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29 avril 2024  

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Procès de condamnation - procès d'office
Sixième interrogatoire privé - 17 mars 1431.

tem le samedi suivant, dix-septième jour du mois de mars, maître Jean de La Fontaine commis par nous, évêque, nous-même et Jean Le Maistre, vicaire de l'inquisiteur susnommés, présidant, au dit lieu de la prison de Jeanne ; assistés de vénérables et discrètes personnes les seigneurs et maîtres susnommés Nicolas Midi et Gérard Feuillet, docteurs en théologie ; présents Ysambard de La Pierre et Jean Massieu, déjà nommés, ladite Jeanne fut requise de prêter serment et le prêta.

                                                                            *
                                                                      *         *

  Interrogée ensuite sous quelle forme et espèce, grandeur et habit, saint Michel vint à elle, répondit qu'il était en la forme d'un très vrai prud'homme ; et de l'habit et d'autres choses, elle n'en dira plus. Quant aux anges, elle les a vus de ses yeux ; et l'on n'aura plus autre chose d'elle sur cela.

  Deinceps interrogam in quibus forma, magnitudine, specie et habitu sanctus Michael venit ad cam, respondit quod ipse erat in formia unius verissimi probi hominis ; et de habitu et aliis rebus, non dicet amplius aliud. Quantum ad angelos, ipsa vidit oculis suis, et non habebitur aliquid amplius de hoc ab ipsa.


  Interroguee de donner responce en quelle forme et espece, grandeur et habit, vient sainct Michel, respond :
- Il estoit en la forme de tres vray preudhomme. Et de l'habit et de aultres choses, elle n'en dira [plus] aultre chose.
  Quand aux angelz, elle les a veuz a ses yeulx ; et n'en aura l'en plus aultre chose d'elle.


  Item dit Statue de St Michel terrassant le dragonqu'elle croit aussi fermement les dits et les faits de saint Michel, qui lui apparut, comme elle croit que Notre Seigneur Jésus-Christ souffrit mort et passion pour nous. Et ce qui la mut à le croire, c'est le bon conseil, confort et bonne doctrine qu'il lui a faits et donnés.

Item, dicit quod ipsa credit æque firmiter dicta et facta sancti Michaelis qui apparuit sibi, sicut ipsa credit quod Dominus noster Jhesus Christus passus est mortem et passionem pro nobis. Et illud quod mover ipsam ad hoc credendum est bonum consilium, bona confortatio et bona doctrina quæ ipse fecit et dedit eidem Johannæ.

  
Item, dit qu'elle croit aussy fermement les dictz et les faictz de sainct Michel, qui s'est apparu a elle, comme elle croit que nostre Seigneur Jhesus Christ souffrit mort et passion pour nous. Et ce qui la meut elle a le croire, c'est le bon conseil, confort et bonne doctrine que il luy a fais et donnez.

  Interrogée si elle veut s'en remettre, en tous ses dits et faits, soit bien ou mal, à la détermination de notre sainte mère l'Église, répondit que, quant à l'Église, elle l'aime et la voudrait soutenir de tout son pouvoir pour notre foi chrétienne : et ce n'est pas elle qu'on devrait empêcher d'aller à l'église ni d'entendre la messe ! Et quant aux bonnes œuvres qu'elle a faites, et de sa venue, il faut qu'elle s'en attende au Roi du ciel qui l'a envoyée à Charles, fils du roi Charles, qui sera roi de France :
- Et verrez, dit-elle, que les Français gagneront bientôt une grande besogne que Dieu enverra aux Français, et tant qu'Il ébranlera presque tout le royaume de France.
  Et dit qu'elle le dit afin que, quand ce sera advenu, on ait mémoire qu'elle l'a dit.
  Requise de dire le terme de cet événement, répondit :
- Je m'en attends à Notre Seigneur.

  Interrogata an velit se ponere in determinatione sanctæ matris Ecclesiæ de omnibus suis factis, sive hoc sit bonum, sive malum, respondit quod, quantum ad Ecclesiam, ipsa diligit eam sustinere ex toto posse suo, pro fide nostra christiana et ipsa non est quæ debeat impediri de eundo ad ecclesiam, nec de audiendo missam. Et, quantum ad bona opera quæ fecit et de suo adventu, opportet quod se referat ad Regem cœli qui misit eam ad
Karolum, filium Karoli, regis Franciæ, qui erit rex Franciæ :
- Et videbitis inquit, quod Gallici bene cito lucrabuntur unum magnum negotium quod Deus mittet ipsis Gallicis, et quod in hoc nutabit, gallice branlera, totum regnum Franciæ.
  Et hoc dicit ut, quando id evenerit, quod habeatur memoria quod ipsa dixit hoc.
  Requisita quod diceret terminum in quo hoc eveniet, respondit :
- Ego me easpecto de hoc ad Dominum.


  Interroguee se elle veult se metre de tous ses dictz et fais, soit de bien ou mal, a la determinacion de nostre mere saincte Eglise, respond que, quand a l'Eglise, elle l'ayme et la vouldroit soustenir de tout son povoir pour nostre foy chrestienne ; et n'est pas elle qu'on doibve destourber ou empescher d'aller a l'eglise, ne de ouyr messe. Quand aux bonnes oeuvres qu'elle a faictes et de son advenement, il fault qu'elle s'en actende au Roy du Ciel, qui l'a envoyee a Charles, filz de Charles, roy de France, qui sera roy de France.
  Et verrez que les Françoys gaigneront bientost une grand besongne que Dieu envoiroit aux Françoys ; et tant que il brannera (1) a prezque tout le royaulme de France.
  Et dit qu'elle le dit, affin que, quand ce sera advenu, que on ait memoire qu'elle la dist.
  Et requise de dire le terme, dist :
- Je m'en actendz a nostre Seigneur.


  Interrogée si elle s'en rapportera de ses dits et faits à la détermination de l'Église, répondit :
- Je m'en rapporte à Dieu, qui m'a envoyée, à Notre Dame, à tous les saints et saintes du paradis. Et il m'est avis que c'est tout un,  Dieu et l'Église, et qu'en cela on ne lui doit faire de difficultés. Pourquoi faites-vous difficulté de cela ?

