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Lettre 6 - index

u cours de l'année 1429, le 9 juillet. [Lettre] reçue le 2 août (1).

Nouvelles de Jeannette la Pucelle venue au royaume de France en l'an 1429, au sujet de laquelle nous recevons tant de lettres de Bretagne (2), du 4 juin, de personnes dignes de foi, qui ont elles-mêmes écouté et affirmé, tant par cette voie que par beaucoup d'autres personnes qui ont vu ces choses ; et en substance je vous dirai que ce sont là choses très merveilleuses (3), si elles sont ainsi, et telles elles me paraissent, celle-ci étant de la vie que l'on dit, et je crois que la puissance de Dieu est grande, etc.

  « La dite Pucelle est âgée de dix-huit ans ou environ (4); [elle est née] dans le pays de Lorraine, aux confins de France, et elle était béguine (5) gardeuse de moutons, fille d'un homme de village. Au commencement du mois de mars (6), quittant son troupeau, elle pria Dieu et ses parents (7) et deux gentilshommes (8) qui sans contradiction consentirent [à la suivre], et leur disant qu'elle les emmenait par inspiration divine, etc...
  Venue en présence du noble prince le dauphin Charles, fils du roi de France dernièrement mort, elle lui notifia de par Jésus notre Rédempteur qu'il plaisait à celui-ci [qu'elle vînt] pour trois choses, lesquelles ainsi, comme elle lui disait, s'ensuivraient, s'il avait ferme confiance en elle, et laissant la vie [qu'il menait], s'il s'amendait et se gouvernait selon elle, moyennant la grâce de Dieu, par le commandement duquel elle était mue (9).
  D'abord elle était venue pour lever le siège que les Anglais tenaient à Orléans; en second lieu, pour le couronner librement et le faire roi de toute la France et ses appartenances ; en troisième lieu, pour faire la paix entre lui et les Anglais ; et, encore, pour faire sortir à l'amiable le duc d'Orléans de sa prison d'Angleterre (10). Mais cette dernière partie contient chose qui, si la miséricorde de Dieu ne s'y met pas, sera chose malaisée à advenir sans très grande effusion de sang de part et d'autre; et finalement, si les Anglais ne consentent pas à rendre monseigneur d'Orléans par force, elle passera jusqu'en Angleterre et l'enlèvera en dépit d'eux, les subjuguant avec honte et dam infini pour lesdits Anglais.
  Le dauphin, voyant dire toutes ces choses par la bouche d'une fillette, en fit railleries, croyant qu'elle était folle et possédée du démon, tant elle était effrontée ; et elle, voyant qu'on ne voulait ajouter foi à ses paroles, on dit qu'elle lui notifia que lesdites choses, personne ne les devait savoir fors que Dieu et lui (11). C'est pourquoi il a fait réunir beaucoup de sages hommes, et ils commencèrent à discuter avec elle et à l'éprouver de mille manières, à l'observer même dans les misères du corps et dans les paroles qu'elle adressait à ces gentilhommes (12), et enfin par de grands maîtres en théologie, pendant l'espace d'un mois (13); et puis enfin ceux-ci, voyant quelle était sa vie et principalement comme elle parlait et répondait aux questions qu'ils lui faisaient et disaient, ils conclurent que cette créature n'était autre que sainte, et tous la tenaient pour servante de Dieu ; ils conseillèrent au dauphin de vouloir la croire de tout son cœur (14). Et beaucoup d'autres choses me sont écrites, et on raconte encore ici que, avant de la croire, ils la soumirent à beaucoup d'épreuves, entre autres à celle-ci : comme elle voulait communier, le prêtre avait une hostie consacrée et une autre qui ne l'était pas; il voulut lui donner celle qui n'était pas consacrée; elle la prit dans sa main et dit au prêtre que cette hostie n'était pas le corps du Christ son Rédempteur, mais que ce corps était dans l'hostie que ledit prêtre avait mise sous le corporal (15).
  Sa nourriture ne consiste qu'en deux onces de pain par jour ; elle boit de l'eau, et si pourtant elle boit du vin, elle y met trois quarts d'eau (16); chaque dimanche, elle se confesse, très dévote, très pieuse et très simple, toute pleine de l'Esprit saint (17). Elle fait à chacun des recommandations telles en substance : elle veut qu'elle-même avec tous ses capitaines et seigneurs de la cour aillent à confesse et qu'ils se confessent du péché de fornication, ainsi que toutes les damoiselles ; car ceux et celles qui vont contre Dieu avec leurs corps et qui sont les gens plus cruels et les plus mauvais qu'il y eut jamais en toute espèce de vice, elle les a tous réduits avec les autres à sa volonté, en sorte qu'ils ne sont plus en péril (et je ne m'étends pas à tout raconter) et viennent à la miséricorde de Dieu et à leur salut (18).
   Dès qu'elle a été faite capitaine et gouverneur de tout l'ost du dauphin, elle commanda que personne ne fût si hardi que de prendre par force sur ses sujets aucune chose qu'elle ne fût payée, qu'autrement il encourrait la peine de la vie; et [elle fit] beaucoup d'autres commandements tous honnêtes et que je ne m'étends à raconter, etc... (19)
  Ensuite elle voulut qu'en faisant la communion, le dauphin avec tous ses sujets, tout en larmes, se missent à l'épreuve et promissent librement et de bon cœur de pardonner à tout homme qui fût contre eux et leur ennemi et rebelle, et que toutes les terres où ils entreraient fussent pacifiquement traitées, sans faire vengeance contre aucun ni sur les personnes ni sur les biens, leur expliquant que s'ils promettaient de bouche et qu'ils fissent le contraire de cœur et de fait, tout le dam serait leur, et que sûrement en très peu de temps le dauphin, avec tout sa gent de France, [serait perdu] sans plus de remède ; mais que s'il faisait selon ses ordres, en bref [espace] de temps Dieu lui donnerait bonne grâce dans sa miséricorde et le ferait seigneur de tout son pays (20).
  Les nouvelles de celle-ci s'étant répandues par les pays circonvoisins de Bretagne, un baron des plus grands du pays, qui s'appelle monseigneur de Retz, se mit en marche et s'en alla trouver son gendre (21); et ayant été reçu par les autres capitaines, il observa leur conduite, et par lettres [il engagea] le duc son suzerain, chef des autres (22), à pourvoir à la levée du siège qui était toujours devant Orléans, elle étant au camp avec toute la gent à commander que l'on fit donner des armes à chacun pour secourir la ville d'Orléans ; et cela, vers le mois d'avril.
  La dite damoiselle s'est fait faire des armes à sa taille (23); elle chevauche et va armée de toutes pièces comme un soldat, et plus merveilleusement encore (24); il paraît aussi qu'elle a trouvé une épée très ancienne (25), qui était dans une église et sur laquelle on dit qu'il y avait neuf croix ; et elle ne porte pas d'autre arme (26).
  Elle porte aussi un étendard blanc, sur lequel est Notre Seigneur mis en manière de Trinité ; d'une main, il tient le monde, et de l'autre, il bénit ; de chaque côté est un ange qui présente deux fleurs de lys telles que celles que portent les rois de France (27).
  S'étant mise en point avec environ 2.000 hommes de pied et de cheval, et après avoir apprêté beaucoup de vivres et de ravitaillements de guerre, bombardes et viretons, avant de se mettre en marche (28), elle a envoyé ses hérauts dire aux Anglais par trois fois qu'ils eussent à lever le camp, qu'autrement il leur arriverait malheur (29), et elle appela par leur nom tous leurs capitaines (30), parmi lesquels elle nommait le sire de Talbot, Rampston, Falstaff, le comte de Scales, Glasdall, le sire de Moleyns, qui tous étaient audit siège. Ceux-ci se raillèrent d'elle et lui envoyèrent dire qu'elle était une ribaude et sorcière (31).
  Jeannette, ayant ouï le dépris qu'ils faisaient d'elle, commanda que tous se fissent donner des armes et requérissent aide; et, cela dit, ils se comptèrent; tout compte fait, ils n'étaient pas plus de 2000 hommes, tandis que les Anglais étaient plus de 6000 (32); mais elle les conforta de sorte qu'ils étaient tous suffisants pour 10.000, sans nul [risque d'] échec. Et ladite Pucelle avec toute sa compagnie passa devant les Anglais, qui à cause d'elle n'auraient pas été suffisants pour résister à mille hommes, et elle entra avec les vivres et ravitaillements dans Orléans, sans que les Anglais pensassent à se mouvoir (33), se contentant de crier contre elle et lui dire vilenies et que c'était une putain et sorcière, et de lui jeter par derrière mout pierres de bombardes ou de mangonneaux (34).
  Après que tous furent ainsi ravitaillés avec ceux qui étaient à la garde de la ville (35), le bâtard d'Orléans et d'autres capitaines, environ 3.500 personnes en somme, ladite Pucelle ordonna que chacun se fît donner des armes, et elle allait sans nulle peur, exhortant chacun à ne rien craindre, quoiqu'ils fussent moins nombreux que les Anglais, parce que Dieu était de leur côté. Et enfin elle fit une sortie le mercredi d'avant l'Ascension ; elle alla devant l'une des bastilles des Anglais, où étaient 600 combattants très forts et inestimables, et toute la journée elle combattit cette bastille et lui fit peu de dommage ; environ une heure avant la nuit, ses gens étant là et voulant presque s'en aller, elle tourna ses yeux vers le ciel en pleurant, et après s'être de bref toute recommandée [à Dieu], elle cria que chacun fût attentif à l'écouter et dit, en criant ses paroles, que les forces avaient été enlevées à leurs ennemis ; elle courut férir lesdits Anglais de ses propres mains, et ils perdirent ladite bastille, sur laquelle étaient 600 Anglais, à qui il paraissait être pris et tués. A cette escarmouche périrent dix Français; retournés dans la ville, ils se reposèrent tous (36); et le jeudi qui fut l'Ascension (37), on dit qu'elle fit une sortie, qu'en ce jour elle alla voir leurs dites bastilles, qui étaient au nombre de neuf (38), et que personne ne fut si hardi que de s'approcher d'elle, par peur, mais qu'ils lui disaient des vilenies, et qu'elle humblement leur répondait qu'ils devaient lever le siège, qu'autrement ils feraient tous la male fin (39).
  Le vendredi (40), sur la troisième heure, elle sortit avec son étendard à la main, et suivie de tous les siens, elle vint donner l'assaut à une autre bastille, qui était la plus forte ; et tous disent qu'au pont qui passe la rivière, sur laquelle était Glasdall, anglais, avec plus de 500 hommes, pendant une durée de quatre heures Anglais et Français se défièrent ; les Anglais pouvaient d'abord se retirer au delà du pont; quand ils ne le purent plus, le pont se rompit et le capitaine Glasdall tomba dans la rivière avec plus de 300 hommes, qui tous se noyèrent (41).
  Je note que ladite Pucelle fut blessée d'un vireton à la gorge (42), et on dit que ce jour-là elle dit aux capitaines qu'elle serait blessée , mais qu'elle n'en aurait pas mal dangereux, grâce à la bonté [de Dieu] (43). Les capitaines anglais se rejoignirent ensemble et se fortifièrent sur une bastille des plus fortes, qui s'appelle Londres (44), et que ce jour ladite Pucelle, sortant avec sa compagnie, attaqua et eut enfin par force. Là fut tué le sire de Moleyns, capitaine anglais. Et alors, la damoiselle vit bien que le reste du camp anglais allait abandonner toutes les autres bastilles et s'en aller, et plus vite qu'au pas ordinaire. Ainsi fut levé le siège d'Orléans par ladite damoiselle, moyennant l'aide de Dieu glorieux (45).
  Je vous avise que toutes les bombardes et tant de « clefs » et tous autres appareils en général qu'avaient les Anglais, ils les laissèrent pour s'enfuir, et tout cela fut pris par les Français (46). Et nous savons, par ce que dit celui qui écrit de Bretagne, que ceux-ci ont envoyé au duc de Bretagne ou à son fils, lequel devait aller à la rencontre de la damoiselle avec 500 Bretons, qui étaient retournés en Bretagne, et que monseigneur d'Orléans [de Rais ?] préparait ses forces (47).
  Les nouvelles écrites ci-dessous jusqu'alors sont celles écrites de Bourgogne (48) et semblablement aussi par d'autres voies, et encore plus renouvelées et entendues de la bouche de beaucoup de gens de diverses nations, qui viennent qui d'un lieu et qui de l'autre ; toutes s'accordent à dire que cette damoiselle fait des miracles depuis qu'elle est avec le dauphin. Quant à moi, comme j'ai dit, la puissance de Dieu est grande ; je ne sais si je dois croire ce qu'on me dit ici, et il y en a qui croient le contraire ; chacun est libre de penser à sa guise, car ni l'un ni l'autre ne damnent; mais tant y a-t-il que le dauphin de jour en jour va prospérant grandement, de sorte qu'il est presque possible de croire ces nouvelles, eu égard à l'état où les Anglais l'avaient réduit, comme on voit, car il n'en pouvait mais.
  A Paris, par l'ambassade du maître « de Sasidis », il a été trouvé mout prophéties qui font mention de cette damoiselle, entre lesquels il y en a une de Bède en Alexandre (?) ; [on dit que] ceux-ci l'acquirent (?) et entendirent qui d'une façon et qui d'une autre ce qu'elle dit (?) par ces paroles que je dirai ci-dessous :

