum capitaneo de Gergueau, respondit quod domini de parse sua responderunt Anglicis quod ipsi non haberent terminum XV dierum, quem petebant, sed quod recederent ipsi et equi eorum in hora præsenti. Dicit etiam quod quantum ad ipsam, dixit quod ipsi de Gergolio recederent in suis gipponibus vel tunicis, vita eorum salva, si vellent ; alioquin caperentur per insultum.
  Interrogata an habuit tunc deliberationem cum suo consilio, videlicet cum suis vocibus, pro sciendo an daret dictum terminum illis, aut non, respondit quod de hoc non recordatur.


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                                                                            *
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  Ce fait, l'interrogatoire fut renvoyé à une date ultérieure, et nous avons assigné le jeudi suivant à la comparution, pour procéder aux examens et interrogatoires subséquents.



                                                 


Sources : "Condamnation de Jeanne d'Arc" de Pierre Champion (1921), "Procès de Jeanne d'Arc" - E.O'Reilly (1868), "La minute française des interrogatoires de La Pucelle" - P.Doncoeur (1952)

Illustrations :
1 Abbaye de Fécamp (Bibl.nationale) - (Jeanne d'Arc et la Normandie au XV° siècle - A.Sarrazin).
2 Vitrail de la chapelle du chateau de Rouen représentant St Jean (musée de Cluny).
3 Miniature du XV° siècle représentant Jeanne d'Arc.


Notes :
1 Ste Catherine d'Alexandrie dont le culte était très répandu en France au XV° siècle mais aussi en Angleterre. L'église de Maxey toute proche était consacrée au culte de Ste Catherine.

2 Ste Marguerite d'Antioche, protectrice des femmes et des paysans. Dans l'église de Domrémy, une statue représente Ste Marguerite et serait contemporaine de Jeanne.

3 L'Archange St Michel, le saint des Valois, La dévotion à St Michel était générale au XV° siècle. Un grand pélerinage avait lieu au Mont St Michel.Le Dauphin avait un étendard à son image.
Le Mont St Michel a résisté aux assauts des Anglais pendant toute la guerre de 100 ans.

4 Sur ce passage
ad ipsam : « jusqu'à elle » — à la vérité contraire aux deux manuscrits B et C qui donnent ad ipsum ("jusqu'à lui" c.a.d l'évêque) ce qui met dans la bouche de Jeanne une répartie désinvolte que de nombreux auteurs ont commenté (voir A. France, Salomon Reinach, Revue historique, 19251, p. 207).

5 Le livre de Poitiers est malheureusement disparu, sans doute même avant le procès de réhabilitation de Jeanne d'Arc en 1456.

6 Coulange la Vineuse, petite ville près d'Auxerre. On ne voit pas à quel évènement Beaupère fait allusion en parlant de cette ville, le contexte pourrait laisser penser à une bénédiction ou une demande de protection faite dans cette ville (ndlr).

7 Jean et Pierre d'Arc. Pierre fut fait prisonnier avec elle à Compiègne et fut libéré contre rançon.

8 Bastille des Tourelles en bout du pont d'Orléans.




Procès de condamnation en Français (1431)
- Index

Préliminaires :
- ouverture du procès
- séance du 9 janvier

- séance du 13 janvier
- séance du 23 janvier
- séance du 13 février
- séances des 14 au 16 fév.
- séance du 19 février
- séance du 20 février

Procès d'office :
séances publiques
- 1ère séance du 21 février
- séance du 22 février
- séance du 24 février
- séance du 27 février
- séance du 1er mars
- séance du 3 mars
- réunions du 4 au 9 mars
séances dans la prison
- séance du 10 mars
- séance du 12 mars
- séance du 13 mars
- séance du 14 mars
- séance du 15 mars
- séance du 17 mars
- réunion du 18 mars
- réunion du 22 mars
- séance du 24 mars
- séance du 25 mars

Procès ordinaire :
- réunion du 26 mars
- réquisitoire du 27 mars
- suite réquisitoire 28 mars
- séance du 31 mars
- réunion du 2 avril
- réunion du 5 avril - articles
- suite - délibération
- exhor. charit. du 18 avril
- admonition du 2 mai
- menace torture du 9 mai
- délibération du 12 mai
- délibération du 19 mai
- admonestation du 23 mai
- abjuration du 24 mai

La cause de relapse :
- constat relapse du 28 mai
- délibération du 29 mai
- citation du 30 mai

Actes postérieurs




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