  Interrogata utrum se referet de dictis et factis suis ad determinationem Ecclesiæ, respondit :
- Ego refero me ad Deum qui me misit, ad Beatam Mariam, et omnes Sanctos et Sanctas paradisi. Et videtur mihi quod unum et idem est de Deo et de Ecclesia,  et quod de hoc non debet fieri difficultas. Quare facitis vos de hoc difficultatem ?


  Interroguee de dire se elle se rapporte a la determinacion de l'Eglise, respond :
- Je m'en rapporte a nostre Seigneur, qui m'a envoyee, a nostre Dame et a tous les benoistz saincts et sainctes de paradis.
  Et luy est advis que c'est tout ung de nostre Seigneur et de l'Eglise ; et que on ne doibt point faire de difficulté que ce ne soit tout ung [en demandant pour quoy on fait difficulté que ce ne soit tout ung].


  Alors lui fut dit qu'il y a l'Église triomphante, où sont Dieu, les saints, les anges, et les âmes déjà sauvées ; et aussi que l'Église militante, c'est notre Saint Père le pape, vicaire de Dieu sur la terre, les cardinaux, les prélats de l'Église et le clergé, et tous les bons chrétiens et catholiques : laquelle église, bien assemblée, ne peut errer et est gouvernée par le Saint Esprit.
  C'est pourquoi, on l'interrogea si elle voulait s'en rapporter à cette Église militante c'est assavoir à celle qui est ainsi déclarée. Elle répondit qu'elle était venue au roi de France de par Dieu, de par la Vierge Marie et tous les benoîts saints et saintes du Paradis, de par l'Église victorieuse de là-haut, et de leur commandement ; et à cette Église-là, elle soumet tous ses bons faits, et tout ce qu'elle a fait ou fera.
  Et quant à répondre qu'elle se soumettra à l'Église militante, dit qu'elle n'en répondra maintenant autre chose.

  Tunc sibi fuit dictum quod est una Ecciesia triumphans, ubi sunt Deus, Sancti, Sancti, Angeli et animæ jam salvatæ ; est etiam Ecclesia militans, in qua est Papa, vicarius Dei in terris, cardinales, prælati ecclesiæ, clerus et omnes boni christiani atque catholici ; quæ quidem Eccle
sia bene congregata non potest errare et regitur a Sancto Spiritu.
  Propterea interrogabatur utrum velit se referre militanti Ecclesiæ, videlicet quæ est in terris, jam hoc modo declarata, respondit quod ipsa venit ad regem Franciæ ex parte Dei, ex parte Beate Virginis Mariæ et omnium Sanctorum et Sanctarum paradisi et Ecclesiæ victoriosæ de sursum, et de præcepto eorum ; et illi Ecclesiæ submittit omnia bona facta sua, et totum hoc quod fecit et factura est.
  Et de respondendo an submittet se Ecclesiæ militanti, dicit quod non respondebit pro nunc aliud.

 
Adoncq luy fut dit qu'il y a l'Eglise triumphant, ou est Dieu, les sainctz et les ames saulvees. L'Eglise militant, c'est nostre sainct pere le pappe, vicaire de Dieu en terre, les cardinaux, les prelatz de l'Eglise et le clergé, et tous bons chrestiens et calholicques ; laquelle Eglise, bien assemblee, ne peult errer, el est gouvernee du Sainct Esprit.
 
Et pour ce, interroguee se elle se veult rapporter a l'Eglise militant, c'est assavoir celle qui est ainsy declairee, respond qu'elle est venue au roy de France, de par Dieu, de par la Vierge Marie et tous les benoistz sainctz et sainctes de paradis, et l'Eglise victorieuse de la hault, et de leur commandement. Et a celle Eglise la, elle se submist tous ses bons fais, et tout ce qu'elle a faict ou a faire.
 
Et de respondre se elle se submeltra a l'Eglise militant, dit qu'elle n'en respondra maintenant aultre chose.

  Interrogée sur ce qu'elle a dit au sujet de cet habit de femme, qu'on lui a offert afin qu'elle puisse aller entendre la messe, répondit que quant à l'habit de femme, elle ne le prendra pas encore, tant qu'il plaira à Notre Seigneur. Et s'il est ainsi qu'il la faille mener jusqu'en jugement (2) elle s'en rapporte aux seigneurs de l'Église qu'ils lui donnent la grâce d'avoir une chemise de femme et un couvre-chef en sa tête ; qu'elle aime mieux mourir plutôt que de révoquer ce que Notre Seigneur lui a fait faire ; qu'elle croit fermement que Dieu ne laissera advenir qu'elle soit mise si bas, et qu'elle n'en ait secours bientôt et par miracle.

  Interrogata quid dicit de illo habitu fœmineo qui sibi offertur, ut ipsa possit ire auditum missam, respondit quod, quantum ad habitum fœmineum, ipsa non capiet adhuc quousque placebit Deo. Et, si ita quod oporteat eam duci usque ad judicium, ipsa se refert dominis de Ecclesia, quod ipsi dent sibi gratiam de habendo unam camisiam muliebrem et unum capitegium in capite suo ; et quod mavult mori quam revocare illud quod Deus fecit sibi facere ; quod ipsa credit firmiter quod Deus non jam dimittit evenire deponendo eam ita basse, quin habeat bene cito succursum et per miraculum.

  Interroguee qu'elle dit a cel habit de femme que on luy offre, affin qu'elle puisse aller oyr messe, respond : quant a l'habit de femme, elle ne le prendra pas encoire, tant qu'il plaira a nostre Seigneur. Et se ainsy est que il la faille mener jusques en jugement, qu'il la faille desvestir en jugement (3), elle requiert aux seigneurs de l'Église qu'ilz luy donnent la grace d'avoir une chemise de femme et coeuvrechef en sa teste ; qu'elle ayme mieulx mourir que de revocquer ce que nostre Seigneur luy a faict faire ; ce qu'elle croit fermement que nostre Seigneur ne laissera ja advenir de la mectre si bas par chose, qu'elle n'ait secours bientost de Dieu et par miracle.