 
5
Vis Comulcoli bis septem se sociabunt
(100
Galboniopuli bella nova parabunt
(    2
Ecce beant bella, fert vexila puella.
(    1
 
5
 
1
 
101
 
5
 
100
 
1
 
1
 
1000
 
101
 
5
 
2
 
1429
 
  Après la levée du siège d'Orléans, le comte de Suffolk se retira dans un château, et il arriva dans le pays 900 hommes. Devant ce château, qui s'appelle Jargeau, vers le 15 mai, ladite damoiselle, faisant une sortie, alla mettre le siège avec ses gens, et enfin elle l'eut par force; tous furent pris et tués; et ledit comte resta prisonnier avec un sien frère et beaucoup d'autres chevaliers. Un autre de ses frères est mort dans cette victoire; c'était le 12 juin (49). Le capitaine des Anglais avec toutes ses forces, tant Anglais que Français, fut pour en venir aux mains, et on dit que les Français étaient environ 4000 à cheval. Avant qu'ils ne commençassent à se rencontrer avec les Anglais, ceux-ci incontinent leur tournèrent les épaules sans faire défense, chose qui ne fut jamais ouïe. Et l'on dit qu'ensuite ladite damoiselle se trouva avec sa compagnie tout entière et qu'enfin il n'échappa pas du côté des Anglais 800 personnes. Sont faits prisonniers le sire de Talbot, le sire de Scales, et beaucoup d'autres seigneurs ; de sorte qu'on prétend qu'en peu de temps elle a fait de très exprès et infinis miracles en faveur du dauphin (50).
  Le régent (51) est autour de Paris (52) et a demandé au duc de Bourgogne de le secourir (53); et l'on dit (?) que tout va mal pour lui; pour quoi il est venu nouvelle d'une grande ambassade envoyée par lui et aussi par cette commune [au duc], [demandant] que celui-ci lui veuille donner secours (54); et ainsi en est-il dans toute l'Angleterre, pour qu'il soit pourvu à ce royaume.
  Il fut dit (et je crois qu'il en est ainsi) que monseigneur de Bourgogne enverra dans les deux jours vers Paris avec nombreuse gent ; et l'on dit beaucoup de choses, les uns que c'est pour se rencontrer avec le dauphin, les autres que c'est pour traiter d'un accord entre lui et les Anglais. Je ne sais ce que je dois croire de la susdite journée; par la suite nous le saurons mieux.
  J'avais oublié (et je n'ai rien d'autre à vous dire) que plusieurs personnes écrivent d'Angleterre que 3000 hommes sont prêts à aller en France, en plus des soldats que le cardinal devait mener contre les Hussites, et l'on dit qu'il y aura en tout environ 6000 hommes (55).
  Monseigneur de Bourgogne est allé à Paris ; les uns disent que c'est pour faire accord; les autres, pour être contre le dauphin son parent. Ce qui va suivre, avec le temps on le saura par d'autres voies (56).
  D'Angleterre, les Anglais et d'autres répètent que le duc d'Orléans, qui a déjà été en prison quatorze ans, s'est enfui et réfugié près du roi d'Ecosse, lequel faisait des troupes pour mener en France en faveur du dauphin, avec une sienne sœur qu'il a mariée au fils aîné du duc; et tient-on cette nouvelle pour certaine, bien qu'on n'en sache rien d'autre et qu'on n'en ait encore aucune lettre (57).
  J'avais écrit jusqu'ici; mais le courrier a tardé à partir, et j'eus lettres de Londres, du premier juin (58), qui ne font pas mention de cela, de sorte que cela ne peut être ; mais on comprend que les Anglais aient fait lever cette nouvelle pour pouvoir plus honnêtement faire croire en Angleterre ledit seigneur encore plus grand; duquel ils faisaient déjà très grande estime.
  De certain on apprend d'Angleterre que le cardinal aura bientôt toute cette gent pour aller contre les Hussites, et que statim aujourd'hui même il passe en France ; d'autres encore disent que sûrement 8000 Anglais passeront (59), et je vous promets bien qu'ils ont besoin de passer vite et avec grande puissance, car on entend dire que la damoiselle s'est mise en campagne (60) avec plus de 25.000 hommes (61) bien comptés et de très nombreux archers, par les chemins et passages qui sont sur la rivière, qui sont appelés La Charité (62), de façon qu'il est clair qu'ils pourront aller à leur gré jusqu'aux portes de Paris. Que le Christ pourvoie au bien des Chrétiens ! On dit que le duc de Bourgogne, il y a trois jours, était près de Paris (63)...
  Et nous avons ces nouvelles de Bruges, jusqu'au 9 du mois de juillet 1429.

                                                               

VI (pages 988-1000, f08 503-505). (5)

  Nuove de Zaneta poncela vegnuda in el reame de Franza in l'ano de Mccccxxviiij.

  Dela qual de avemo tante letere de Bertagna de iiij de zugno per letere per persone degne de fede che s'a vezude ascholtar e afermar sy per questa via, como per molty altry l'a vezude. E in sustancia ve dirò de queli che son cose miracolexime, se cusy son, che quanto per my esendo quela dela vita vien dito, crezo la posanza de Dio eser grande, e cetera.
  La dita ponzela è de etade de ani xviij o circha, in el paixe de la Rena ale confine de Franza, e iera begina, guardatrixe de piegore, nasuda de homo de vilazo, che in el principio del mexe de marzo partandose quela dela soa greze, e fato pregar Dio e suò parenti e do zentilomeni chon lie, i dity sen contradicion li consenti, dizandoy che per inspiracion divina li moveva, e cetera...
  Vegnuda la dita davanti la prexencia del nobel principo Carlo dolfino, fiol del re de Franza ultimamente morto, nolifichandoy per parte de Jexu Nostro Redentore che a luy piaxeva per tre caxion, le qual, como lie a quelo dexiva, cusi seguiria se ferma fede dese quelo re, ponendo la vita se loro s'amendase e governase segundo lie, mediante la gracia de Dio, per chomandamento de quelo l'iera mosa. Prima l'iera vegnuda per levar l'asiedio, che ingelexi tegniva a Horiens, segonda per incoronarlo liberamente de farlo re de tuta la Franza e sue apartinencie, terza de far la paxie tra lu con ingelexi, e anchora che'l ducha de Orliens esia de prexion d'Ingletera per amor, ma questa ultima parte conclude cosa, che se Ia mixiericordia de Dio non se mete, sera forte cosa a seguir senza grandisimo spargimento de sangue d'una parte e de l'altra, e ultimamente non contradiando ingelexi a render el miser di Oriens, per forza pasera in fina in Engletera e contrazeralo al so despeto, suzugando i diti ingelexi con infinita soa vergonza e dano.
  Vezando el dolfino dir tute cose de bocha de una fanzoleta, de luy se ne fè befe, credendo lie una paza e indemoniada, e tanto ardida, e de lie vezudo che ale suò parole non n'iera da darli fede, si dise che lie notifichase le dite cose, che altry cha Dio e luy non le savarave, per la qual caxon, lu fato asunar molty savij homeny, e incomenza a raxionar chon ela, e a provarla per moity muody si in le mixierie del corpo e in el so parlar a queli zentilomeni fermar d ogni cosa, e ultimamente per gran maistry in tolegia per spacio d'uno mexe, e può ultimamente concluxe, veziando la soa vita, e chostoro principalmente el parlar e responder ale proposte fatoli per queli e dite, questa tal criatura non eser altro cha santa e serva de Dio, tuti tegniva consiono el delfino alie de tuto el so chuor li volese creder, e molte altre cose per mie vien scrito, e anchora de qui se conta, che avanti che ly se credese a quela, i ave molte pruove, tra le qual, voiandose la dita comunigar, el prete aveva una ostia sagrada, e l'altra no, e quela che non n'iera sagrada li volse dar, e quela la prexe per la man, e diseli, quela non n'eser el Corpo de Cristo so Redentor, anzi iera quelo che'l prevede aveva meso soto el corporal.
  La vita de chostie non n'è altro cha do onze de pan al ziorno, e beve aqua e, se pur beve vino, mete tre quarti d'aqua, e ogni domenega se confesa, devotisima, pientisima, e sinplicisima, tuta plena de spirito Santo. Volzè.
  Quela a chomendacion adalguno in sustancia si e, che la dita vuol lie con i suo capetanij e signory dela corte sy sia confesady, e sy se confesa a fornicacion, e con tute le donzele, tra le qual, queli e quele che va contra Dio, i so corpi stady plu crudeli e plu chativy homeny che fose may in ogno vicio per lie averli reduti insembre con i altry ala soa volunta che i non perichola, ch'io non me estendo de recontarli, e vegnir aia mixiricordia de Dio, de soa salvacione.
  Subito fato lie capetania e governatrixe de tuta l'oste del dolfino, la dita comanda che nisuno non fose sy ardido che prendese per forza dai suo suditi alguna cosa, se non fose pagada, e altra mente caza a pena dela vita, e molty altry comandamenty, tuti honesti, non me estendo de rechontarli e cetera.
  Apreso volse che nel comunegarse fazeva el dolfino con tuti i suo suditi lagremando, e a provarse e a prometerse liberamente e de buom cuor a perdonar a hognomo che ly fose stado contra, e so innemigo e rebelo, e rebeli, e che tute le tere d'onde i diti intrase, fose con bona paxe, senza fare vendeta adalguno, nè ale persone, nè a l'aver, denotandoli cose con bocha, e dixese, e con el chuor i fese e con le huovre i fese el contrario, tuto el dano seria so, e che de certo in pochisimo tenpo el dolfino con tuta la soa giente de Franza, senza piu eserde remiedio de romagnir, d'onde, fazando questo, in brieve de tenpo Dio i daria bona gracia per la so mixiricordia, e farial signor de tuto el so paixe.
  Spante le novele de costie per i paixi circhonstanti de Bertagna, se mese uno baron di mazior del paixe, che se clama monsignor de Rais, e quelo andadola a trovar, el zenero de i allry capetanij, rezevudo, oservando la vita loro, e per letere fo Iete, el ducha so prior cavò di i altry a proveder de levar 1'asiedio iera a Oriens tutavolta, e stando lie a canpo con tutala giente a comandar che a ziaschun se facese prestararme per sechorer la citade d'Oriens, e questo circha lo mexe di avril.
  La dita damixela se fexe far arme a soa persona, e chavalcha, e va armada de tute peze, como uno soldado eplu meraveioxamente, e par l'abia trovado una spada antigisima, che iera in una gliexia, sovra la qual fi dito aver viiij croxie, nè altra armadura porta quela. Porta anchora la dita uno stendardo blancho, suxo el qual è Christo Nostro Signor meso in maniera de Trenidade, e da una man tegnir l el mondo e da l'altra benedysie e per ziaschaschuno lady è uno anzelo, che prexenta do flori de zii, tal chomo queli porta hi reali de Franza.
  Mesose la dita in ponto chon circha iJM. homeny da pie e da cavalo, e apareclada molta vituaria a refreschar de vera, bonbarde, e veretoni, e per simel altre cose, per avanti la se movese; per suo araldy i manda a dirli a ingelexi per tre volte i se dovese levar da canpo, altramente capiterave 2 mal, e quela mentoando per nome tuty i suò capetanij, fra i qual nomeneva el sire de Tabort, Ruxint e Astolfo, el conte de Schales, el Conte de Sufuc. Clais dal Sue de Molin, che tuti iera al dito asiedio, i quali da lie de loro se ne fexe befe, e mandali a dirli che l'iera una ribalda e incantatrixe. Udita Zaneta lo desprexio fatoli da queli, comanda che ogni omo se fazese inprestar arme e recherir aiuto, e dito questo se contase per conto i non fose plu de iJM. persone, dove ingelexi fose plu de vjM. e quela confortay per muodo che iera tutij soficienty per XM senza algun ripolso, e la dita ponzela chon tuta la so conpagnia pasa davanti ingelexi per quelij che niente serave stady suficienti per quela a contrastar a mile, e entrase con le vituarie e refreschamento dentro da Oriens, che may ingelexi non ave argumento a muoverse ; bem cridava contra la dita a dirli vilania, e che l'iera una putana e incantatrixe, e de gitarli driedo molte piere de bonharde hover da mangano.
  Refreschadi chi fo hogni omo insembre con queli iera ala varda dela tera, che iera el bastardo de Aliens e altry capetanij, circha persone ijM.vc. in suma, ladita comanda che ziaschaduno se fese imprestar arme, e andando quela senza alguna paura, confortando, che alguno non dubitase perchè i fose men zente d'ingelexi, e che Dio iera dala parte soa, e in concluxione insidi de fuora el merchore dy avanti, la caxione quela anda davanti una dele bastie d'ingelexi, dove iera vjc. conbatanti fortisimi e inestimabely, e tuto quel ziorno la conbatè, e feli puocho dano, che circha una ora avanti sera, esendo la giente soa là voiando quaxi tornar, la dita fè vista vardar al Cielo lagremando, e può de brieve tuta rechomandarse crida, che ziaschun fose artento ad ascholtarla e, dise, che ai suò innemixi l'iera sta levado le forze con parole cridante e che a loro ingelexi queli i feri e perse la dita bastia, su la qual iera ingelexi vjc, con le man suò, che i pareva eser prexi e morti, ala qual scharamusia de morise x franceschi, e retornadi dentro se reposava i tuti.
  E la zuoba dy, che fo l'Asension, dixese, insese de fuora, e in quelo ziorno fo la a sovra a veder lor dele dite bastie, che iera viiij, che nisuno non fo sy ardido de aprosemarse a lie per paura, ma ben li dixeva vilania, e lie umelmente li respondeva chi se devese levarse, e altramente ly faria tuti la mala fin.
  El venere dy, suxo la terza, insy la dita fuora con el stendardo so in man e, seguitada da tuti, vene a darli l'arsalto a una altra bastia, che iera la plu forte, e tuti avixa che'l ponte, che pasa la riviera, su la qual iera Clavis de l'engelexe con plu de VC, e in proceso de iiij. ore, desfidandose ingelexi con i franzeschi, posandose retirar l'ingelexi de là dal ponte, non se posando plu retrar, el ponte se ronpe e cadese in la riviera Clais capetanio chon plus de ccc, e tuti s'anega.
  Note, che la dita fo ferida de uno vereton in la gola, edixese quel ziorno la dise ai capetanij suò la seria ferida, ma che la non averave mal de pericholo; a so bontade di capetanij ingelexi se schontrono insenbre, e si se fè forti suxo una bastia dele plu forte, che se clama Londos, ala qual quel ziorno insy de fuora la dita donzela con la soa conpagnia, e in concluxion la l'ave per forza, e fonde morto el sire de Moliens so capetanio d'ingelexi, de che la damixela magina lo resto del canpo diingelexi abandonase tute le altre bastie, e andesene via plu cha de paso, e chusi fo levado l'asiedio da Horlens per la damixela dita, mediante Dio glorioxo.
  Avixandove, che tute le bonbarde e tante clave e altry apareclamenti in zenere aveva ingelexi, lasono per schanpar, e tute fose prexeper i franzeschi, e avemo coluy che scrive de Bertagna dixe che i sia andady al ducha de Bertagna, hover el fiol deveva andarde a scontrar la damixela con vc. bertoni, che iera retornadi in Bertagna, quel monsignor di Oriens se feria forte.

