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20 avril 2024  

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Étienne Pasquier - sommaire du Procès de La Pucelle

tienne Pasquier, né le 7 juin 1529 à Paris et mort le 1er septembre 1615 dans la même ville, est un homme d'État, historien, humaniste, poète et juriste français. Durant sa jeunesse, il réside à Paris. Il devient avocat au Parlement, en 1549, après avoir achevé ses études sous la direction de Jacques Cujas. Désireux de participer à la réconciliation entre protestants et catholiques, il s'attache à chercher les origines historiques de l'unité de la nation française jusque dans le passé préchrétien du pays. Mettant à profit une longue convalescence suite à un empoisonnement accidentel survenu en 1558, il commence à travailler sur ce sujet jusqu'en 1560, année où il publie le premier tome de ses Recherches de la France. En 1565, il s'illustre en tant que partisan du gallicanisme par sa plaidoirie dans le procès qui oppose l'Université de Paris aux Jésuites, faisant triompher la cause de la première. Il participe également aux « Grands Jours » de Poitiers (1579) et de Troyes (1583) : lors de ces assises, qui se tiennent irrégulièrement jusqu'à la fin du XVIIe siècle, une commission dont les membres sont sélectionnés par le roi au sein du Parlement de Paris, est envoyée en province avec tout pouvoir pour entendre et régler les affaires qui lui sont soumises, en particulier celles qui concernent l'abus de droits seigneuriaux. À la faveur de ces événements, Étienne Pasquier rédige et publie les plaisanteries qu'il échange avec ses collègues. En 1585, il est nommé par Henri III avocat-général du roi à la Chambre des comptes. Il s'y distingue en s'opposant au système de la vente des terres et des charges héréditaires. Les Guerres de religion le contraignent, en 1588, à quitter Paris pour Tours pendant la Ligue : il met ces années à profit pour travailler sur ses Recherches. En mars 1594, il regagne la capitale avec le convoi d'Henri IV. Il y reprend son travail avant de prendre sa retraite. Ensuite, il publie en près d'une décennie un grand nombre d'œuvres littéraires, avant de mourir à l'âge de quatre-vingt six ans des suites d'une maladie foudroyante, le 1er septembre 1615.

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Grande pitié ! jamais personne ne secourut la France si à propos et plus heureusement que cette Pucelle, et jamais mémoire de femme ne fut plus déchirée que la sienne. Les Anglais l'estimèrent et sorcière et hérétique, et, sous cette proposition, la firent brûler. Quelques-uns des nôtres se firent accroire que ce fut une feintise, telle que de Numa Pompilius dans Rome, quand il se vantait communiquer en secret avec Égérie la nymphe, pour s'acquérir plus de créance envers le peuple; et telle est l'opinion du seigneur de Langey, au troisième livre de la Discipline militaire, chap. III. A quoi les autres ajoutent et disent que les seigneurs de la France supposèrent cette jeune garce (1), feignant qu'elle était envoyée de Dieu pour secourir le royaume; même, quand elle remarqua le roi Charles à Chinon entre tous les autres, on lui avait donné un certain signal pour le reconnaître. J'en ai vu de si impudents et éhontés, qui disaient que Baudricourt, capitaine de Vaucouleurs, en avait abusé, et que, l'ayant trouvée d'entendement capable, il lui avait fait jouer cette fourbe. Quant aux premiers, je les excuse ; ils avaient été malmenés par elle, et nul ne sait combien douce est la vengeance que celui qui a reçu l'injure. Quant aux seconds, bien qu'ils méritent quelque réprimande, si est-ce que je leur pardonne aucunement, parce que le malheur de notre siècle aujourd'hui est tel, que, pour acquérir réputation d'habile homme, il faut machiavéliser. Mais pour le regard des troisièmes, non-seulement je ne leur pardonne, mais, au contraire, ils me semblent être dignes d'une punition exemplaire, pour être pires que l'Anglais, et faire le procès extraordinaire à la renommée de celle à qui toute la France a tant d'obligation. Ceux-là lui ôtèrent la vie, ceux-ci l'honneur, et l'ôtent par un même moyen à la France, quand nous appuyons le rétablissement de notre État sur une fille déshonorée.