  Interrogée puisqu'elle dit qu'elle porte habit d'homme par le commandement de Dieu, pourquoi elle demande chemise de femme à l'article de la mort, répondit :
- Il me suffit qu'elle soit longue.

  Interrogata, propter hoc quod dicit quod portat habitum ex præcepto Dei, quare ipsa petit camisiam muliebrem in articulo mortis, respondit :
- Sufficit mihi quod sit longa.


  Interroguee, pour ce qu'elle dit qu'elle porte l'habit d'homme par le commandement de Dieu, pourquoy elle demande chemise de femme en article de mort, respond : il lui suffit qu'elle soit longue.

  Interrogée si sa marraine qui a vu les fées est réputée sage femme, répondit qu'elle est tenue et réputée bonne prude femme, non pas devineresse ou sorcière.

  Interrogata utrum matrina sua quæ vidit Fatales Dominas, gallice les faées, reputetur sapiens mulier, respondit quod ipsa tenetur et reputatur una proba mulier, non divina vet sortilega.

  Interroguee se sa marraine qui a veu les fees est repputee saige femme, respond qu'elle est reputee bonne preude femme, non pas devine ou sorciere.


  Interrogée sur ce qu'elle a dit qu'elle prendrait habit de femme, mais qu'on la laissât s'en aller, si cela plaisait à Dieu, répondit que si on lui donnait congé de s'en aller en habit de femme, elle se mettrait aussitôt en habit d'homme et ferait ce qui lui est commandé par Notre Seigneur. Et ainsi elle a autrefois répondu ; et pour rien elle ne ferait le serment de ne pas s'armer ni mettre en habit d'homme, pour accomplir le plaisir de Notre Seigneur.

  Interrogata, propter hoc quod ipsa dixit quod acciperet habitum muliebrem si permitteretur abire, utrum hoc placeret Deo, respondit quod, si daretur sibi licentia de recedendo in habitu muliebri, ipsa statim reciperet habitum virilem et faceret illud quod est sibi, præceptum a Domino. Et hoc alias ipsa respondit, nec, pro aliqua re, faceret juramentum de non armando se et non portando habitum virilem, pro faciendo præceptum Domini.

  Interroguee, pour ce qu'elle a dit qu'elle prendroit habit de femme, mais que on la laissast aller, se ce plairoit a Dieu, respond : Se on luy donnoit congié en habit de femme, elle se metroit tantost en habit d'homme, et feroit ce qui luy est commandé par nostre Seigneur. Elle a autresfoys ainsy respondu. Et ne feroit pour rien le serment qu'elle ne se armast et mist en habit d'homme, pour faire le plaisir de nostre Seigneur.

  Interrogée sur l'âge et les vêtements de sainte Catherine et de sainte Marguerite, répondit :
- Vous avez sur ce la réponse que vous avez eue de moi ; et n'en aurez autre chose ; et je vous en ai répondu tout au plus certain ce que je sais.

Interrogata de ætate et vestimentis sanctarum Katharinæ et Margaretæ, respondit :
- Vos de hoc habetis responsum quod habebitis ex me, nec habebitis aliud. Et vobis de hoc respondi ad certius quod ego sciam.


  Interroguee de l'aage et des vestemens de sainctes Katherine et Marguerite, respond :
- Vous estes respondus de ce que vous en aurez de moy ; et n'en aurez aultre chose ; et vous en ay respondu tout au plus certain que je sçay.


  Interrogée si elle ne croyait point, avant ce jour, que les fées fussent de mauvais esprits, répondit qu'elle n'en savait rien.

  Interrogata utrum credebatne ante istum diem quod Dominæ Fatales essent mali spiritus, respondit quod de hoc nihil scit.

  Interroguee se elle croit point, au devant d'aujourd'huy, que les fees fussent maulvaix espritz, respond qu'elle n'en savoit rien.

  Interrogée comment elle sait que sainte Catherine et sainte Marguerite haïssent les Anglais, répondit :
- Elles aiment ce que Dieu aime et haïssent ce que Dieu hait.
  Interrogée si Dieu hait les Anglais, répondit que de l'amour ou de la haine que Dieu a pour les Anglais, ou de ce que Dieu fera (4) à leurs âmes elle ne sait rien ; mais sait bien qu'ils seront boutés hors de France excepté ceux qui y mourront ; et que Dieu enverra victoire aux Français, et contre les Anglais.

Interrogata utrum ipsa scit quod sanctæ Katharina et Margareta odiant Anglicos, respondit :
- Ipsæ amant illud quod Deus amat, et odiunt illud quod Deus odit.
  Interrogata utrum Deus odiat Anglicos, respondit quod de odio vel amore quem Deus habet ad Anglicos, vel quid eis faciet quantum ad animas, nihil scit ; sed bene scit quod expellentur a Francia, exceptis his qui ibidem remanebunt et decedent, et quod Deus mittet victoriam Gallicis contra Anglicos.


  Interroguee se elle sçait point que saincte Katherine et Margueritte hayent les Angloys, respond :
- Elles ayment ce que nostre Seigneur ayme, et hayent ce que Dieu hait.
 
Interroguee se Dieu hait les Angloys, respond que, de l'amour ou hayne que Dieu a aux Angloys, ou que Dieu leur faict a leurs ames, ne sçait rien ; mais sçait bien que ilz seront boutez hors de France, excepté ceulx qui y mourront ; et que Dieu envoira victoire aux Françoys, et contre les Angloys.


  Interrogée si Dieu était pour les Anglais quand ils étaient en prospérité en France, répondit qu'elle ne sait si Dieu haïssait les Français ; mais croit qu'il voulait permettre de les laisser battre pour leurs péchés, s'ils y étaient (5).

  Interrogata utrum Deus erat pro Anglicis, quando ipsi prosperitatem habebant in Francia, respondit quod nescit utrum Deus odiebat Gallicos ; sed credit quod volebat permittere eos puniri pro peccatis eorum, si in illis erant.

  Interroguee se Dieu estoit pour les Angloys, quand ilz estoyent en prosperité en France, respond qu'elle ne sçait se Dieu hayoit les Françoys ; mais croit qu'il vouloit permetre de les laisser bastre pour leurs pechez, se ilz y estoyent.