  Le infrascrite nuove infina qua son quele scrite de Borgogna, e anchora plu per altre vie simele, e anchora plu novelade e oldide de bocha de molti, da molte nacion, che viene chi da uno luogo e chi da l'altro, tute se concore costie far miracoli da puoy con el dolfino; io, per mie, como ho dito, la posanza de Dio eser granda, non so quelo me diga de qua a creder, e chi el contrario credi, ziaschaduno eser in so libertade, che l'uno ne l'altro non de dana, ma tanto è, che'l dofino ala ziornada va prosperando granmente, per muodo che le quaxio posibel acrederle a respeto de quelo ingelexi l'aveva reduto, como se vede ch'el non podeva pluy.
  A Paris, per l'anbasada del maistro de Sasidis è stado trovado de molte profecie, che se fa mencion de questa damixela, fra le qual è una de Beda in Alexandria che queli l'aquistase e intendese a uno muodo, e uno a l'altro; la dita dixe e trazele per queste :
 
5
Vis Comulcoli bis septem se sociabunt
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Galboniopuli bella nova parabunt
(    2
Ecce béant bella, fert vexila puella.
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1429


  Da può levado l'asiedio da Oriens, se retrase in uno castelo el conte de Sabort, e zionse in tera homeny viiijc, in el qual castelo, che se clama Zerzco, e circa a xv. de mazo la dita damixela con la giente in siando a meter l'asiedio, in choncluxion l'ave per forza con tuti prexi e morti, e romaxe prexo lo dito conte con uno so fameio e altry asay cavaliery, e morto uno altro so fameio, a questa vituoria e a xij. de zugno, lo so capetanio d'ingelexi con tuta la so posanza sy d'ingelexi e franceschi fo per eser ale man, e dixese i franceschi iera circha iiijM. a cavalo; avanti s'acomenzase a scontrare con ingelexi, e de prexente voltasey le spale senza far defexa, de che non fo may oldido dir, e dixese da può se ne trova la dita damixela con tuta la so conpagnia, e in concluxion non è schanpa dala parte diingelexi viijc. persone, e prexo el sire de Tabot, el sire de Schales e molty altry signori, si che prendene in puocho tenpo, la fexe espresisimy miracoli e infinity del dolfino.
  El regiente e intorno Paris e a mandado a Borgogna lo secora, e abie tuto se perde, per la qual caxion de vegnudo novela una granda anbasada per parte soa, como per parte de quela comunita, che secorso queli i voia dar, e cusi ne e in tuta Ingletera che proveda de quel riame.
  Fo dito, e chusy credo, monsignor de Borgogna mandera in questy do dy verso Paris con gran giente. E molte cose se raxiona, chi dixe per eser a l'incontro con el dolfin, e chi diga per tratar acordo tra lu e ingelexi; non so quelo me debia creder dela predita ziornada, al seguirlo saveremo meio.
  Io m'aveva desmentegà, e altro non n'ò a dirve, ma como se scrive de Ingletera per persone, homeny iijM. per andar in Franza, per plu de queli iera soldady del gardenal per andar incontra i Usi, che fi dito sera homeny circha vjM. in suma.
  Monsignor de Borgogna è andado a Paris, e là dixese per far acordo, e chi dixe per eser contra el dolfin, so parente; del seguir per tenpo se savera per altre vie.
  De lngletera a bocha per ingelexi, e altry se dixe, el ducha de Orleans, che xe stado in prixion zia any xviiij, eser schanpado e andado al re de Scocia, el qual re faxeva questa giente per retardar in Franza in favor del dolfino, con una soa sorela l'à maridada in el primogenito del ducha, e tiense questa novela ferma, ben che non de sia altre raxon, nè ancora letera alguna.
  Scrito fina qua, el fante a induxiado e eve letere da Londra da primo de zugno, che non fa mencion de questo, si che non può eser, ma conprendese ingelexi abia fato levar questa nuova per aver caxon con plu onesta in n'Engletera se creza el dito signor plu de quelo li ae, di qual i dity feva grandisima stima.
  De fermo se sente de Ingletera che tuta quela giente avera presto el gardenal per andar contra i Usy, e statin anchuoy è pasa in Franza, e anchor di i altry dixe che de fermo paserà viijM. ingelexi, che bem ve inprometo ano bexogno de pasar presto, e con posanza granda, per caxon se sente la donzela eser sy a canpo con plu de XXXVM., per conto, e ano asè di archi, per vie e pasy che su per la riviera, che son clamada la Careta, che abie claro che queli pora andar al so piaxer fina ale porte de Paris. Cristo proveza al bem di Cristiani.
  Bergogna è tre ziorni eser preso a Paris; chi sera spiera de veder, e chi del contrario chi serà del seguir de questo; e questo avemo da Broza fina a viiij. del mexe de luio MCCCCXXVIIIJ.


                               
                  



Source : Les textes originaux (en vert) sont ceux publiés par J.B.J Ayroles dans " La vraie Jeanne d'Arc" - tome III "La libératrice", p.567 et suivantes (ndlr : avec quelques petites corrections au vu du texte de Germain-Pontalis).
Les notes d'érudition sont celles de Germain Lefèvre-Pontalis, parues dans "Chronique d'Antonio Morosini", t.III (1898), p.66 et suivantes, accompagnées de la traduction de Léon Dorez. Toutes les assertions sont référencées mais les références ne sont pas toujours mentionnées pour plus de clarté.

Extraits des notes de G.Lefèvre-Pontalis :
1 Longue lettre en date du 9 juillet 1429, avec des additions d'une époque qui semble postérieure, lettre contenant elle-même l'analyse de lettres de Bretagne du 4 juin, et reçue à Venise le 2 août; lettre très vraisemblablement écrite de Bruges par Pancrazio Giustiniani à son père, Marco Giustiniani, et, en ce cas, troisième du même au même.
Cette lettre, en sa plus grande partie, présente une récapitulation des faits déjà énoncés dans les précédentes missives, émanées, soit de Pancrazio Giustiniani, soit des autres correspondants. Cette fois, les faits relatifs à l'action de Jeanne d'Arc, repris dès l'origine et non pas seulement annoncés un à un, sont classés chronologiquement et donnent lieu à un récit plus circonstancié. — A la fin de la lettre seulement seront mentionnés des événements postérieurs aux derniers faits annoncés dans les lettres précédentes.