  De ma part je répute son histoire un vrai miracle de Dieu.
La pudicité que je vois [...] accompagnée jusqu'à sa mort, même au milieu der[...] juste querelle qu'elle prit ; la prouesse qu'elle y apporta; les heureux succès de ses affaires; la sage simplicité que je recueille de ses réponses aux interrogatoires qui lui furent faits par des juges du tout voués à sa ruine; ses prédictions, qui depuis sortirent effet; la mort cruelle qu'elle choisit, dont elle se pouvait garantir, s'il y eut eu de la feintise en son fait : tout cela, dis-je, me fait croire (joint les voix du ciel qu'elle oyoit ) que toute sa vie et histoire fut un vrai mystère de Dieu. Aussi est-ce la vérité que son père avait songé que cette fille devrait quelquefois vivre au milieu des soldats, comme je remarquerai en son lieu. J'ai vu autrefois la copie de son procès en la librairie de Saint-Victor, puis en celle du grand roi François à Fontainebleau ; et depuis ai eu en ma possession, l'espace de quatre ans entiers, le procès originaire, auquel tous les actes, lettres patentes du roi Henri, avis de l'université de Paris, interrogatoires faits à la Pucelle, étaient tout au long copiés, et au bout de chaque feuillet y avait écrit, Affirmo ut supra, Bosquille (c'était le greffier); et à la fin du registre étaient les seings et sceaux de l'évêque de Beauvais et de l'inquisiteur de la foi, ensemble celui du greffier : qui fait que j'en puis parler plus hardiment. Je veux donc ici raconter comme les choses se passèrent; et vous, discourant les principaux points de son procès, vous pourrez aussi recueillir par ses réponses tout ce qui fut de sa maison et de son histoire particulière.

  Après que le duc de Bourgogne eut été crée lieutenant général de Paris, il mit le siège devant Compiègne, où il trouva à qui parler; car enfin il fut contraint de le lever : vrai qu'en une sortie que firent le capitaine Poton et la Pucelle, le malheur voulut que l'un et l'autre y furent pris. Quant à Poton, il courut la commune fortune des autres gens de guerre, d'en être quitte pour sa rançon, ou d'être changé pour un autre; mais non cette pauvre Pucelle, la prise de laquelle fut si agréable aux Anglais, qu'ils en firent chanter un Te Deum dans l'église Notre-Dame de Paris, et, quittant la forme ordinaire que l'on observe aux prisonniers de bonne guerre, lui voulurent faire son procès. Le bâtard de Vendôme l'avait prise, qui la montra au duc de Bourgogne, lequel la bailla en garde à messire Jean de Luxembourg, auquel il avait plus de fiance. Dès lors elle commença d'avoir deux maîtres : les Anglais désiraient de l'avoir, afin de la sacrifier au feu; le duc n'y donnait pas grand obstacle, mais bien Luxembourg et le bâtard, ne voulant être défraudés de la rançon, les uns combattant pour la vie, les autres pour la bourse. Messire Pierre Cauchon, évêque de Beauvais, qui lors était en grand crédit près des Anglais, faisait toute instance à ce qu'elle lui fût délivrée, comme hérétique qui avait été prise dans son diocèse. Le jeune roi se met de la partie, pour le moins ceux de son conseil : enfin elle est mise en ses mains, moyennant cinq mille livres qui furent baillées à messire Jean de Luxembourg, et trois cents livres de rente au bâtard de Vendôme.

  L'université de Paris désirait que cette cause fût renvoyée à Paris; toutefois le roi, par ses lettres patentes du 30 janvier 1430 (2), donne toute charge à l'évêque de Beauvais (c'était celui qui peu auparavant avait été envoyé exprès en Angleterre pour l'amener en France ). Le 9 ensuivant, l'évêque demande aux doyen, chanoines et chapitre de Rouen, territoire (3), pour rendre la cause plus exemplaire, le siège archiépiscopal étant lors vaquant : ce qui lui fut très-volontiers accordé. En ceci il est assisté de frère Jean Magistri, de l'ordre des frères prêcheurs, vice-gérent de frère Jean Graverant, inquisiteur général de la foi; messire Jean Estinet, évêque de Bayeux, est fait promoteur en cette cause. Or, pour garder l'ordre judiciaire, la Pucelle est citée devant l'évêque au 21 février, afin de venir repondre encontre elle par le promoteurr. Cette pauvre fille avait tant de crainte de Dieu en son âme qu'avant de subir interrogatoire, elle demandait d'ouïr la messe; ce qui lui fut refusé, de tant qu'elle portait l'habit d'homme qu'elle ne voulait délaisser. Je citerai les principaux articles car lesquels elle fut interrogée, à la charge que, s'il n'y a tant de grâce, il y aura paraventure plus de créance pour ceux qui liront ce chapitre. Les faits du promoteur furent couches en latin, comme est l'ordinaire en cour d'Église, et fut son interrogatoire fait à diverses journées, selon les instructions et mémoire qu'en donnait le promoteur ; et, à dire le vrai, jamais une personne accusée ne fut tant chevalèe (4) par un juge pour être surprise, et toutefois jamais personne ne répondit plus à propos que cette-ci, montrant assez par cela qu'elle était assistée de Dieu et de la vérité, au milieu de ses ennemis. En la plupart des demandes qu'on lui faisait, s'il y avait de l'obscurité, elle demandait jour d'avis pour communiquer aux saintes avec lesquelles elle parlait ; comme en cas semblable, si les juges se trouvaient empêchés sur ses réponses, ils en écrivaient à l'université de Paris, afin d'en avoir son opinion : laquelle s'assemblait tantôt aux Bernardins, tantôt aux Mathurins ; et, pour cette cause, le procès est plein d'une infinité de ses avis, qu'il n'est besoin d'insérer ici. Je me contenterai seulement de vous représenter l'âme de ce procès, au moins mal qu'il me sera possible.