  Interrogée quel garant et quel secours elle s'attend à avoir de notre Seigneur du fait qu'elle porte habit d'homme, répondit que tant de l'habit que des autres choses qu'elle a faites, elle n'en a voulu avoir autre loyer que le salut de son âme.

  
Interrogata qualem garantizationem et qualem succursum exspectat habere a Domino, de hoc quod portat habitum virilem, respondit quod, tam de habitu quam de aliis quæ fecit, non exspectat aliud præmium quam salvationem animæ suæ.

Interroguee quel garant et quel secours elle se actend avoir de nostre Seigneur, de ce qu'elle porte habit d'homme, respond que, tant de l'habit que d'aultres choses qu'elle a fais, elle n'en a voulu aultre loyer, synon la salvacion de son ame.

  Interrogée quelles armes elle offrit à Saint-Denis, répondit qu'elle offrit un blanc harnois (6), entier, [tel qu'il convient] à un homme d'arme, avec cette épée qu'elle gagna devant Paris.
  Interrogée à quelle fin elle offrit ces armes, répondit que ce fut par dévotion, ainsi qu'il est accoutumé aux gens d'armes quand ils sont blessés : et pour ce qu'elle avait été blessée devant Paris, elle les offrit à Saint-Denis, puisque c'est le cri de France (7).
  Interrogée si elle le fit pour qu'on adorât ces armes, répondit que non.

  Interrogata qualia arma obtulit in ecclesia Sancti-Dionysii in Francia, respondit quod obtulit album harnesium suum, gallice un blanc harnoys, integrum, tale sicut uni homini armorum congruit, cum uno ense quem lucrata est coram villa Parisiensi.
  Interrogata ad quem finem eadem arma obtulit, respondit quod hoc fuit ex devotione, sicut consuetum est apud homines armorum quando sunt læsi ; et quia fuerat loesa coram villa Parisiensi, obtulit ea Sancto Dionysio, propter hoc quod est clamor Franciæ.
  Interrogata utrum hoc fecerit ut arma ipsa adorarentur, respondit quod non.


  Interroguee quelles armes elle offrit a Sainct Denis, respond que ung blanc harnoys entier a ung homme d'armes, avecques une espee ; et la gaigna devant Paris.
  Interroguee a quelle fin elle les offrit, respond que ce fut par devocion, ainsy qu'il est acoustumé par les gens d'armes, quand ilz sont blecez. Et, pour ce que elle avoit esté blecee devant Paris, les offrit a sainct Denis, pour ce que c'est le cry de France.
  Interroguee se c'estoit pour ce qu'on les armast (8), respond que non.

  Interrogée à quoi servaient ces cinq croix qui étaient en l'épée qu'elle trouva à Sainte-Catherine-de-Fierbois, répondit qu'elle n'en sait rien.

  Interrogata de quo deserviebant illæ quinque cruces quæ erant in illo ense, quem reperit apud sanctam Katharinam de Fierbois, respondit quod de hoc nihil scit.

  Interroguee de quoy servoyent ses cinq croix qui estoyent en l'espee qu'elle trouva a saincte Katherine de Fierboys, respond qu'elle n'en sçait rien.


  Interrogée qui l'a portée à faire peindre des anges avec leurs bras, pieds, jambes et vêtements, répondit :
- Vous avez réponse sur cela.
  Interrogée si elle a fait peindre ces anges tels qu'ils vinrent à elle, répondit qu'elle les a fait peindre en la manière qu'ils sont peints dans les églises.
  Interrogée si onques elle les vit en la manière qu'ils furent peints, répondit :
- Je ne vous en dirai autre chose.
  Interrogée pourquoi elle n'y fit pas peindre la clarté avec les anges ou les voix, répondit qu'il ne lui fut point commandé.

  Interrogata quid movit eam ad faciendum depingi angelos cum brachiis, pedibus, tibiis et vestimentis in suo vexillo, respondit :
- Vos de hoc habetis responsum.
  Interrogata utrum fecerit depingi illos angelos qui veniunt ad ipsam , respondit quod fecit eos depingi in modum quo depinguntur in ecclesiis.
  Interrogata
si unquam vidit eos in tali modo quo fuerunt depicti, respondit :
- Ego non dicam vobis aliud.
  Interrogata quare non fecit ibi depingi claritatem quæ venit ad eam cum angelo vel vocibus, respondit quod hoc non fuit præceptum.

  Interroguee qui la meut de faire paindre angelz avecques bras, piedz, jambes, vestemens, respond :
- Vous y estes respondus.
  Interroguee se elle les a faict paindre telz que ilz viennent a elle, respond qu'elle les a faictz paindre telz et en la maniere comme ilz sont painctz es eglises.
  Interroguee se oncques elle les vist en la maniere que ilz furent paincts, respond :
- Je ne vous en diray aultre chose.
  Interroguee pourquoy elle n'y feist peindre la clarté qui venoit a elle avecques les angelz ou les voix, respond que il ne luy fut point commandé.


Ce même jour après-midi,

  Item ce dit jour de samedi après midi, sous la présidence de nous évêque, et de celle du vicaire de l'inquisiteur susnommé, assistés de vénérables et discrètes personnes seigneurs et maitres Jean Beaupère, Jacques de Touraine, Nicolas Midi, Pierre Maurice et Gérard Feuillet, docteurs ; Thomas de Courcelles, docteur en théologie sacrée ; Jean de La Fontaine, licencié en droit canon, délégué par nous, évêque susdit ; et en présence de frère Ysambard de La Pierre et de John Grey, déjà nommés.

                                                                            *
                                                                      *         *

  Ladite Jeanne fut interrogée si les deux anges qui étaient en son étendard représentaient saint Michel et et saint Gabriel. Répondit qu'ils n'y étaient que pour l'honneur de Notre Seigneur qui est peint en l'étendard. Et dit qu'elle fit faire cette représentation des deux anges seulement pour l'honneur de Notre Seigneur qui était figuré tenant le monde.