2 La source bretonne de ces renseignements, qui remplissent toute la première des trois parties de cette lettre, est à relever. Des lettres de Bretagne, en date du 4 juin, donnant des nouvelles des plus circonstanciées sur les événements de France, arrivent ainsi à Bruges de façon à être analysées dans cette correspondance en date du 9 juillet.
  Le duc de Bretagne est alors Jean V (1399-1442). Maintenu dans une bienveillante neutralité envers Charles VII depuis l'ouverture de la guerre anglaise, et, malgré le traité de Troyes, s'étant à diverses reprises entremis, de concert avec le duc de Savoie, pour la négociation des trêves partielles conclues depuis 1424 entre le duc de Bourgogne et le roi, il a même déclaré ouvertement une courte guerre à l'Angleterre, de janvier 1426 à mai 1427. Depuis, il a fait sa paix avec le gouvernement anglais, en septembre 1427, et a repris sa neutralité sans esprit d'hostilité manifeste envers la France. — Arthur de Bretagne, son frère, comte titulaire de Richemond en Angleterre, connétable de France depuis 1425, naguère tout-puissant conseiller de Charles VII, de 1425 à 1427, est alors éloigné de la cour française, où l'a supplanté, en 1427, le nouveau favori royal, titré de la charge de grand chambellan, le néfaste et malfaisant Georges de laTrémoïlle. Arthur de Bretagne ne reparaît à portée des événements que pour quelques jours seulement, depuis le siège de Beaugency, dans la journée du 17 juin, jusqu'après la victoire de Patay, instant où il reçoit l'ordre de quitter le théâtre de la guerre.
  Mais, en ce moment même, un grand feudataire breton, que cette lettre même va tout à l'heure mentionner en propres termes, Gilles de Montmorency-Laval, sire de Retz, — l'effrayant Gilles de Retz de la légende populaire, — figure en ce moment à la cour et dans les armées royales, où il tient son rang avec une vaillance indéniable, qui va le faire créer maréchal de France, le propre jour du sacre de Reims. Gilles de Retz se trouvait auprès de Charles VII, sinon lors de l'arrivée même de la Pucelle, au moins dès les premiers temps de son séjour à la cour et dès les préparatifs de l'entreprise d'Orléans. (Sur ce point, voir plus loin, même lettre.) De l'accord commun des textes, il était présent à Blois lors des préparatifs de la délivrance d'Orléans, faisait partie des entreprises du 29 avril et du 4 mai, puis devait suivre la Pucelle dans la campagne de la Loire et dans celle du Sacre jusqu'au retour en Berry. Un passage ultérieur de cette même lettre fera voir que Gilles de Retz renseignait le duc de Bretagne sur les événements de France, et attira d'autres feudataires bretons auprès de Charles VII. Quant au duc de Bretagne, il est établi qu'il expédia à la Pucelle, après la délivrance d'Orléans, dans le cours de mai, une mission en forme, composée de frère Yves Milbeau, son confesseur, et du héraut Hermine, héraut de Bretagne. La suite de cette même lettre donne lieu à examiner ses négociations suivantes avec la cour de France.

3 Vers ce moment, vers l'arrivée des nouvelles de Patay, le pays breton de l'embouchure de la Loire, avoisinant justement les domaines de Gilles de Retz, était sous le coup d'une émotion singulière, causée par l'apparition dans le ciel de cavaliers fantastiques, armés de toutes pièces, au galop dans les airs, au milieu de flammes, terrifiante chevauchée s'avançant de la mer par le Bas-Poitou ; le pays breton, bouleversé, voyait dans ce prodige un avertissement d'en haut adressé au duc de Bretagne, en raison de son pacte récent avec l'ennemi national. — C'est en Bretagne également que paraît s'être conservé le seul texte de ces oraisons pour la victoire de la Pucelle, oraisons que le tribunal de Rouen devait invoquer comme chef d'accusation. Au Breton « A. de Kaerrymell », vers cette époque, était due la transcription de ces documents, avec nombre d'autres intéressant la Pucelle. — Enfin, on sait que la Bretagne devait envoyer, pour joindre la Pucelle, deux femmes dévouées à son œuvre, qu'on trouve auprès de Jeanne d'Arc au retour de la campagne du sacre, pendant l'hiver de 1429, qui furent ensuite prises à Corbeil par les Anglo-Bourguignons, vers mars 1430, et dont l'une, Pierronne, de la Bretagne bretonnante, fut brûlée à Paris le 3 septembre 1430.

4 Première indication, dans ces correspondances, de l'âge de la Pucelle, ici porté à dix-huit ans environ. La question de sa date de naissance a lieu d'être sérieusement discutée. La date de 1412, qu'on adopte généralement, repose sur le témoignage de Jeanne d'Arc elle-même, qui, dans son interrogatoire du 21 février 1431, se donne « dix-neuf ans ou environ, à ce qu'elle croit ». — « Respondit quod, prout sibi videtur, est quasi xix annorum. » Quant au jour du 6 janvier, il repose sur une assertion contenue dans un seul texte, la lettre de Perceval de Boulainvilliers, déjà souvent citée, qui parle de la naissance de Jeanne comme survenue la nuit de l'Epiphanie, mêlant à cette indication des récits d'allure fabuleuse, dont le voisinage ôte au renseignement presque toute sa portée. — La difficulté d'accorder ce dire de Jeanne d'Arc elle-même, fixant ainsi sa naissance à 1412, avec les indications de l'âge auquel, également d'après ses dires, remonteraient les premiers appels de ses voix, représente un problème presque inextricable. — Il faut reconnaître que la plupart des textes, ainsi que ce présent document, attribuent à la Pucelle, au moment de son arrivée à Chinon près du roi, l'âge de dix-huit ans environ, ce qui tendrait à reculer sa naissance, au moins, aux premières semaines de 1411. Sans entrer ici dans aucun développement à cet égard, tout ce que la critique peut affirmer, en tenant compte des interprétations extrêmes suggérées par l'examen des textes, c'est que sa naissance ne paraît pas antérieure à 1410 ni postérieure à 1412.

5 « E iera begina. » — Faut-il prendre ce terme dans le sens de « béguine » ? Cette assertion, si elle devait être admise au pied de la lettre, serait appelée à réveiller de nouvelles discussions sur les pratiques, réelles ou amplifiées, de la dévotion de Jeanne d'Arc. « C'est le seul texte », remarque justement le P. Ayroles, « dont on pourrait induire qu'elle appartenait à quelque Confraternité ou Tiers Ordre ». — Les premières confraternités masculines et féminines, connues sous le nom de Bégards et de Béguines, organisant une vie en communauté, sans vœux monastiques, associations qui semblent fondées dès la fin du XIIe siècle, avaient été absorbées au xme par les tiers ordres de Saint-François et de Saint-Dominique. Dès lors, ces noms de Bégards ou de Béguines s'étaient trouvés appliqués aux membres des tiers ordres, soit adoptant la vie en communauté, sans vœux monastiques, soit; continuant à vivre individuellement dans le monde. Les tendances hérésiarques, qui se manifestèrent plus tard dans certains de ces groupements, avaient, depuis, quelque peu disqualifié la désignation de Bégards, terme sous lequel ces dissidents étaient généralement classés. Néanmoins, au xve siècle, des communautés orthodoxes de Béguines subsistaient, à côté des Béguines libres aussi désignées par ce nom. — A cette époque, ce terme de « béguine » peut donc s'entendre d'une personne soumise à l'observance d'un tiers ordre, principalement franciscain, soit vivant en communauté, sans vœux, sous une certaine règle toutefois, soit vivant individuellement dans le monde. C'est évidemment à ce dernier état qu'il faut appliquer le sens de cette expression de Pancrazio Giustiniani. De ce que cette lettre est écrite de Bruges, le centre classique des Béguinages perpétués jusqu'à nos jours, il ne faudrait pas croire que l'auteur de cette lettre entendît faire de la fille de Jacques d'Arc une béguine semi-cloîtrée. Affiliée à une confrérie, entend-il simplement dire, et, très probablement, affiliée au tiers ordre de Saint-François. — En tout cas, le simple fait qu'un tel bruit pût courir alors les foules, et se trouver enregistré ainsi, sous une forme aussi sérieuse, dans une lettre qui porte d'un bout à l'autre l'empreinte de l'esprit le plus sage et le plus pondéré, viendrait corroborer avec une force singulière les inductions, aussi neuves qu'ingénieuses, émises par Siméon Luce sur les origines de la vocation de Jeanne d'Arc et sur les traces de ses pratiques de dévotion franciscaine.

6 La discussion relative à la date du voyage de Jeanne d'Arc, de Vaucouleurs à Chinon, à la fin de février ou au commencement de mars, a déjà été établie. Il faut noter ici avec grand soin que ce passage tend à fortifier l'hypothèse de mars, malgré la méprise de cette lettre, qui fait inscrire à cette date de mars le départ de Vaucouleurs et non l'arrivée à Chinon.
Ndlr : voir à ce sujet, l'article de Pierre Boissonade.

7 Cette allusion aux rapports de Jeanne avec ses parents est à rapprocher d'une des assertions de Jeanne elle-même, où elle affirme leur avoir écrit après son départ de Domremy et avoir obtenu leur pardon.

8 Il est établi que Jeanne d'Arc est accompagnée, depuis Vaucouleurs jusqu'à Chinon, par une petite escorte de six cavaliers, conduite par Bertrand de Poulangy et Jean de Nouillompont, dit Jean de Metz, « deux gentilshommes du pays de Champaigne », dit la Chronique de la Pucelle. Chacun d'eux emmenait son servant, Julien, pour Bertrand de Poulangy, et, pour Jean de Metz, Jean Coulon, dit d'Oncourt, dit de Dieulouard. Deux autres compagnons, Colet de Vienne, qualifié de messager royal, et Richard, simple archer, complétaient l'escorte. — On a beaucoup discuté sur la qualité de Bertrand de Poulangy et de Jean de Nouillompont. — Sans entrer en rien dans ces débats, voici ce que l'examen des seuls textes acquis permet d'établir. Bertrand de Poulangy, en 1425, portait le titre de noble homme, par lequel il est encore uniquement qualifié en 1456, dans sa déposition lors de l'enquête instituée à Domremy pour le procès de réhabilitation. En parlant de lui, Jeanne d'Arc, dans un de ses interrogatoires, le qualifie de chevalier. Jean de Metz, entre 1425 et le début de 1429, ne paraît porter aucune qualité nobiliaire ; en 1449 seulement, il reçoit des lettres d'anoblissement. Toutefois, on le trouve qualifié d'écuyer dans un article de compte royal ordonnançant ses dépenses à Chinon et portant la date du 21 avril 1429, et Jeanne d'Arc, parlant de lui, le qualifie aussi d'écuyer.

9 Ce passage, où va être défini ce qu'on a appelé l'étendue de la mission de Jeanne d'Arc, offre lui-même un intérêt des plus caractéristiques. — Il ne peut être question de résumer ici la discussion longtemps ouverte, et régnante encore en certains milieux, entre l'opinion qui veut limiter les desseins de la Pucelle à la délivrance d'Orléans et au sacre de Reims, et celle qui veut étendre ses vues jusqu'à l'expulsion totale des Anglais de France. — Qu'il suffise de faire observer que ce passage, en raison du caractère strictement contemporain offert par sa rédaction, peut apporter un appoint spécial à la solution de la question, sur laquelle, actuellement, s'opère d'ailleurs, de plus en plus, un accord presque universel, dans le sens, acquis désormais, de la plus haute interprétation de l'œuvre de la Pucelle, la seule digne d'elle et de l'appel de ses voix, la libération totale de la terre de France.

10 Ce quadruple objet de la mission de la Pucelle (ci-dessus, lettre en date du 30 juin 1429), consistant dans trois desseins essentiels, levée du siège d'Orléans, sacre du roi à Reims, libération totale de la France suivie de la paix avec l'Angleterre, et dans un dernier point complémentaire, à savoir la délivrance du duc d'Orléans, même au prix d'une descente en Angleterre, ce quadruple objet ici présenté comme revendiqué par Jeanne d'Arc elle-même, sitôt son arrivée près du roi, n'est que strictement conforme aux propres dires de Jeanne. Toute discussion sur ce sujet dépasserait singulièrement le cadre de ce commentaire.

11 Première allusion réellement reconnaissable au signe célèbre, communiqué par Jeanne d'Arc à Charles VII (cf. ci-dessus, p. 46, n. 1), dans la scène où elle révéla au roi les doutes qui le hantaient au sujet de la légitimité de sa naissance. C'est le secret fameux lié entre elle et le roi, secret dont les chroniques contemporaines constatent simplement l'existence, sans rien en dire, sujet sur lequel certaines dépositions au procès de réhabilitation ont été longtemps seules à offrir quelque indication compréhensible, jusqu'à ce que le témoignage du sire de Boisy, révélé et présenté par Pierre Sala au début du siècle suivant, en 1516, ait permis d'en mesurer toute la poignante portée.

12 Allusion à l'enquête préalable et aux premiers examens organisés à Chinon, soit dès avant, soit seulement après la réception de la Pucelle par le roi, enquête à laquelle il a déjà été fait allusion dans le commentaire de la première lettre de Pancrazio Giustiniani.