  Interrogée sur le premier article de dire vérité, répondit que ses père et mère, elle les dirait, mais des révélations, que non, et qu'elle les avait dites à son roi Charles, et que dans huitaine elle saurait bien si elle les devrait révéler. Interrogée de son nom, elle dit qu'en son pays on l'appelait Jeannette, et depuis qu'elle vint en France fut appelée Jeanne d'Arc, du village de Dompré; que son père s'appelait Jacques d'Arc, et sa mère Isabelle; que l'un de ses parrains était appelé Jean Lingue, l'autre Jean Berrey ; de ses marraines, l'une Jeanne, l'autre Agnès, l'autre Sibille, et qu'elle en avait eu encore quelques autres, comme elle avait ouï dire à sa mère; qu'elle était lors de l'âge de vingt et neuf ans ou environ (5), lingère et filandière de son métier, et non bergère, allait tous les ans à confesse, oyait souvent une voix du ciel, et que la part où elle l'oyait y avait une grande clarté, et estimait que ce fût la voix d'un ange; que cette voix l'admonestait maintefois d'aller en France, et qu'elle ferait lever le siège d'Orléans ; lui dit qu'elle allât à Robert de Baudricourt, capitaine de Vaucouleurs lequel lui donnerait escorte pour la mener ; ce qu'elle fit, et le connut par cette voix : Item dixit quod bene scit quod Deus dlligit ducem Aurelianensem, ac etiam quod plures revelationes de ipso habuerat, quant de alio homine vivente, excepte illo, quem dicit regem suum; qui est à dire : « Item, elle dit qu'elle savait bien que Dieu aimait le duc d'Orléans, et qu'elle avait eu plus de révélations de lui que de nul autre vivant, fors et excepté de celui qu'elle appelle son roi ; » reconnaît avoir fait donner une escarmouche à jour de fête devant Paris. Interrogée si c'était bien fait, elle dit : Passez outre. Interrogée quand elle avait ouï la voix, elle répond : Hier trois fois, la première au matin, la seconde sur le vêpre, et la troisième, quum pulsaretur pro Ave Maria de sero.

  On l'interroge si elle a vu des fées ; dit que non, qu'elle sache; mais bien qu'une sienne marraine, femme du maire d'Aulbery, se vantait les avoir quelquefois vues vers l'arbre des Fées, joignant leur village de Dompré. Qui étaient ceux ou celles qui parlaient à elle ? Dit que c'étaient sainte Catherine et sainte Marguerite, lesquelles elle avait vues souvent et touchées depuis qu'elle était en prison, et baisé la terre par où elles étaient passées, et que de toutes ses réponses elle prenait conseil d'elles ; qu'elle avait pris la robe d'homme par exprès commandement de Dieu ; qu'elle fut blessée au col, devant la ville d'Orléans. Item, dicit quod, antequam sint septem anni, Anglici dimittent majus vadium quam fecerunt coram Aurelianis, et quod totum perdent in Francia. Dicit etiam quod præfati Anglici habebunt majorent perditionem quam unquam habuerunt in Francia, et hoc erit per magnam victoriam, quam Deus mittet Gallis, qui est à dire : « Item, elle dit que, devant qu'il soit sept ans, les Anglais délairront un plus grand gage que celui qu'ils firent devant Orléans, et qu'ils perdront tout ce qu'ils ont dans la France (6). Dit en outre qu'ils feront une perte plus grande en France qu'ils n'avaient fait auparavant, et que cela adviendra par une grande victoire que les Français auront sur eux. » Interrogée si elle portait quelques armoiries, dit que non, ains seulement son étendard; mais que le roi en avait donné à ses frères, c'est à savoir un éctt en champ d'azur, auquel il y avait deux fleurs de lis d'or, et au milieu une couronne. Je dirai ceci en passant, que le roi d'Angleterre, écrivant une lettre aux prélats, concernant la présomption de cette Pucelle : « Elle avait été (dit-il) si audacieuse de charger les fleurs de lis en ses armes, qui est un écu à champ d'azur, avec des fleurs de lis d'or, et une épée la pointe en haut, férue en une couronne. »