  
Interrogata fuit eadem Johanna an illi duo angeli depicti in suo vexillo repræsentabant sanctum Michaelem et sanctum, respondit quod non erant ibi, nisi solum pro honore Dei qui depictus erat in vexillo. Et dixit quod non fecit fieri repræsentationem duorum angelorum, nisi solum in honorem Dei, qui ibi erat figuratus tenens mundum.

  Interroguee se ses deux angelz, qui estoyent painctz en son estandard, representoyent sainct Michel et sainct Gabriel, respond qu'ilz n'y estoyent fors seullement pour l'honneur de nostre Seigneur, qui estoit painct en l'estandard. Et dit qu'elle ne fit faire icelle representacion des anges, fors seullement pour l'honneur de nostre Seigneur, qui y estoit figuré tenant le monde.

   Étendard de Jeanne d'Arc (face)


  Interrogée si ces deux anges qui étaient figurés en son étendard étaient les deux anges qui gardent le Monde ; et pourquoi il n'y en avait plusieurs, vu qu'il lui était commandé de par Notre Seigneur qu'elle prit cet étendard, répondit que tout l'étendard fut commandé par Notre Seigneur, par les voix de sainte Catherine et de sainte Marguerite, qui lui dirent : "Prends l'étendard de par le Roi du ciel". Et parce qu'elles lui dirent : "Prends l'étendard de par le Roi du ciel", elle y fit faire cette figure de Dieu et des anges et en couleur. Et fit le tout par le commandement de Dieu.

  Interrogata utrum illi duo angeli in suo vexillo figurati erant duo angeli custodientes mundum, et cur non erant ibi plures, viso quod sibi præceptum erat ex parte Dei quod caperet illud vexillum, respondit quod totum vexillum erat præceptum ex parte Dei, per voces sanctarum Katharinæ et Margaretæ quæ dixerunt sibi : "Accipias vexillum ex parte Regis coeli." Et propterea quod dixerunt sibi : "Capias vexillum ex parte Regis coeli", ipsa fecit ibi fieri istam figuram Dei et angelorum, et colorari. Et totum fecit per præceptum Dei.

  Interroguee se ces deux angelz, qui estoyent fgurez en l'estandard, estoyent les deux anges qui gardent le monde, et pourquoy il n'y en avoit plus, veu que il luy estoit commandé qu'elle print tel estandart par nostre Seigneur, respond : tout l'estandard estoit commandé par nostre Seigneur, par les voix de sainctes Katherine et Margueritte, qui luy dirent : Pren l'estandart de par le Roy du ciel. Elle y feist faire celle figure de nostre Seigneur et de deux anges ; et de couleur, et tout, le feist par leur commandement. (9)

  Interrogée si elle demanda à ses deux saintes si, par vertu de cet étendard, elle gagnerait toutes les batailles où elle se trouverait et qu'elle aurait victoire, répondit qu'elles lui dirent qu'elle le prit hardiment et que Dieu l'aiderait.

  Interrogata utrum tunc ab eisdem duabus Sanctis petivit si, in virtute illius vexilli, lucraretur omnia bella in quibus se poneret, et, an haberet victorias, respondit quod dixerunt ei quod caperet audacter, et quod Deus adjuvaret eam.

  Interroguee se alors elle leur demanda se, en vertu d'icelluy estandard, elle gaigneroit toutes les battailles ou elle se boutteroit, et qu'elle auroit victoire, respond que ilz luy dirent qu'elle print hardyment, et que Dieu luy ayderoit.

  Interrogée qui aidait le plus, elle à l'étendard ou l'étendard à elle, répondit que, de sa victoire ou de celle de l'étendard, c'est tout en Notre Seigneur.   Interrogée si l'espérance d'avoir victoire était fondée en l'étendard ou en elle-même, répondit qu'elle était fondée en Notre Seigneur, et non ailleurs.   Interrogée, si un autre avait porté l'étendard, s'il aurait eu aussi bonne fortune comme l'avait Jeanne elle-même, répondit :
- Je n'en sais rien ; je m'en attends à Notre Seigneur.

  Interrogata an ipsa plus juvaret vexillum, quam vexillum juvaret eam, respondit quod, de victoria ipsius Johannæ vel vexilli, totum erat in Domino.
  Interrogata utrum spes habendi victoriam fundabatur in vexillo, vel in ipsamet Johanna , respondit quod hoc fundabatur in Domino et non in alio.
  Interrogata utrum, si unus alius detulisset illud vexillum, habuisset ita bonam fortunam quemadmodum ipsamet Johanna habebat, respondit :
- Ego nihil scio; ego me refero ad Deum.


  Interroguee qui aydoit plus, elle a l'estandart, ou l'estandart a elle, respond que de la victoire de l'estandard ou d'elle, c'estoit a nostre Seigneur tout.
  Interroguee se l'esperance d'avoir victoire estoit fondee en son estandard ou d'elle, respond : Il estoit fondé en nostre Seigneur, et non ailleurs.
  Interroguee se ung aultre l'eust porté que elle, se il eust eu aussy bonne fortune comme d'elle de le porter, respond :
- Je n'en sçays rien. Je m'en actendz a nostre Seigneur.


   Etendard de Jeanne d'Arc (revers)


  Interrogée, si un des gens de son parti lui eût baillé son étendard à porter, et qu'elle l'eût porté, si elle aurait eu aussi bonne espérance en celui-là comme au sien, qui lui était disposé de par Dieu, et  spécialement interrogée sur celui de son roi, si elle l'avait eu, etc... répondit :
- Je portais plus volontiers celui qui m'était ordonné de Notre Seigneur, et toutefois du tout je m'en attends à Notre Seigneur.

  Interrogata, si aliquis de parte sua tradidisset sibi suum vexillum, utrum ipsa illud portasset, et utrum habuisset in illo ita bonam spem, sicut in proprio vexillo quod erat sibi dispositum ex parte Dei ; et specialiter interrogata, de vexillo regis sui, si ipsum habuisset, etc..., respondit :
- Ego libentius portabam illud quod mihi erat ordinatum ex parte Dei. Et tamen ex toto ego me refero ad Deum.