13 Allusion à la grande enquête instituée à Poitiers après la réception de la Pucelle par le roi à Chinon, enquête dont Pancrazio Giustiniani a déjà parlé dans sa première lettre. La durée d'un mois, que cette lettre assigne ici à l'enquête de Poitiers, est quelque peu supérieure au délai de trois semaines qu'on lui attribue généralement d'après un témoignage reçu au procès de réhabilitation.

14 Résumé succinct mais exact de la consultation émanée de la commission de Poitiers. Le texte, innapréciable, des délibérations de cette assemblée est perdu, comme on sait, et avait déjà disparu dès le début de 1431, dès l'ouverture du procès de Rouen, où il ne put être représenté — croire que la destruction intentionnelle en avait été opérée par les précautions intéressées du chancelier Regnault de Chartres, archevêque de Reims, l'un des principaux examinateurs, sinon président de la commission de Poitiers, dont la vanité politique put craindre un instant de se trouver compromise par la révélation du crédit dont il avait alors couvert les premiers débuts de Jeanne d'Arc. — Quant aux conclusions émises par la commission de Poitiers, elles ont été préservées, sinon dans leur forme intégrale, au moins dans un résumé qui subsiste. Le texte en a été retrouvé, d'après une provenance bretonne, et publié en 1827 par Buchon. Un autre spécimen en a été retrouvé dans le Registre Delphinal de Mathieu Thomassin, et publié en 1838 par Buchon. Le texte s'en reconnaît à peu de chose près dans la Chronique de Tournai, Ce résumé semble ainsi avoir été assez répandu. Il fut certainement transmis en Allemagne, où Eberhart Windecke le recueille dans sa Chronique. Les sources où Buchon a effectué sa découverte démontrent qu'il courut également en Bretagne et en Dauphiné. Il est intéressant de constater que l'analyse sommaire qui en est ici donnée provient également d'une source bretonne.

15 Ce passage de cette lettre de Pancrazio Giustiniani, analysant, comme on l'a vu, des correspondances d'origine bretonne, est le seul texte jusqu'ici connu qui fasse mention de cette épreuve singulière, dont la mention constitue une allégation entièrement nouvelle méritant d'être retenue. Si une telle expérience eût été réellement opérée, nul doute que la mauvaise foi des juges de Rouen n'eût immédiatement invoqué le fait comme charge accablante. Mais qu'un tel bruit pût alors courir les foules, dans une forme aussi sérieuse que celle où il est transmis ici, la constatation de ce fait est aussi intéressante que propre à démontrer l'étendue du pouvoir surnaturel, immédiatement prêté à la Pucelle par le meilleur et le plus profond du sentiment populaire.

16 Cette assertion ajoute un témoignage de plus à tous ceux déjà existants sur ce côté de la vie de la Pucelle : « Parcè come-dit, parciùs vinum sumit », écrivait le 21 juin Perceval de Boulainvilliers au duc de Milan. — « De sobrietate a nullo vivente superabatur », dépose Dunois. « Et ne buvoit et ne mangeoit comme rien », dit le Greffier de la Rochelle. Le 7 mai, après la prise des Tourelles, tard dans la soirée, rentrée enfin dans Orléans, selon sa promesse, par le pont de Loire, après l'effrayant combat de douze heures, Jeanne, épuisée, blessée, l'épaule trouée de part en part par un carreau d'arbalète, prend quelques aliments, les seuls depuis le premier matin; elle trempe quatre ou cinq tranches de pain dans une tasse d'eau et de vin : « Quatuor vel quinque vipas in vino mixto cum multâ aquâ. »

17 Assertion sur les habitudes de fréquente dévotion de la Pucelle, confirmée dans son sens général par nombre de témoignages concordants. « Quasi quotidiè confitebatur et commu-nicabat fréquenter », dit Jean Pasquerel, son propre aumônier, attaché à sa personne depuis la fin d'avril, pendant le séjour de Jeanne d'Arc à Tours, immédiatement avant la concentration de Blois, et demeuré auprès d'elle jusqu'au jour de sa prise devant Compiègne. — « Quæ sæpissime confitebatur de duobus diebus in duos dies, et etiam qualibet septimana recipiebat sacramentum Eucharistie. » — « Elle se fasoit à confesser chacun jour et recevoit Corpus Domini », dit le Greffier de la Rochelle. — « Encore avoit-elle telle coustume que, ung chascun jour devant qu'elle montoit à cheval, elle oyoit II ou III messes, et se confessoit, et recevoit chascune sepmaine Nostre-Seignour Jésus-Crist », dit le doyen de Saint-Thiébaud de Metz.

18 Expressions presque conformes à celles qu'emploie, pour le même fait, le Journal du siège, à l'occasion de l'entreprise de la délivrance d'Orléans. — On peut également, sur ce point, se référer au témoignage d'André Bordes, chanoine de Saint-Aignan d'Orléans, de Simon Beaucroix et, en général, à celui de Jean Pasquerel.

19 Cette mention relative au bon ordre immédiatement imposé par Jeanne d'Arc dans les rangs de l'armée royale est singulièrement confirmée par le témoignage de Simon Beaucroix, dont l'observation remonte certainement au temps de l'entreprise d'Orléans, seule campagne où il assure avoir été participant. « In exercitu nunquam voluisset quod aliqui de sua societate depraedarent aliquid ; nam de victualibus quae sciebat deprædata nunquam volebat comedere. »

20 Cette mention présente un curieux rapport avec un passage d'Eberhart Windecke, chroniqueur avec lequel, une fois de plus, ces correspondances de Bruges se retrouvent en conformité. Ces deux demandes, adressées par la Pucelle au roi, à savoir une amnistie et une paix générales, se retrouvent déjà, en effet, parmi les trois requêtes que le chroniqueur allemand relate comme formulées par Jeanne d'Arc à Charles VII, lors de son arrivée à la cour de Chinon, la troisième, non mentionnée ici par cette correspondance, étant l'offre du royaume de France en hommage à Dieu. Scène célèbre dont le témoignage du duc d'Alençon permet de préciser relativement l'époque. Ce témoignage parle, en effet, de plusieurs requêtes adressées au roi par la Pucelle. De ces requêtes, il ne cite qu'une seule, celle de l'offre du royaume à Dieu, indication suffisante néanmoins pour reconnaître que cette scène des demandes, qu'il relate, est bien la même que celle dont Eberhart Windecke et Pancrazio Giustiniani font de leur côté mention. Or, cette scène des demandes, le duc d'Alençon la place le lendemain du jour où, sur l'appel de Charles VII, il arriva lui-même à Chinon, et l'encadre, dans le récit, d'un long entretien privé entre le roi, la Pucelle, le duc en personne et Georges de la Trémoïlle, entretien qui dure depuis la sortie de la messe du roi jusqu'à l'heure du dîner. Le jour de l'arrivée du duc d'Alençon à Chinon, où il trouve Jeanne d'Arc installée et en tête à tête avec le roi, est lui-même postérieur à la première entrevue de Jeanne et de Charles VII, où la Pucelle avait reconnu le roi dans les conditions que l'on sait.

21 Gilles de Retz est ici nettement présenté comme étant parti de Bretagne pour joindre le roi, aussitôt que le bruit de l'arrivée de Jeanne d'Arc à Chinon eut commencé à se répandre dans le pays breton. Une des dernières mentions que les documents courants fournissent à son sujet le montre, à la fin de 1427, guerroyant dans le Bas-Maine, et présent au siège du Lude. On le retrouve auprès de Charles VII, sinon à Chinon, lors de l'arrivée de la Pucelle, au moins lors des premiers temps du séjour de Jeanne d'Arc à la cour et des apprêts de l'entreprise d'Orléans. — L'existence des lettres, indiquées ici comme adressées par Gilles de Retz au duc de Bretagne, est à relever. Faut-il croire que ces lettres de Gilles de Retz représentent la source des renseignements expédiés de Bretagne à Bruges, à la date du 4 juin, et dont la présente lettre de Pancrazio Giustiniani, comme on l'a vu, ne fait que donner l'analyse ?

22 Ces renseignements provenant de lettres écrites de Bretagne le 4 juin, il ne peut s'agir de la coopération de Richemont, frère du duc, et des Bretons de sa suite, coopération qui ne se prononce qu'à partir de la mi-juin, pour se constater effectivement le 17, au siège de Beaugency. Cette coopération, du reste, ne pourrait être mentionnée ici que par extension assez large, Richeraont ne résidant alors nullement en Bretagne, mais bien en Poitou, à Parthenay, seigneurie dont il venait de prendre possession à la fin de 1427. — Parmi les féodaux bretons attirés par les lettres de Gilles de Retz, auxquels ce passage peut faire allusion, peut-être peut-on citer Tugdual le Bourgeois, sire de Kermoisan, et le bâtard de Beaumanoir, qu'on trouve présents à Blois à la fin d'avril, lors des préparatifs de la délivrance d'Orléans, spécialement sous les ordres de Gilles de Retz. Tugdual de Kermoisan figure ensuite à la prise de Jargeau et dans la campagne du Sacre.

23 L'armure de Jeanne d'Arc paraît lui avoir été fournie à la fin d'avril, pendant son séjour à Tours, juste avant la concentration opérée à Blois pour la délivrance d'Orléans. D'autres textes, moins précis cependant, semblent placer le fait pendant son séjour à Poitiers, après la clôture de l'enquête. (Greffier de la Rochelle, Journal du siège, entre 17 et 18 février, Chron, de la Pucelle) Cet équipement coûta 100 livres tournois.

24 Tous les textes sont unanimes à mentionner l'extraordinaire et immédiate adaptation de Jeanne d'Arc au cheval, aux armes, et à tout l'entraînement physique de la vie de guerre, aptitudes remarquables et exceptionnelles constatées avec étonnement par tous les témoignages. A ce point de vue, il faudrait citer ici toutes les chroniques ou tous les textes parlant de la Pucelle. On se bornera à signaler les témoignages dont la date authentique se rapporte aux premières impressions qu'en reçurent les contemporains. Ainsi, sitôt son arrivée à Chinon, peu après la première entrevue où elle avait reconnu Charles VII, le jour même de la scène fameuse des requêtes au roi, lendemain de l'arrivée du duc d'Alençon à la cour, après la longue matinée tout entière consacrée à l'entretien dont il a été parlé, le duc d'Alençon, dans l'après-midi, la vit courir une lance dans la prairie de Chinon, au bord de la Vienne, avec tant de grâce et de vigueur, que, tout émerveillé, il lui fit sur-le-champ cadeau d'un cheval.(Déposition du Duc d'Alençon) Le 22 avril, de Lyon, le sire de Rotselaer, dans sa lettre au conseil de Brabant déjà souvent citée, la décrivait en ces termes d'après les nouvelles qu'il recevait de la cour : « Quæ quidem Puella quotidie equitat armata cum lan-cea in pugno, sicut alii homines armorum juxta regem existentes. » Et le Greffier de la Rochelle : « Et couroit la lance aussy bien et mieux qu'homme d'armes qui y fust, et chevauchoit les coursiers noirs, de tels et si malicieux qu'il n'estoit nul qui bonnement les osast chevaucher. » Et le rédacteur de la Chronique anonyme dite des Cordeliers : « Elle faisoit merveille d'armes de son corps et manyoit ung bourdon de lance très puissamment et s'en aidoit raddement, comme on veoit journellement. ».

25 Il s'agit ici de la célèbre épée dite de Sainte-Catherine de Fierbois, dont la découverte frappa si vivement les imaginations contemporaines. Le pèlerinage de Sainte-Catherine de Fierbois, en Touraine, entre Loches et Chinon, remis en honneur et en vogue à la fin du siècle précédent, était alors spécialement fréquenté par les gens de guerre. Ce pèlerinage avait été, comme il est établi, la dernière étape de Jeanne d'Arc, dans son voyage de Vaucouleurs à Chinon. Plus tard, soit de Poitiers, soit de Chinon, lors de son second et court séjour, soit même de Tours, elle y envoya chercher une épée dont elle décrivait exactement l'aspect et la position par rapport à l'autel. Episode sur lequel la relation du Greffier de la Rochelle, en ce qui concerne la position assignée à cette relique, fournit le plus de détails circonstanciés. La singulière Chronique de Lorraine fait chercher et trouver l'épée à Notre-Dame de Chartres. — Quant aux signes qui marquaient cette arme historique, ce n'est pas neuf, comme il est dit ici, mais cinq croix qu'elle portait.