  

  Au demeurant, elle dit à l'évêque que son père, un jour entre les autres, songea qu'elle irait avec des gens d'armes : ce que craignant, il la tenait ordinairement de court, et disait souvent à ses fils que, s'il pensait que cela dût advenir, il aurait beaucoup plus cher qu'on la noyât. On lui impute qu'étant prisonnière à Beaurevoir, elle avait sauté du haut en bas de la tour pour se tuer : elle confesse le fait ; mais que c'était en espérance de se sauver. Elle demande d'ouïr la messe, et puis de recevoir Dieu à la fête de Pâques : ce qu'on lui accorde, en reprenant l'habit de femme ; mais elle n'y veut entendre. Sur le fait de l'adoration, dit que si quelques-uns avaient baisé ses mains ou sa robe, ce n'avait point été de son consentement. Dit qu'à l'arbre des Fées et à la fontaine près de Dompré, elle parla à saintes Catherine et Marguerite, mais non aux fées, et y commença de parler dès l'âge de treize ans; que quelquefois on lui avait bien imputé d'avoir parlé aux fées, mais qu'il n'en était rien, et ainsi l'avait dit à un de ses fréres; qu'au vingtième an de son âge, elle alla à Neuchâtel en Lorraine, où elle demeura chez une hôtesse nommée la Rousse, et là menait les bêtes aux champs, même les chevaux paître et abreuver, et ainsi apprit de se tenir à cheval ; que pendant qu'elle était à Neufchâtel elle fut citée par-devant l'official de Toul pour un mariage mais qu'elle gagna sa cause; qu'après y avoir servi cinq ans, elle retourna chez son père (7); puis, malgré lui, s'en alla à Vaucouleurs, où Robert de Baudricourt ne tint compte d'elle pour la première ni la seconde fois; mais à la troisième il la reçut et rhabilla en homme, puis lui bailla vingt chevaliers, un écuyer, et quatre valets qui la menèrent au roi étant à Chinon. Sollicitée par ses juges de reprendre l'habit de femme, elle répond qu'elle ne requérait d'avoir de cet habit qu'une chemise après sa mort. Derechef sollicitée de laisser l'habit d'homme, et qu'en se faisant on la recevrait au saint sacrement de communion, noluit huic præcepto obsequi, in quo apparet pernicacta ejus, et obduratio ad malum, et contemptus sacramentorum. A la fin elle accorde de reprendre une robe de femme pour ouïr la messe, mais à la charge que, l'ayant ouïe, elle reprendrait celle d'homme ; Ad hoc fuit eit dictum quod ipsa caperet habitum muliebrem simpliciter et absolute. Ad quod ipsa respondit; tradatis mihi habitum ad modum unius filiæ burgensis, silicet unam houpelandam longam, et similiter capilium muliebre, et ipsa accipiam pro audiendo missam. Dicebat se malle mori, quam revocare id quod dominus fecit, sibi fieri hoc est utferret habitum virilem. Dit qu'elle avait promis au roi, lorsqu'elle le salua la première fois, de faire lever le siège d'Orléans, de le faire sacrer roi, et qu'elle le vengerait de ses ennemis, lui fut impropéré (8) que toujours elle avait empêché la paix avec l'Anglais : ce qu'elle accorda, disant que la paix ne se pouvait faire qu'ils ne vidassent du tout la France. Le promoteur lui reproche qu'elle avait fait cacher derrière l'autel de sainte Catherine de