  Interroguee se ung des gens de son party luy eust baillé son estandard a porter, se elle l'eust porté, et s'elle y eust eu aussy bonne esperance, comme en celuy d'elle qui luy estoit disposé de par Dieu, et mesmes celuy de son roy, respond :
- Je portoye plus voluntiers celluy qui me estoit ordonné de par nostre Seigneur. Et toutesfoys du tout, je m'en actendoye a nostre Seigneur.


  Interrogée à quoi servait le signe (10) qu'elle mettait dans ses lettres, et les noms : JHESUS MARIA (11), répondit que les clercs écrivant ses lettres le posaient là ; et certains disaient qu'il convenait de mettre ces deux mots : JHESUS MARIA.

  Interrogata de quo deserviebat illud signum quod ipsa ponebat in litteris suis, et hæc nomina, JHESUS MARIA, respondit quod clerici scribentes litteras suas ponebant hoc ibi ; et dicebant quidam quod hoc decebat ponere hæc duo nomina, JHESUS MARIA.

  Interroguee de quoy servoit le signe qu'elle metoit a ses lettres : JHESUS MARIA, respond que les clers escrivans ses lettres luy mettoyent ; et disoyent les aulcuns qu'ilz luy appartenoit metre ses deux motz : JHESUS MARIA.

  Interrogée s'il ne lui a point été révélé que, si elle perdait sa virginité, elle perdrait sa fortune, et que ses voix ne lui viendraient plus répondit que cela ne lui a point été révélé.

  Interrogata utrum fueritne sibi revelatum quod, si ipsa perderet virginitatem suam, quod perderet fortunam suam, et quod vocet suæ non venirent amplius ad eam, respondit quod illuc non fuit sibi revelatum.

  Interroguee se il luy a point esté revelé, se elle perdoit sa virginité, qu'elle perdoit son heur, et que ses voix ne luy viendroyent plus, respond :
- Cela ne m'a point esté revelé.


  Interrogée si elle croit que ses voix lui viendraient si elle était mariée, répondit :
- Je ne sais et m'en attends à Notre Seigneur.

Intenogata utrum credit quod, si ipsa esset conjugata, voces illæ venirent ad eam, respondit :
- Ego nescio. Et de hoc me refero ad Deum.


  Interroguee, se elle estoit mariee, se elle croit point que ses voix luy vensissent, respond :
- Je ne sçay ; et m'en actenz a nostre Seigneur.


  Interrogée si elle pense et croit fermement que son roi fit bien de tuer monseigneur le duc de Bourgogne (12), répondit que ce fut grand dommage pour le royaume de France ; mais quelque chose qu'il y eut entre ces deux princes, Dieu l'a envoyée au secours du roi de France.

  Interrogata utrum æstimat et firmiter credit quod rex suus bene fecit in interficiendo dominum ducem Burgundiæ, respondit hoc fuit magnum damnum pro regno Franciæ ; et, quidquid esset inter ipsos duos principes prædictos, Deus misit eam ad succursum regis Franciæ.

  Interroguee se elle pense et croit fermement que son roy feist bien de tuer ou faire tuer monseigneur de Bourgoingne, respond que ce fut grand dommaige pour le royaulme de France ; et quelque chose qu'il y eust entre eulx, Dieu l'a envoyé au secours du roy de France.

  Interrogée sur ce qu'elle a dit qu'elle répondrait à nous, évêque susdit, et aussi à nos commis comme elle le ferait devant notre saint père le pape, et que toutefois il y a plusieurs interrogatoires auxquels elle ne veut répondre, et si elle ne répondrait plus pleinement devant le pape qu'elle ne fait devant nous, répondit qu'elle a répondu tout le plus véridiquement qu'elle a su ; et si elle savait quelque chose qui lui revînt à la mémoire qu'elle n'ait dit, elle le dirait volontiers.

  Interrogata
, propter hoc quod responderat nobis, episcopo prædicto tantum nobis et commissis nostris responderet quantum faceret sanctissitno domino nostro Papæ, et tamen ibi erant multa interrogatoria ad quæ non vult respondere, utrum ipsa responderetne plenius coram Papa, quam faciat coram nobis, respondit quod ipsa respondit totum verius quod potuit ; et, si sciret aliquid de quo recordaretur quod non dixerit, libenter diceret.

  Interroguee, pour ce qu'elle a dit a monseigneur de Beauvoys qu'elle respondroit autant a monseigneur de Beauvoys et a ses commis, comment elle feroit a nostre sainct pere le pappe; et toutesfois il y a plusieurs interrogatoires a quoy elle ne veult respondre, se elle respondroit point plus pleinement qu' elle ne faict devant monseigneur de Beauvoys, respond qu'elle a respondu tout le plus vray qu'elle a sceu ; et se elle sçavoit aulcune chose qui luy en vensist a memoire qu'elle n'ait dit, elle le diroyt voluntiers.

  Interrogée s'il ne lui semble pas qu'elle soit tenue de répondre pleinement la vérité à notre saint père le pape, vicaire de Dieu sur tout ce qu'on lui demanderait touchant la foi et le fait de sa conscience, répondit qu'elle requiert qu'elle soit menée devant lui ; et puis répondra devant lui tout ce qu'elle devra répondre.

  Interrogata utrum sibine videatur quod teneatur plenius respondere veritatem domino nostro Papæ, vicario Dei, de omni illo quod peteretur sibi tangens fidem et factum conscientiæ suæ, quam respondeat nobis, respondit quod ipsa requirit quod ducatur ante ipsum dominum nostrum Papam, et postea respondebit coram eo totum illud quod debebit respondere.

  Interroguee se il luy semble qu'elle soit tenue respondre plainement verité au pappe, vicaire de Dieu, de tout ce que on luy demanderoit touchant la foy et le faict de sa conscience, respond qu'elle requiert qu'elle soit menee a l'Eglise devant luy ; et puis elle respondra tout ce qu'elle debvera respondre.

  

  Interrogée de quelle matière était l'un de ses anneaux, où étaient écrits les mots : JHESUS MARIA, répondit qu'elle ne le sait proprement ; et s'il était d'or, ce n'était pas de fin or ; et ne sait si c'était d'or ou de laiton ; et pense qu'il y avait trois croix et non autre signe qu'elle sache, excepté les mots : JHESUS MARIA.