26 A cette date, en effet, l'épée miraculeuse de Sainte-Catherine de Fierbois était la seule dont se servit Jeanne d'Arc. — Elle lui avait fait faire immédiatement trois fourreaux, l'un de velours rouge, l'autre de drap d'or, le troisième, plus solide, en cuir. Attachant à sa possession un prix tout particulier, elle devait la conserver, de préférence à toute autre, jusqu'à la rupture de l'arme, qui devait se briser entre ses mains au cours de la campagne du Sacre, dans des circonstances dont on voit la légende s'emparer de suite, et qui demeurent assez obscures.

27 L'étendard, dont la description est ici donnée, est le célèbre étendard de la Pucelle, l'insigne personnel, qu'elle préférait, à son propre dire, quarante fois plus que son épée de Sainte-Catherine de Fierbois. Emblème de mission supérieure, toujours porté par elle en main, dont elle justifia la présence au sacre de Reims par les paroles célèbres dont le sens est dans toutes les mémoires : « Il avoit esté à la paine, c'estoit bien raison qu'il fut à l'onneur. » — Cet étendard avait été fait à Tours, avant la concentration de Blois. Jeanne d'Arc n'en eut jamais d'autre. Elle le portait encore lorsqu'elle fut prise à Compiègne. Il faut noter que la description de la face de l'étendard, ici donnée, et qui émane évidemment d'un témoin oculaire, est la plus complète et la plus précise qui existe, en ce sens qu'elle est seule à réunir exactement tous les traits divers épars dans les différents textes. (Sur les documents concernant l'étendard de la Pucelle, Wallon, Hist. de Jeanne d'Arc, t.1, App. XV. Sur son sens religieux, P. Ayroles, la Vraie Jeanne d'Arc, t. IV). II est à remarquer, dans cette description précise ici donnée, que la figure centrale, tenant en main le monde, est, non pas un Dieu, comme semblent le dire certains textes, mais bien un Christ, assertion concordante avec le dire même de Jeanne d'Arc. (Interr. du 17 mars, min. franç.) le terme « Deus » de la rédaction latine est traduit à plusieurs reprises par « Nostre-Seigneur », A remarquer aussi le geste de l'autre main du Christ, celle qui ne tient pas le monde, geste que cette description est seule, semble-t-il, à indiquer. Un seul détail paraît manquer ici, à savoir l'inscription des mots symboliques « Jhesus Maria, » portés sur les côtés de l'étendard, au dire de nombreux textes, et selon la propre assertion de Jeanne d'Arc. Il n'est rien dit de la description du revers, cependant enluminé aussi, à ce qu'il semble.

28 Tout ce qui suit, dans cet alinéa et le suivant, depuis la mention des préparatifs du ravitaillement d'Orléans jusqu'à celle de l'évacuation d'Orléans, est assez confusément présenté. Pour le convoi des 28-29 avril, dirigé de Blois vers Orléans par la rive de Sologne, convoi qui parut devant Orléans avec Jeanne d'Arc, de l'autre côté de la Loire, et rentra à Blois pour chercher un pont, les forces françaises paraissent avoir compté 10.000 à 12.000 hommes. Pour le convoi des 3-4 mai, dirigé par la Beauce, l'armée était trois fois moins forte.

29 Allusion aux sommations adressées par Jeanne d'Arc, à trois reprises, en effet, aux chefs de l'armée anglaise d'Orléans, non pas tout à fait dans les conditions ici mentionnées, avant le départ de Blois, mais en réalité, dans des circonstances quelque peu différentes, ainsi qu'il est établi, à savoir une seule fois de Blois, et les deux autres d'Orléans même, d'abord au lendemain de l'entrée, le 30 avril, puis le 5 mai, à la veille de l'attaque des ouvrages de la rive de Sologne. Sommations consistant dans l'envoi répété aux commandants anglais, par divers modes, de la lettre bien connue, à eux écrite par Jeanne d'Arc, en date du 22 mars, déjà citée plus d'une fois dans ce commentaire. Des hérauts d'armes, les deux premières fois, portèrent le message, et, retenus par les Anglais, ne furent libérés qu'à grand'peine et sous menace de représailles. La troisième fois, la lettre, ou plutôt sa teneur abrégée, attachée par Jeanne d'Arc elle-même à une flèche que lança un archer, tomba ainsi dans les rangs anglais.

30 Réminiscence, exacte au fond, de l'injonction adressée par Jeanne d'Arc, dans cette célèbre lettre, au roi d'Angleterre Henry VI, au duc de Bedford, régent de France, et aux trois commandants anglais destinataires de sa lettre, Suffolk, Talbot, Scales.

31 Expressions exactement rapportées par le Journal du siège. — « L'appellant ribaulde, vachère, la menaschant [comme sorcière] de la faire brûler », à la réception de la lettre expédiée de Blois. (Journal du siège, fait placé [à tort] entre 22 et 24 mars.) — Mêmes termes, à la sommation par hérauts opérée d'Orléans, le 30 avril. (Ibid., 30 avril.) — « Assunt nova de la putain des Armignacz », à l'envoi de la lettre attachée à une flèche, lancée le 5 mai. (Dépos. de Jean Pasquerel, Bourgeois de Paris)

32 Les forces anglaises ne comptaient que 5.000 hommes au plus.

33 Il s'agit ici évidemment, par une confusion des deux opérations en une seule, non de l'entrée personnelle de Jeanne d'Arc à Orléans, le 29 avril, mais de l'entrée du convoi du 4 mai, au-devant duquel Jeanne d'Arc, déjà dans Orléans depuis cinq jours, prononça une sortie, pour ramener dans la place l'armée de secours, en passant au flanc des lignes anglaises. — Le fait, exactement noté ici, que les Anglais laissèrent passer le convoi sans combat, et qu'aucun d'eux ne sortit des bastilles, fait qui semble avoir été prévu par la Pucelle en personne, dès l'enquête de Poitiers (Chron. de la Pucelle, ch. xlv, V. de Viriville, Notice, p. 48-51), paraît avoir vivement frappé les contemporains. (Journal du siège, 4 mai ; cf. Chron. de la Pucelle, ch. xlv. ; Dépos. de Jean Pasquerel, de Jean d'Aulon) La bastille, au long de laquelle le convoi paraît avoir vraisemblablement passé, est celle de la porte Saint-Paterne, bastille dite Paris, la dernière, vers le nord, de la ligne continue d'investissement : entre elle et celle de Saint-Loup, celle-ci située sur la rive de la Loire, en amont d'Orléans, existait, malgré toutes les théories contraires qui ont pu être émises, un vide équivalent au quart du périmètre du blocus. — Sur cette bastille longée par le convoi du 4 mai, Wallon, Hist. de Jeanne d'Arc, t. I, App. XX.

34 Aucun autre texte contemporain ne paraît mentionner que les Anglais aient canonné le convoi de leurs bastilles, ou bien, à ce moment du moins, aient interpellé la Pucelle.

35 Ce qui suit est le récit de la prise de la bastille de Saint-Loup, qui a lieu effectivement, ainsi que le dit cette correspondance, le mercredi 4 mai, veille de l'Ascension.

36 Faut-il admettre que, dans cette relation de la prise de Saint-Loup, le mercredi 4 mai, soient intercalés des traits appartenant en réalité au récit de la prise des ouvrages des Tourelles, le samedi 7 mai, récit qui va cependant venir tout à l'heure, sous la date inexacte du vendredi 5, il est vrai, mais nettement reconnaissable et distingué de la mention de l'affaire de Saint-Loup ? (Sur cette observation, voir P. Ayroles, la Vraie Jeanne d'Arc, t. III, p. 591.) Il faudrait alors reconnaître, dans cette relation ainsi transposée de l'attaque de Saint-Loup, certains détails précieux sur les phases de l'assaut du boulevard des Tourelles. — Le chiffre de 600 Anglais paraît bien se rapporter à la garnison des Tourelles (p. 32, n. 1), la garnison de Saint-Loup ne montant guère qu'à 150 hommes environ (p. 34, n. 7). — Le chiffre de 10 morts du côté des Français peut se rapporter à l'affaire des Tourelles comme à celle de Saint-Loup. Dans ces deux journées, des témoignages contemporains ont conservé trace de l'étonnement que causa la faible proportion des pertes. A l'affaire de Saint-Loup, la lettre de Charles VII aux habitants de Narbonne, en date du 10 mai, n'accuse que deux morts. A l'affaire des Tourelles, Eberhart Windecke n'en signale que cinq, la Chronique de Tournai, cinq aussi, plus quelques blessés. Comparer avec les pertes à Patay, lettre en date du 30 juin.

37 Ce qui suit, jusqu'à la fin de l'alinéa, est la relation, assez confuse, d'événements survenus le jeudi 5 mai, jour de l'Ascension, mêlée au récit d'autres survenus dès le 2, et au récit d'autres qui ne surviennent que le vendredi 6.

38 Sur le nombre des bastilles anglaises autour d'Orléans, voir ci-dessus, lettre en date du 10 mai. Les renseignements ici présentés, semblant provenir de Bretagne, n'en mentionnent, après la prise d'une d'elles, comptée pour un seul ouvrage, que 9 subsistantes, ce qui, dans cette hypothèse, n'en porterait le nombre qu'à 10 pour toute la ligne de blocus. La première lettre de Pancrazio Giustiniani, d'après des renseignements provenant de Bourgogne ou de Paris, en admettait 13 au total.

39 Il existe ici une confusion manifeste entre la sortie d'inspection qu'on sait avoir été opérée par la Pucelle, le lundi 2 mai, pour examiner les lignes anglaises (Journal du siège, 2 mai), et l'accueil injurieux que reçut, le jeudi 5, la lettre expédiée à la pointe d'une flèche. (Dépos. de Jean Pasquerel) Quant à la douceur opposée par Jeanne aux insultes anglaises, spécialement signalée ici, e lie umilmente respondeva, le fait est confirmé par la déposition de Pasquerel : « Ipsa Johanna incepit suspirare etflere cum abundantia lacrimarum, invocando regem cœlorum in suo juvamine. Il existe peut-être ici, en outre, une erreur matérielle de date, ce bruit d'une sortie opérée par la Pucelle, le jour même de l'Ascension, le jeudi 5 mai, ayant dû circuler en Flandre : la Chronique de Tournai, en effet, en contient trace, plaçant à cette date du jeudi 5 mai une action où il faut reconnaître la suite des diverses opérations qui marquent seulement, en réalité, la journée du lendemain, vendredi 6.

40 Cet alinéa contient la relation, mal datée, d'événements survenus en réalité le samedi 7 mai.

41 Il y a ici erreur manifeste de date, la relation de ce fait d'armes, ainsi émise sous la date du vendredi 6 mai, représentant le récit de la prise des ouvrages des Tourelles, opération effectuée le lendemain samedi 7, action décisive du siège, dont les circonstances principales ont déjà été élucidées. Seule l'indication relative à l'heure du début du combat semble bien se rapporter à l'affaire du 6 : cette affaire, en effet, a débuté précisément à l'heure de tierce indiquée ici (à neuf heures du matin) : « Circà horam tertiam... transiverunt. » (Dépos. de Jean Pasquerel) Mais tout le reste, notamment l'indication relative à la force de la garnison, fixée ici à 500 hommes, et aux pertes anglaises évaluées à 300 morts, concerne l'action des Tourelles, le samedi 7 mai, ainsi, naturellement, que les circonstances exactes de la mort de Glasdall, rapportées ici même, et celles de la blessure de la Pucelle, qui vont l'être. — L'erreur de date est encore, comme dans le fait immédiatement précédent, en concordance avec la version de la Chronique de Tournai, qui place l'attaque des Tourelles au vendredi 6 mai.