Fierbois une épée, qu'elle envoya querir depuis quelle eut parlé au roi, pour le tromper : Quod ipsa negat, scilicet se fecisse hoc dolose ; bien confesse-elle qu'avant qu'aller à Chinon, elle avait ouï trois messes en ce lieu de Sainte Catherine ; lui reproche davantage qu'elle se disait être envoyée de Dieu pour faire la guerre : chose du tout contrevenante à sa volonté, pour n'avoir rien tant en horreur que l'effusion de sang ; répond que, par les lettres qu'elle avait écrites au roi d'Angleterre et princes de son sang, elle avait premièrement demandé la paix, et depuis fait la guerre (la teneur de la lettre est transcrite au procès); qu'elle avait fait mourir un franquet (9): dit que c'était un voleur, que pour tel reconnu, il fut défait par sentence du bailli de Senlis; qu'elle avait plusieurs fois reçu le corpus Domini en habit d'homme, et aussi qu'elle avait fléchi le genou devant lesdites voix : ce qu'elle reconnut et confessa. Le promoteur : Item, quod ipsa Joanna in tantum suis adinventionibus catholicos seduxit, quod multi, in præsentia ejus, eam adoraverunt ut sanctam, et adhuc adorant in absentia, ordinando in reverentiam ejus missas et collectas in ecclesiis, imo dicunt eam majorem esse omnibus sanctis Dei post beatam Virginem, elevant imagines, et repræsentationes ejus in basilicis sanctorum, ac etiam in plumbo et alio metallo repræsentationes ejus super se ferunt; à quoi elle répondit qu'elle s'en rapportait à Dieu. — Contra præceptum Dei assumpsit dominâtionem supra viros, constituendo se caput exercitus : elle dit que si elle avait été chef de guerre, c'avait été pour battre les Anglais; dit en outre que son étendard était de toile, ou boucassin bordé de veloux, avec un champ semé de fleurs de lis; au milieu d'icelui y avait un Dieu figuré, tenant un monde, côtoyé de deux anges revêtus de blanc, et au-dessous était écrit, Jésus Maria. Il n'y avait en cette réponse aucun mal ; toutefois les juges, tournant tout ce qui avait été par elle fait ou dit en venin, lui remontrèrent que voluerat attrihuere tales vanitates Deo et angelis, quod est contra reverentiam Dei et sanctorum ; et si sa fiance était en son étendard : à quoi elle répondit sagement que toute sa fiance était en celui dont elle portait l'image. Pourquoi elle tint seule cet étendard sur l'autel, quand le roi fut couronné ? Illud fuerat (dit-elle) in pœna, et ideo rationabile erat quod esset in honore. Qu'ayant été blessée devant Paris, elle offrit depuis et fit appendre dans l'église Saint-Denis son harnais par gloire : dit que par dévotion elle l'offrit à saint Denis, comme font tous ceux qui sont blessés en guerre ; aussi que Saint-Denis est le commun cri de la France, Saint-Denis Montjoie ! On lui demande si elle se voulait rapporter au jugement de l' Église militante ; elle dit que oui, pourvu qu'elle ne lui commandât rien impossible : Scilicet declarata per eam de visionibus et revelationibus, quas dixit se fecisse ex parte Dei, quas nollet revocare pro quocunque; et si Ecclesia diceret istas visiones esse illusiones nollet tunc se referre ad homine, sed ad Deum.