  Interrogata de qua materia erat unus anulorum suorum, in quo erant scripta hæc nomina, JHESUS MARIA, respondit quod hoc proprie nescit ; et si erat de auro, non erat de puro auro ; nec scit utrum erat de auro, vel de electro ; et æstimat quod in eo erant tres cruces et non aliud signum, quod ipsa sciat, exceptis his nominibus, JHESUS MARIA.

  Interrogué de l'ung de ses agneaux, ou il estoit escript : JHESUS MARIA, de quelle matiere il estoit, respond :
- Elle ne sçait propprement ; et, s'il est d'or, il n'est pas de fin or. Et se ne sçait se c'estoit or ou latton; et pense qu'il y avoit troys croix, et non aultre signe, qu'elle saiche, excepté : JHESUS MARIA.

  Interrogée pourquoi elle regardait volontiers cet anneau quand elle allait en fait de guerre, répondit que c'était par plaisance et en l'honneur de son père et de sa mère ; et, ayant son anneau en sa main et en son doigt, elle a touché à sainte Catherine qui lui apparut visiblement.
  Interrogée en quelle partie de sainte Catherine elle a touché, répondit :
- Vous n'en aurez autre chose.

  Interrogata cur libenter respiciebat in illum anulum, quando ibat ad aliquod factum guerræ, respondit quod hoc erat per complacentam, et proper honorem patris et matris ; et ipsa, illo anulo exsistente in sua manu et in suo digito, tetigit cum sancta Katharina sibi visibiliter apparente.
  Interrogata in qua parte ipsius sanctæ Katharinæ tetigit eam, respondit :
- Vos de hoc non habebitis aliud.

 
Interroguee pourquoy c'estoit qu'elle regardoit volluntiers cest anel, quand elle alloit en fait de guerre, respond que par plaisance, et pour l'honneur de son pere et de sa mere ; elle, ayant son anel en sa main et en son doy, a touché a saincte Katherine, que luy apparoist.
  Et interroguee en quelle partie de ladicte saincte Katherine, respond :
- Vous n'en aurez aultre chose.


  Interrogée si elle baisa ou embrassa jamais les saintes Catherine et Marguerite, répondit qu'elle les a embrassées toutes les deux.
  Interrogée si elles fleuraient bon, répondit qu'il est bon à savoir qu'elles sentaient bon !
  Interrogée si, en les embrassant, elle n'y sentait point de chaleur ou autre chose, répondit qu'elle ne les pouvait point embrasser sans les sentir et toucher.

  Interrogata utrum unquam osculata fuit vel amplexata sanctas Katharinam vel Margaretam, respondit quod ipsa amplexata est ambas.
  Interrogata an habebant bonum odorem, respondit quod hoc bonum est scire quod habebant bonum odorem.
  Interrogata utrum, amplexando eas, sentiebat ibi calorem vel quidquam aliud, respondit quod non poterat amplexari eas sine sentiendo et tangendo ipsas.


  Interroguee se elle baisa ou accola oncquez saincte Katherine ou Marguerite, respond : Elle les a accolees toutes deux.
 
Interroguee se ilz fleuroyent bon, respond :
- Il est bon a savoir que ilz sentoyent bon.
  Interroguee se, en accollant, elle y sentoyent point de challeur ou aultre chose, respond qu'elle ne les povoit accoller sans les sentir et toucher.


  Interrogée par quelle partie elle les embrassait, ou par haut ou par répondit qu'il convient mieux de les embrasser par le bas que par le haut.

  Interrogata per quam partem amplexabatur eas, utrum per superius vel per inferius, respondit quod melius decet eas amplexari per inferius quam per superius.


  Interroguee par quelle partye elle les accolloit, ou par hault ou par bas, respond :
- Il affïert mieulx a les accoller par le bas que par le hault.


  Interrogée si elle ne leur a point donné de couronnes ou chapeaux (13), répondit que, en leur honneur, à leurs images et représentations aux églises, plusieurs fois leur mit des couronnes ; et quant à celles qui lui apparaissent, elle ne leur en a point baillé dont elle ait mémoire.

  Interrogata utrum dederitne prædictis Sanctis aliqua serta vel capellos, respondit quod, in honorem ipsarum, pluries de illis sertis dedit imaginibus seu repræsentationibus earum in ecclesiis ; et quantum ad illas quæ sibi apparent, non dedit eis unde recordetur.

  Interroguee se elle leur a point donné de chappeaux, respond que, en l'honneur d'elles, en leurs remenbrances ou ymaiges, es eglises, en a plusieurs foys donné ; et, quand a celles qui s'apperent a elle, n'en a point baillé, dont elle ait memoire.

  Interrogée, quand elle mettait couronnes en l'arbre désigné plus haut, si elle les mettait en l'honneur de celles qui lui apparaissaient, répondit que non.

  Interrog
ata utrum, quando ponebat hujusmodi serta in arbore de qua superius dictum, ipsa poneret illa in honorem earum quæ sibi apparent, respondit quod non.

  Interroguee, quand elle metoit chappeaulx en l'arbre, se elle les metoit en l'honneur de celles qui luy apparoyent, respond que non.

  Interrogée si, quand les saintes venaient à elle, elle ne leur faisait point la révérence, comme de s'agenouiller ou incliner, répondit que oui et le plus qu'elle pouvait leur faire de révérences, elle leur faisait ; car elle sait bien que ce sont celles qui sont au royaume de Paradis.

  Interrogata utrum, quando illæ Sanctæ veniebant ad eam, faceretne ipsis reverentiam, flectendo genua et inclinando se, respondit quod sic ; et, quantum plus poterat, faciebat eis reverentiam, quia bene scit quod sunt illæ quæ sunt in regno paradisi.

  Interroguee se, quand ses sainctes venoyent a elle, se elle leur faisoit point reverence, comme de se agenouiller ou incliner, respond que ouy. Et le plus qu'elle povoit leur faire de reverence, elle leur faisoit. Car elle sçait que ce sont celles qui sont en royaulme de paradis.