42 Mention de la blessure effectivement reçue par Jeanne d'Arc à l'assaut du boulevard des Tourelles, le samedi 7 mai, fait que signalent tous les textes qui contiennent le récit de cette journée. La blessure fut, entre autres descriptions, — d'un traict entre l'espaule et la gorge, si avant qu'il passoit oultre » (Journal du siège, 6 [pour 7] mai) ; — « d'un coup de traict de gros garriau, par l'espaule tout oultre » (Chron. de la Pucelle, ch. xlviii). Elle était à droite. (Eberhart Windecke, Chron. de Tournai)

43 Mention de la prédiction de cette blessure par Jeanne d'Arc, fait effectivement établi. (Sur ce point et sur les diverses époques où cette prédiction se constate : Lettre du sire de Rotselaer, Procès, t. IV, p. 426); Dire de Jeanne d'Arc elle-même (Interr. du 27 février)... Un fait singulier, mais irréfutable, est que la prédiction de cet événement, survenu le 7 mai, se trouve enregistrée dans la lettre du sire de Rotselaer au conseil de Brabant, en date de Lyon, le 22 avril, lettre résumant des renseignements à lui expédiés de la cour française. « Quæ dixit... quod ipsa ante Aureliam in conflictu telo vulnerabitur, sed inde non morietur. »

44 La bastille baptisée par les Anglais du nom de Londres, désignée, d'après le lieu de son emplacement, sous les noms de bastille des Douze-Pierres ou de la Grange-Cuivret, barrant la route de Châteaudun. Elle datait de la mi-mars environ. (Journal du siège, 21 mars.) Chartier, à plusieurs reprises, l'appelle « la grant bastille ». Au témoignage de Chartier, c'est bien, en effet, dans cette bastille, comme l'indique ici cette correspondance, que les principaux chefs anglais avaient leur quartier général, établi dès le 5 mai et conservèrent position pour quelques heures après la prise des Tourelles.

45 Présentation inexacte, quant à la forme, de la levée du siège d'Orléans, qui a lieu en réalité le matin du dimanche 8 mai, sans combat. La version ici présentée fait opérer la levée complète du siège le soir même de l'affaire des Tourelles, — affaire datant du samedi 7, rapportée ici au vendredi 6, — et fait opérer cette levée de vive force, après une attaque générale contre les autres bastilles anglaises, notamment contre la bastille de Londres : récit où l'on reconnaît des incidents se rapportant en fait à l'affaire des Tourelles, tels que la mort de William Moleyns. Cette version de la levée du siège le soir même des Tourelles, par prise des autres bastilles, était déjà accréditée, moins la mention spéciale de la bastille de Londres, dans la première lettre de Pancrazio Giustiniani, en date de la mi-mai. — Le bruit mentionnant au moins le départ immédiat des Anglais, comme opéré dès le soir même de la prise des Tourelles, dut circuler avec une certaine extension, car on le trouve enregistré dans la lettre des agents allemands écrite sitôt après Patay, source déjà souvent citée, où ce départ est formellement indiqué comme s'étant effectué de nuit. (Procès, t. IV, p. 349.) Une fausse attaque sur la bastille de Londres avait été projetée, dans un conseil tenu à Orléans le 5 mai, mais n'avait eu aucune suite. (Chartier)

46 Mention exacte de l'abandon de tout le matériel de siège anglais, fait qui semble avoir vivement frappé les contemporains. (Voir la lettre en date du 10 mai.)

47 Il est curieux de voir ce voyage du comte de Montfort déjà annoncé par ces renseignements de Bretagne remontant au 4 juin. — On le trouve également annoncé dans la lettre de Jacques de Bourbon, écrite sitôt après Patay, laquelle adjoint même au jeune prince, comme compagnon, Richard de Bretagne, comte d'Etampes, son oncle, frère du duc de Bretagne et du connétable de Richemont, confondant peut-être le comte d'Étampes avec son simple héraut, dont la note précédente fait mention. — Quant au contingent breton que le bruit public prêtait au comte de Montfort l'intention d'amener avec lui, en soutien de la cause française, on retrouve cette rumeur consignée, une fois de plus, dans Eberhart Windecke, comme courant dès l'époque de la première ambassade, sitôt la délivrance d'Orléans. (Procès, t. IV, p. 497-498) — Il faut noter que Jacques de Bourbon, dans sa lettre écrite sitôt après Patay, signale l'arrivée, sur le champ de bataille même de Patay, après le combat, le 18 juin au soir, d'une force de 300 combattants nobles de Bretagne, qui se rangent sous les ordres du connétable, le connétable dont il a cependant distingué et précisé, dans un passage antérieur, l'arrivée sous Beaugency le 17, la participation au combat de Patay le 18, puis l'éloignement de l'armée par ordre royal. — Cette rumeur indiquant l'arrivée de forces bretonnes en France se trouvera encore exprimée et grossie dans une lettre suivante en date du 27 juillet. — En fait, ce voyage en France du comte de Montfort ne devait pas se réaliser. Bonne de Savoie devait mourir l'an suivant et le comte de Montfort épouser, en 1431, Yolande d'Anjou, sœur de la reine de France.

48 Cette seconde et avant-dernière partie de la lettre de Pan-crazio Giustiniani dérive, comme on voit, de sources toutes différentes de celles qui ont alimenté la première. Ce n'est plus de Bretagne, mais de Bourgogne et d'autres lieux que proviennent les renseignements que le rédacteur de cette correspondance va analyser.

49 Mention, assez singulièrement présentée, du siège et de la prise de Jargeau, sous la direction de la Pucelle, siège mis le 11, assaut donné le 12, fait de guerre dont tous les textes s'accordent à reconnaître le prodigieux effet moral. — Le comte de Suffolk, commandant de la place, est, effectivement, fait prisonnier pendant l'assaut, en plein combat, sur le pont menant de la ville à la rive de Beauce, par où il espérait encore effectuer sa retraite : son frère John Pole est pris avec lui, tandis que son autre frère, Alexander Pole, était tué sur le pont ou se noyait dans la Loire. — Le chiffre de 900 hommes, attribué ici à la garnison anglaise, est quelque peu supérieur aux appréciations les plus élevées, qui (les estimations inférieures négligées) l'évaluent à 6 ou 700 tout au plus. [Journal du siège, 11 juin; Chron. de l'établ. de la fête du 8 mai, Procès, t. V, p. 295; Chartier, ch. xlii; voir Wallon, Hist. de Jeanne d'Arc, t. I) — Mais le côté singulier de cette information est la version ici émise sur la date initiale du siège de Jargeau, indiqué comme ayant été mis vers le 15 mai et ayant duré un mois, jusqu'au 12 juin. — La version qui fait remonter le siège au premier tiers de mai, à l'époque qui suit immédiatement la délivrance d'Orléans, a déjà été émise dans les deux premières lettres de Pancrazio Giustiniani. (Lettres en date du 10 mai et du 4 juin.) Il a été démontré, à cette occasion, que ce bruit n'était pas aussi fabuleux qu'on pourrait le croire et se rapportait exactement à une première démonstration tentée contre Jargeau sitôt l'évacuation d'Orléans. — La version de la première lettre, en date de la mi-mai, présentait seulement le siège comme déjà mis ; la version de la seconde lettre, en date du 4 juin, présentait la prise de la ville comme déjà effectuée ; la version de cette présente lettre présente le siège comme ayant duré un mois, du 15 mai environ jusqu'au 12 juin.

50 Mention de la bataille de Patay, livrée le 18 juin. — Les forces françaises, vaguement indiquées ici, paraissent s'être élevées à 12 ou 13.000 hommes, sur lesquels 1.500 environ prirent seuls part à la bataille. — Le chiffre mentionné ici comme exprimant les Anglais survivants (800) correspond à peu près à celui que le chroniqueur rouennais Pierre Cochon prête à l'avant-garde anglaise qui put opérer, en entier, sa retraite en bon ordre.

51 Cette troisième et dernière partie de la lettre de Pancrazio Giustiniani, par où Venise commence seulement à recevoir un exposé de faits nouveaux, non encore divulgués par les correspondances précédentes d'autre origine, paraît provenir d'indications prises directement sur place en Flandre et de nouvelles arrivant à Bruges d'Angleterre. — Elle comprend elle-même, d'une part la fin du corps de la lettre, et d'autre part diverses additions nécessaires.

52 Information singulièrement exacte. A l'arrivée de la nouvelle de la levée du siège d'Orléans, — qui survient à Paris le 10 mai, le duc de Bedford est allé s'enfermer, à portée de Paris, à Vincennes. Le 19 juin, on le trouve à Corbeil. On le retrouve à Paris au moment du séjour du duc de Bourgogne, qui a lieu du 10 au 16 juillet.

53 Mention exacte des secours demandés à ce moment, en effet, par le duc de Bedford au duc de Bourgogne. Déjà, au su de la levée du siège d'Orléans, c'est-à-dire le 10 mai, le duc de Bedford, du château de Vincennes, a cherché à rassembler, dans la région du nord, des forces qui semblent avoir mis peu d'empressement à gagner Paris. Sitôt après Patay, Bedford, de plus en plus inquiet, envoie, de concert avec les Parisiens, au duc de Bourgogne, alors en Artois, à Hesdin, une solennelle ambassade, composée de Jean de Mailly, évêque de Noyon, de deux docteurs en théologie de l'Université et de plusieurs « des plus puissans bourgeois de Paris » (Monstrelet). Cette ambassade trouve le duc relevant de maladie et demeuré dans l'inaction depuis sa rentrée dans ses états du nord, à la fin d'avril, à la suite de sa brouille avec Bedford. Elle le décide à revenir à Paris « en dedens briefs jours ». Le bruit de l'ambassade parisienne au duc de Bourgogne se trouve enregistré dans la lettre de Jacques de Bourbon, écrite sitôt après Patay. — L'information de Pancrazio Giustiniani est donc exacte dans tous ses détails. Elle va se confirmer dans divers passages ultérieurs de cette même lettre.

54 Le duc de Bourgogne, dont Pancrazio Giustiniani, dans cette lettre du 9 juillet, annonce comme on voit le départ vers Paris comme devant s'opérer, vraisemblablement de l'Artois comme point de départ, dans deux jours seulement, arrive en fait à Paris le 10. (Bourgeois de Paris). Il devait donc s'être mis en route, d'Artois, au moins ce jour même du 9. Il était même attendu à Paris pour le 9. (Lettre de Colard de Mailly, bailli de Vermandois pour le gouvernement anglais, en date du 10 juillet, dans Recueil de Rogier, Procès, t. IV, p.. 294-295.). Quant aux renforts qu'il amène, ils montent à 4 ou 500 combattants, dit Monstrelet, ou à 700, dit le Bourgeois de Paris. La fin de cette lettre va, du reste, revenir encore sur ce voyage, auquel l'opinion publique, non sans raison, semble attacher grande attention. Le doute où, d'après ce passage, on persistait à demeurer en Flandre sur les intentions réelles de Philippe le Bon, est intéressant à constater. Ce sentiment continue à corroborer les opinions émises à plusieurs reprises, dans la première lettre de Pancrazio Giustiniani, sur les tendances supposées favorables du duc envers Charles VII et sur l'attente où l'on était, comme d'un incident tout naturel, de le voir passer au parti français.