  Les articles tirés des confessions de la Pucelle étaient, qu'elle âgée de treize ans disait avoir vu saint Michel, sainte Catherine et sainte Marguerite, même une grande troupe d'anges; que ces saintes lui conseillèrent depuis d'aller trouver Charles VII pour le secourir, et de charger l'habit d'homme, lequel elle avait mieux aimé porter que d'ouïr la messe, ou recevoir le précieux corps de Notre-Seigneur ; et avait refusé en cela de se soumettre au jugement de l'Église militante, ains s'était rapportée au seul Dieu. Item, quod dicit quod ipsa est certa de quibusdam mere contingentibus et occultis, et quod cognovit per vocest quasnunquamante viderat. Ulterius dicit quod, ex quo habeat de mandato Dei deferre habitum viri oportebat eam accipere tunicam brevem, capitium, gipponem, bracchas, et caligas cum aiguilletis, capillis suis super aurium summitates scissis in rotundum. Davantage, qu'elle s'était précipitée du haut en bas de certaine tour, aimant mieux mourir que de tomber ès mains des ennemis. Et quod non tantum audivit et vidit, sedetiam tetigit corporaliter et sensibiliter Catharinam et Margaretam, et osculata erat terram super quam gradiebantur.

  Enfin, après que le promoteur eut pris telles conclusions qu'il lui plut, par sentence de l'évêque et du vice-gérent de l'inquisiteur, il est dit que tout ce qui avait été fait par la Pucelle n'était que factions et tromperies pour séduire le pauvre peuple, ou bien inventions du diable ; et qu'en tout ceci elle avait commis blasphème contre l'honneur de Dieu, impiété contre ses père et mère, idolâtrie contre l'honneur de notre mère sainte Église; autre blasphème d'avoir mieux aimé ne recevoir le corps de Dieu, et communier au saint sacrement de l'autel, que de quitter l'habillement d'homme. A ce jugement opinèrent les évêques de Constance (10) et Lizieux, le chapitre de l'église cathédrale de Rouen, seize docteurs, et six tant licenciés que bacheliers en théologie, et onze avocats de Rouen. Cette sentence envoyée à l'université de Paris pour donner avis sur icelle, elle s'assembla au collège de Saint-Bernard, sous l'autorité de maître Pierre de Gonda, recteur; et après avoir le tout vu, la faculté de théologie fut d'avis, par l'organe de maître Jean de Troyes, celle de Décret, par celui de maître Guerraut Boissel, leurs doyens, que la Pucelle était vraiment hérétique et schismatique. Et sur cette résolution, l'université dépêcha deux lettres du quatorzième jour de mai 1431, l'une au roi Henri, l'autre à l'évêque de Beauvais, afin de la faire mourir.

  Toutefois, cet avis ne fut suivi pour ce coup ; mais ayant été la Pucelle admonestée de se soumettre au jugement de l'Église, elle fait réponse qu'elle entendait se soumettre à toute raison, ainsi qu'elle avait toujours protesté par son procès. On l'exposa sur un échafaud public, où, après avoir été prêchée, elle dit lors qu'elle se soumettait au jugement de Dieu et de notre saint-père le pape. Puis, voyant que l'on voulait passer outre, elle protesta de tenir tout se que l'Église ordonnerait, disant plusieurs fois que, puisque tant de gens sages soutenaient que les apparitions n'étaient de Dieu, elle le voulait aussi croire, et fit une abjuration publique, insérée tout au long au procès. Sur quoi intervint autre sentence, par laquelle elle est absoute du lien d'excommunication, et condamnée à perpétuelle prison : ut cum pane doloris ibi commissa defleret. Et dès lors elle reprit l'habit de femme, et l'envoya-t-on en une prison, les fers aux pieds : ce néanmoins furent mis ses habillements d'homme près d'elle, pour voir quels seraient ses déportements. Elle ne fut pas sitôt seule, et revenue à son second penser, qu'elle fit pénitence de son abjuration, et reprit ses premiers habits d'homme. Le lendemain visitée, étant trouvée dans son ancien appareil, et interrogée sur ce changement, elle répond l'avoir fait par le commandement exprès des saintes; et qu'elle aimait mieux obéir aux commandements de Dieu que des hommes. A ce mot on la déclare hérétique relapse, et tout d'une suite elle est renvoyée au bras séculier, où elle fut condamnée d'être brûlée vive par sentence du trentième mai 1431, depuis envoyée au parlement de Paris, pour y être enregistrée. Les Normands, non contents de l'avoir condamnée à mort, la voulurent mitrer lorsqu'ils l'envoyèrent au gibet; et étaient ces mots écrits sur la mitre : Hérétique, relapse, apostate, idolâtre, et au-devant d'elle un tableau plein d'injures et de contumélies, ne se pouvant assouvir de sa seule mort, ores qu'elle fut très-cruelle. L'université de Paris, voulant aussi jouer son rôle, fit une procession générale, le jour de Saint-Martin d'été, à Saint-Martin des Champs, où un frère dominicain fit une déclamation encontre cette pauvre fille, pour montrer que tout ce qu'elle avait fait, c'étaient œuvres du diable, non de Dieu. Au milieu de tous ces fléaux toutefois, pendant qu'on lui faisait son procès, vint à Paris une femme nommée Péronne, qui était du pays de Bretagne, laquelle soutint publiquement que la Pucelle avait été envoyée de Dieu, et que de ce elle avait plusieurs révélations par l'ange qu'elle voyait souvent, habillé de robe [...] parce qu'elle ne voulut jamais démordre cette créance [...] , et prêchée le troisième de septembre 1430, et le jour même brûlée : c'était six ou sept mois auparavant la condamnation de la Pucelle. Depuis, les affaires de la France étant devenues plus calmes par l'extermination des Anglais, maître Robert Cibolle, docteur en théologie, chancelier de l'université, par livre exprès écrivit, en l'an 1456, contre tous ceux qui l'avaient déclarée hérétique : j'en ai vu autrefois le livre ès mains de Féron, ce grand rechercheur d'armoiries.