  Interrogée si elle sait quelque chose de ceux qui vont en l'erre (14) avec les fées, répondit qu'elle n'y fut jamais ou sut quelque chose ; mais en a bien entendu parler, et qu'on y allait le jeudi ; mais n'y croit point, et croit que c'est sorcellerie.

  Interrogata an ipsa scit aliquid de illis qui vadunt, gallice en l'erre avec les faées, respondit quod ipsa nunquam fuit, nec scit aliquid ; sed bene audivit loqui, et quod ibant in die jovis ; sed in hoc non credit, et credit quod hoc non sit nisi sortilegium.

Interroguee sy elle sçait rien de ceulx qui vont en l'erre avecques les fees, respond qu'elle n'en feist oncq ou sceut quelque chose ; mais en a bien ouy parler ; et que on y alloit au jeudy ; mais n'y croit point. Et croit que ce ne soit que sorcerie.

  Interrogée si on ne fit point flotter son étendard autour de la tête de son roi quand il fut sacré à Reims, répondit que non, qu'elle sache.
  Interrogée pourquoi son étendard fut plus porté en l'église de Reims, au sacre, que ceux des autres capitaines, répondit que son étendard avait été à la peine, c'était bien raison qu'il fût à l'honneur.

  Interrogata utrumne aliquis fecit ventilari suum vexillum circa caput regis sui, dum consecrabatur Remis, respondit quod non, quod ipsa sciat.
  Interrogata cur idem vexillum fuit plus portatum in ecclesiam Remensem, in consecratione regis sui, quam vexilla aliorum capitaneorum, respondit quod ipsum vexillum suum fuerat in pœna ; bene rationis erat quod haberet honorem.


  Interroguee se on feist point flotter ou tournyer son estandard autour de la coste de son roy, respond que non, qu'elle saiche.
  Interroguee pour quoy il fut plus porté en l'eglise de Rains, au sacre, que ceulx des aultres cappitaines, respond :
- Il avoit esté a la peine, c'estoit bien raison qu'il fust a l'honneur.




                                                 


Sources : "Condamnation de Jeanne d'Arc" de Pierre Champion (1921), "Procès de Jeanne d'Arc" - E.O'Reilly (1868), "La minute française des interrogatoires de La Pucelle" - P.Doncoeur (1952)
Illustrations :
- Statue de Saint Michel terrassant le dragon provenant de la cathédrale de Strasbourg (vers 1250) - Musée de l'oeuvre Notre Dame.
- Reconstitution face et dos de l'étendard de Jeanne d'Arc par le Colonel de Liocourt dans son ouvrage : "La Mission de Jeanne d'Arc - tome I - éditions latines".

- Anneau sur lequel est inscrit : I H S M A A, il est en argent. Serait-ce celui donné par son frère ?
("La Mission de Jeanne d'Arc - tome I - éditions latines".)

Notes :
1 De Courcelles traduit gallice : branlera

2 Le jour de sa condamnation.

3 Ne figure que sur la minute française.

4 La minute met ce mot au présent.

5 Henri V disait que la défaite d'Azincourt était la punition des "voluptés, péchés et mauvais vices des Français". (P. Champion)

6 "Blanc harnois" : celui des écuyers qui ne portent pas d'armoiries contrairement à ceux des chevaliers.

7 "Saint Denys" était le cri de France avec "Montjoie".

8 de Courcelles et d'Estivet : "adorast", pour les ms d'Orélans et de d'Urfé : "armast". D'Estivet s'est basé sur la minute française originale, on peut penser qu'il s'agissait d' "adorast".

9 Par le commandement de Dieu sur le procès officiel, des saintes Catherine et Marguerite sur d'Estivet et les ms d'Orléans et de d'Urfé.

10 Comme le fait remarquer Pierre Champion il est quand même pour le moins surprenant que des gens d'église, des clercs, nomment "signe" une croix qu'ils voient dans tous les actes de leur vie religieuse et qu'il devrait vénérer comme il se doit !

11 A l'époque bien des personnes usaient pieusement de JHESUS MARIA dans leurs lettres (P.Champion).
Ces deux dernières remarques montrent bien, s'il en était besoin, l'iniquité des interrogatoires et du tribunal de Pierre Cauchon (ndlr)

12 Jean Sans Peur, fils ainé de Philippe et de Marguerite de Flandre, époux de Marguerite de Bavière, assasiné le 10 septembre 1419 à Montereau par les gens du Dauphin Charles.
Il faut préciser que ce prince était ambitieux et implacable, hypocrite et mauvais Français. Il avait fait assassiner Louis d'Orléans en 1407 (P. Champion).

13 On appelait à cette époque "des chapeaux" pour des couronnes de fleurs.

14 C'est à dire à la suite des fées, en leur cheminement. En Lorraine, le jeudi est le jour du sabbat (Delcambre).


Procès de condamnation en Français (1431)
- Index

Préliminaires :
- ouverture du procès
- séance du 9 janvier

- séance du 13 janvier
- séance du 23 janvier
- séance du 13 février
- séances des 14 au 16 fév.
- séance du 19 février
- séance du 20 février

Procès d'office :
séances publiques
- 1ère séance du 21 février
- séance du 22 février
- séance du 24 février
- séance du 27 février
- séance du 1er mars
- séance du 3 mars
- réunions du 4 au 9 mars
séances dans la prison
- séance du 10 mars
- séance du 12 mars
- séance du 13 mars
- séance du 14 mars
- séance du 15 mars
- séance du 17 mars
- réunion du 18 mars
- réunion du 22 mars
- séance du 24 mars
- séance du 25 mars

Procès ordinaire :
- réunion du 26 mars
- réquisitoire du 27 mars
- suite réquisitoire 28 mars
- séance du 31 mars
- réunion du 2 avril
- réunion du 5 avril - articles
- suite - délibération
- exhor. charit. du 18 avril
- admonition du 2 mai
- menace torture du 9 mai
- délibération du 12 mai
- délibération du 19 mai
- admonestation du 23 mai
- abjuration du 24 mai

La cause de relapse :
- constat relapse du 28 mai
- délibération du 29 mai
- citation du 30 mai

Actes postérieurs




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