55 Pancrazio Giustiniani est ici très exactement renseigné quant au fond. D'importantes forces anglaises, en ce moment, sont en effet les unes sur le point de passer sur le continent, les autres en rassemblement. — Une première armée, qui va aborder en France avant la mi-juillet, est alors en partance, à la date constatée du 1er juillet. Elle se compose d'un corps principal de 250 lances et 2.500 archers, recruté naguères, depuis mai, au nom du Saint-Siège, pour une croisade contre les Hussites de Bohême, sous le commandement de l'évêque de Winchester, Henry de Beaufort, cardinal d'Angleterre, mais détourné de son but, entre le 26 juin et le 1er juillet, par un message éperdu de Bedford, réduit, dans le désarroi et la consternation qui suit le désastre de Patay, à cet expédient plus que singulier. Elle est, en outre, complétée par un corps annexe de 100 lances et de 700 archers, sous John Radclyff, sénéchal anglais de Guyenne, faible partie des renforts exigés depuis le mois d'avril précédent, bien avant Patay et la délivrance d'Orléans, par Bedford déjà inquiet, et qui, alors déjà, réclamait impérieusement un secours de près du double, soit 200 lances et 1.200 archers. — Une seconde armée, portée par la suite de cette même lettre à 8.000 hommes, armée qui, en fait, ne passera pas encore sur le continent, se prépare alors en Angleterre. A la date du 3 juillet, une lettre royale au nom de Henry VI expédiée de Westminster avise la cité de Reims de ce nouvel armement. (Louis Paris, Cabinet historique, t. I, 1855, part. I, XV, p. 74-76.) Le bruit de cet appel désespéré est enregistré dans la lettre de Jacques de Bourbon écrite sitôt après Patay : « Miserunt ad Angliam pro gentibus et faciunt armare usque ad presbyteros. »

56 Cette addition mentionne le départ du duc de Bourgogne pour Paris comme effectué, alors que, tout à l'heure, le corps de la lettre l'annonçait seulement comme imminent. On a vu que le duc, attendu à Paris dès le 9, y arrive le 10. Répétition des mêmes incertitudes en ce qui concerne le but réel de ce voyage.

57 Ces bruits fantastiques : — de l'évasion du duc d'Orléans d'Angleterre en Écosse, — du mariage d'une sœur du roi d'Écosse avec le fils aîné du duc, — d'une intervention officielle de l'Ecosse en faveur de Charles VII, — bruits démentis du reste par un passage ultérieur de cette même lettre, — représentent un frappant exemple de déformation de rumeurs après tout vraisemblables. — Charles, duc d'Orléans, prisonnier en Angleterre depuis 1415, ne devait en réalité en sortir qu'en 1440. Mais déjà courait dans le domaine public le bruit que Jeanne d'Arc avait indiqué sa libération, même au prix d'une descente en Angleterre, comme l'un des quatre objets de sa mission. Bruit enregistré à maintes reprises dans ces correspondances mêmes. La délivrance d'Orléans, premier point de cette mission, étant connu pour être atteint, le sacre à Reims, son second objet, étant considéré comme en voie de s'accomplir depuis l'anéantissement de l'armée anglaise à Patay, l'instinct populaire était en droit de regarder un des autres objets en cause, soit, en l'espèce, la libération du duc d'Orléans, comme déjà rempli ou sur le point de l'être. — Le duc d'Orléans, alors veuf de sa seconde femme Bonne d'Armagnac, n'avait à cette époque, pour toute descendance, que sa fille Jeanne, mariée en 1421 au duc d'Alençon Jean II. Le projet de mariage ainsi présenté doit se rapporter à l'union préparée entre Louis, dauphin de France, le futur Louis XI, né en 1423, alors âgé de cinq ans seulement, et Marguerite, fille aînée du roi d'Ecosse Jacques V, plus jeune de deux ans : mariage convenu dès l'an précédent par les traités de Perth, du 19 juillet 1428, et de Chinon, du 30 octobre, par lesquels la princesse devait passer en France dans l'année qui suivrait le 2 février 1429. (Beaucourt, Hist. de Charles VII, t. Il, p. 395-399.) Ce mariage aussi, outre les notifications officielles qui en furent adressées à différentes villes (à Tournai, notamment, au début de 1429, Reg. des consaux, Ibid., p. 399, n. 2), tenait une certaine place dans le sentiment populaire. Il était connu à Vaucouleurs dans les derniers jours de 1428 ou le début de 1429, et c'est à lui que Jeanne d'Arc faisait allusion dans son premier entretien avec Jean de Metz. La princesse, en fait, ne devait passer en France qu'en 1436, pour y mourir peu après, en 1445, dauphine sans enfants. — La mention des secours préparés par l'Écosse pour la France, la troisième des assertions ici indiquées, repose, quant à elle, sur une base précise. Les traités de Perth et de Chinon stipulaient réellement l'envoi d'une armée écossaise de 6.000 hommes, qui devait passer en France dans le même délai que la princesse. (Beaucourt) Dans les derniers jours de 1428, le gouvernement de Charles VII avisait la ville française de Tournai que ce passage devait s'effectuer avant la Pentecôte, c'est-à-dire avant le 15 mai. (Extraits des anciens reg. des Consaux de la ville de Tournai) Le gouvernement anglais, en avril, préparait des armements pour combattre cette flotte de passage. (Proceedings, Ibid., p. 399, n. 3.) — Mais, fait qui donne à cette information un appui singulier, il paraît que Jeanne d'Arc elle-même, vers le moment de Patay, annonçait une prochaine et imminente invasion écossaise en Angleterre pour le plus grand bien de la cause française. (Lettre de Jacques de Bourbon)

58 Sans doute le 1er juillet.

59 Sur ces deux armées, celle où se trouvent les troupes du cardinal et celle qui doit la suivre, voir ce qui vient d'en être dit au cours de cette même lettre. — Cette première armée, composée des corps du cardinal et de Radclyff, est ici indiquée comme étant en partance incessante. Ces troupes sont mentionnées, comme étant « en passage de mer », dans une lettre royale au nom de Henry VI à la cité de Reims, en date du 3 juillet, écrite de Westminster. (Louis Paris, Cabinet historique, t. I, 1855, part. I, p. 74-76.) Une lettre de Colard de Mailly, bailli de Vermandois pour le gouvernement anglais, à la cité de Reims, en date du 10 juillet, signale ces forces comme déjà passées. (Recueil de Rogier, Procès, t. IV, p. 294-295.) — Quant à la seconde, dont le passage est ici indiqué comme prochain, la lettre de Henry VI l'annonce également comme se préparant à entrer en ligne, la qualifiant d' « autre notable armée ». Son chiffre est ici porté à 8.000 hommes, au lieu de 3.000 indiqués tout à l'heure. Ce chiffre de 8.000, peut-être par une confusion de bruits en cours, est attribué par la lettre de Colard de Mailly à la première armée dont le bailli de Vermandois annonce le passage comme effectué. — Les correspondances recueillies par Morosini reviendront plus d'une fois sur ce sujet, en variant ces chiffres.

60 Ainsi, c'est d'Angleterre qu'arrive à Bruges, cette fois, la nouvelle de l'entrée en action de l'armée royale et de la Pucelle pour la campagne du Sacre. Cette nouvelle était déjà parvenue à Venise, semble-t-il, depuis le 20 juillet, par une correspondance précédente, la lettre de Marseille du 28 juin. Les nouvelles d'Angleterre en date du début de juillet, ici résumées, ne peuvent, du reste, signaler que des préparatifs de marche en avant opérés à la suite de l'événement de Patay, qui a eu lieu le 18 juin. — La Pucelle et le roi se sont trouvés réunis le 24 juin à Gien. C'est seulement le 29 que le roi, après de nouvelles et lamentables indécisions, part de Gien pour prendre franchement la direction de Reims. Jeanne d'Arc, dans une inquiétude voisine du désespoir, est depuis un ou deux jours au gîte en pleins champs, à quatre lieues en avant de Gien, séparée du roi, seule en avant, ne comptant plus que sur ce coup d'éclat pour peser sur l'armée et arracher enfin Charles VII à ses mesquins et criminels conseillers.

61 Ce chiffre de 25.000 hommes, répété encore par Pancrazio Giustiniani dans une lettre suivante du 27 juillet, quoique inférieur à celui de 40.000 hommes signalé naguères par une correspondance précédente, la lettre d'Avignon du 30 juin, comme composant l'armée de la Pucelle, prête à attaquer Paris, sitôt Patay, avant même de faire mention de la marche sur Reims, est encore manifestement exagéré. — L'armée royale de la campagne du Sacre ne paraît pas avoir dépassé 12.000 combattants. (Evaluation dans Wallon, Hist. de Jeanne d'Arc, t. I, p. 214.)

62 Cette mention selon laquelle l'armée française aurait passé la Loire, au lieu de Gien, à la Charité, beaucoup plus haut sur le fleuve, mention qui impliquerait la prise de cette place, alors fortement occupée par une garnison bourguignonne, est à relever. A la vérité, entre le 24 et le 29 juin, la Charité a été sommée de se rendre à Charles VII, mais vainement. (Chron. de la Pucelle, ch. LIII) De même pour Cosne, plus rapproché de Gien cependant. Seule des places du Val de Loire situées en amont, Bonny, dans le voisinage immédiat de Gien, s'est rendu le 26. (Journal du siège, 26 juin, et Chron. de la Pucelle, ch. lv, p. 310.) — Le bruit d'opérations imminentes contre la Charité se trouve enregistré dans la lettre de Jacques de Bourbon écrite sitôt après Patay. La ville d'Orléans en préparait activement le siège. (Amicie de Villaret, Campagnes des Anglais dans l'Orléanais, p. 107.) Mais la place de la Charité demeure obstinément bourguignonne. On sait que, l'automne suivant, elle devait repousser la Pucelle. Dès à présent, cette résistance de la Charité et de son commandant Perrinet Crasset est constatée avec fierté par les chroniques du parti bourguignon. (Chron. des Cordeliers, entre 1er et 17 juillet).

63 Le duc de Bourgogne entrant le 10 à Paris, cette dernière addition semble remonter à une date qui permette à la nouvelle de cette entrée, ici mentionnée, de parvenir jusqu'à Bruges, — date par conséquent postérieure à celle du corps de la lettre même, qui est du 9 juillet.
Toujours la même incertitude sur les projets de Philippe le Bon.


Remarques d'Ayroles sur cette lettre :
[Voici le passage le plus long et le plus intéressant de Morosini sur l'Héroïne. Le commencement et la fin montrent que c'est une lettre. Il ne dit pas qui l'a écrite; mais tout indique que c'est Pancrace Justiniani qui aura fait un résumé de tout ce qu'il avait appris sur la Pucelle.]
[Cette lettre dans son ensemble, à quelques inexactitudes près sur la délivrance d'Orléans, est en parfaite conformité avec les documents connus; elle les complète sur plusieurs points, notamment sur l'étendue et la nature de la mission reçue. Le couronnement à Reims n'est qu'une étape, Reims n'est pas même nommé. La Pucelle doit expulser totalement l'envahisseur, bien plus, passer en Angleterre pour délivrer le duc d'Orléans, si cette délivrance ne peut pas être obtenue à l'amiable. Jeanne a d'elle-même affirmé ce dernier point au procès de Rouen dans la séance du 12 mars, séance du soir. La mission est conditionnelle. Le Dauphin doit obéir aux ordres que le Ciel lui intimera par son Envoyée. Une réforme générale doit être opérée; réconciliation avec Dieu, réconciliation de tous les partis qui divisent les défenseurs de la cause nationale; bien plus réconciliation finale avec les Anglais. Si le parti que la jeune fille vient relever est infidèle, au lieu des bénédictions promises ce seront d'épouvantables châtiments. Gerson, dans son Mémoire composé après la délivrance d'Orléans, avait depuis déjà deux mois dit la même chose, et indiqué les grandes lignes de la réforme à opérer. L'on ne comprendra ni l'histoire, ni la mission de la Libératrice, tant qu'on s'obstinera à voiler cet aspect.
Ce qu'il dit de la sainteté de la jeune fille, et en particulier de son incroyable tempérance est universellement attesté : iera begina, c'est, à notre connaissance, le seul texte dont on pourrait induire qu'elle appartenait à quelque confraternité ou tiers-ordre. Aucun n'est spécifié.
Ce qui est dit des épreuves auxquelles la jeune fille fut soumise avant d'être mise à l'oeuvre est exact, ce n'est que par cette lettre que nous connaissons l'épreuve par la communion.
Deux mille guerriers se seraient joints avec Jeanne aux deux mille cinq cents qui étaient déjà dans Orléans, et les assiégeants auraient été six mille. Ces chiffres sont très plausibles et conformes à ceux de l'abbé Dubois.

1 Le premier chiffre indique la pagination de la copie de Venise, le second les folios de l'original de Vienne.




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