  Mais puisqu'un théologien et chancelier de l'université n'a douté d'accuser tous ces messieurs-là d'impiété, pourquoi ne suivrai-je ses traces ? S'il vous plaît recueillir ce que j'ai discouru ci-dessus, tout le motif de sa condamnation fut pour deux causes : l'une pour s'être, contre les commandements de saint Paul, habillée en homme, l'autre pour avoir ajouté foi aux voix qui se présentaient à elle de nuit. Or, pour le regard de ces voix, on ne peut dire que ce fût artifice : cela pouvait être dit, quand elle se présema au roi, afin d'exciter les capitaines et soldats à se plonger de meilleur coeur dans la querelle de leur prince ; mais étant ès mains de la justice, se pouvant garantir de la mort, comme elle avait fait en quittant les habillements d'homme, et néanmoins le lendemain les ayant repris, qui lui était une assurance de mort très-cruelle, il ne faut point faire de doute qu'elle rentra sur ses altères par l'avis qu'elle en eut la nuit, comme elle confessa à ses juges. Quel jugement donc pouvons-nous en ceci faire d'elle, je dis pour en parler sans passion ? Non autre certes, sinon qu'elle estimait que toutes ces voix venaient de Dieu, qui lui avait du commencement commandé de prendre l'habit d'homme pour sauver le roi, et puis ne le laisser, quelque crainte de mort que l'on lui mit devant les yeux : et c'est pourquoi elle dit tant de fois que, combien qu'elle se soumît au jugement de l'Église militante, toutefois elle voulait embrasser premièrement celui de Dieu. Mais cette voix était-elle de Dieu ou du diable ? Je sais bien que le diable se transforme assez souvent en l'ange de Dieu pour nous piper (11): c'est ce que l'Évangile nous enseigne. Puisqu'il joue de fois à autre ce personnage, il faut donc croire que Dieu envoie aussi quand il veut ses bons anges, sous telles images qu'il lui plaît, pour nous induire à bonnes choses. La Bible est pleine de tels exemples. Le même Dieu qui était lors, est celui qui gouverne cet univers : pourquoi douterons-nous que sa puissance ne soit telle, et par conséquent ses effets ?

  En tout ce procès par mot discouru, vous ne remarquez autre chose qu'une âme toute catholique, qui ne demande que confession, ouïr la messe, recevoir Dieu, moyennant que ce soit en l'habit qui lui est commandé par les voix (parce qu'elle estime que ce soit un commandement exprès et particulier de Dieu qui lui est fait). Mais pourquoi prit-elle l'habit d'homme ? Était-ce pour une méchante œuvre ? — Pour porter confort et aide à son roi, contre l'indue usurpation des Anglais. Davantage voyez comme, illuminée des rayons du Saint-Esprit par ces voix, elle prédit des choses qui advinrent ! car je vous laisse à part qu'elle reconnut premièrement Baudricourt, puis le roi, qu'elle n'avait jamais vu; cela pouvait être sujet à caution, et pourra quelque sage-mondain dire que c'était une partie jouée par l'entremise de quelques-uns, qui lui avaient servi sous main de protecoles. Quant à moi, je veux croire que fut par inspiration de Dieu, puisqu'en tout ce que je dirai ci-après je n'y vois nulle hypocrisie. Elle dit au roi qu'elle était envoyée de Dieu pour dégager Orléans du siège, puis pour faire sacrer et couronner le roi à Reims : ne le fit-elle ? Par les lettres que sur son avènement elle écrivit au roi d'Angleterre, elle lui manda que s'il n'entendait à la paix, il verrait le roi Charles entrer en tout honneur dans Paris, et qu'ainsi lui avait été révélé : cela n'advint-il puis après ? Par une de ses réponses, elle dit à ses juges que le duc d'Orléans était bien-aimé de Dieu : comment pouvait-elle juger cela que par l'inspiration divine ? Elle dit encore à ses juges qu'avant le terme de sept ans, l'Anglais serait exterminé de la France. S'il ne le fut de la France, ne le fut-il de Paris en l'an 1436, ville capitale de la France, par le moyen de quoi le roi Charles gagna quarante-cinq dessus la partie (12) ?

      

  Mais surtout me plaît quand cette guerrière pour braver ses juges par une belle saillie, leur dit que le duc d'Orléans, qui était leur prisonnier il y avait quinze ans passés, était le bien-aimé de Dieu. Voyons si cette parole fut menteuse. Il sortit de prison l'an 1440, à son retour épousa en la ville de Saint-Omer Catherine de Clèves, nièce de Philippe, duc de Bourgogne, dont il eut un seul fils, du nom de Louis. Auparavant sa prison il avait eu un enfant naturel, Jean, comte de Dunois, appelé communément par nos historiographes le bâtard d'Orléans, qui depuis, ès années 1452, réduisit sous la puissance du roi Charles les pays de Normandie et Guyenne ; et quant au légitime, ce fut notre bon roi Louis, douzième de ce nom, qui pour ses bons et doux déportements fut, après son décès, honoré du bel éloge de Père du peuple, qu'un Claude de Seissel, évêque de Marseille, ne douta, par livre exprès, de parangonner à tous autres rois de France. Un prince pouvait-il être mieux aimé de Dieu, que de lui envoyer deux enfants, auxquels notre France fut depuis tant redevable ? Et puis, au bout de cela, après tant de bons actes, après tant de prédictions véritables, en une querelle si juste, après tant d'heureux succès, nous dirons que c'étaient illusions du diable ? Certes, il ne faut point avoir de piété en la tête, qui le soutiendra. Ajoutez, et cetui est un trait d'histoire fort mémorable : si les anciennes histoires sont vraies, on trouve unes Sémiramis et Jeanne qui, sous habillements d'hommes, exercèrent, celle-là une royauté, celle-ci la papauté. Toutefois, avant que la partie fût parachevée, elles nous servirent d'un plat de leur métier, parce que chacune fit un enfant, chose qui leva leur masque. Mais notre Jeanne, encore que l'Anglais recherchât tous moyens de la calomnier, si ne lui impropéra-il impudicité partout le discours de son procès, jaçoit qu'elle eût vécu au milieu de plusieurs grandes armées, où telle débauche est plus que souvent en usage. Et c'est pourquoi la postérité, non sans grande raison, lui donna le titre de Pucelle, qui lui est demeuré jusques à hui. Ce néanmoins, il y a aujourd'hui quelques plumes si éhontées qui ne doutent de la pleuvir pour garce de Baudricourt. Au demeurant, je ne veux oublier que sa mémoire fut de si grande recommandation entre nous après sa mort, qu'en l'an 1440, le commun peuple se fit accroire que la Pucelle vivait encore, et qu'elle était échappée des mains des Anglais, qui en avaient fait brûler une autre en son lieu; et pour ce qu'il en fut trouvé une en la gendarmerie, en habillement déguisé, le parlement fut contraint la faire venir, la représenter sur la pierre de marbre du Palais au peuple, pour montrer que c'était une imposture.

  Je serais ingrat envers la mémoire du roi Charles premièrement, puis de cette miraculeuse guerrière, si, pour clôture de ce chapitre, je n'y enchâssais cet éloge, qui me semble d'une singulière recommandation. Elle avait trois frères, Jacquemin, Jean, et Pierre, dit Pierrelot, dont les deux derniers s'embarquèrent à pareille fortune que leur sœur, faisant profession des armes. Le roi, en considération des grands et signalés services qu'il avait reçus de la Pucelle, tant à la levée du siège d'Orléans que son sacre, dont elle avait été la principale porte-bannière, l'anoblit, ensemble ses père, mère, frères, et leur postérité tant masculine que féminine, par ses patentes en forme de chartre, données à Mehun-sur-Yèvre au mois de décembre 1429, vérifiées le seizième de janvier ensuivant, en la chambre des comptes de Paris, lors transférée à Bourges. La teneur des lettres est telle : Considerantes laudabilia grataque servitia nobis ac regno nostro tam per dictam Joannam puellam multimode impensa, et quæ in futur uni impendi speramus, certisque aliis causis ad hoc animum nostrum inducentibus, præfatam puellam, Jacobum Darc, patrem, Isabellam, ejus uxorem, matrem, Jacqueminum, Joannem et Petrum Pierrelot, fratres ipsius puellæ, et totam suam parentelam, et lignagium, et in favorem et pro contemplations ejusdem et eorum, posteritatem masculinam, et fœmineam, in legitimo matrimonio natam et nascituram nobititavimus ; et peu après : Concedentes eisdem et eorum posteritati, tam masculinæ quam fœmineæ, in legitimo matrimonio procreate et procreandæ, ut ipsi feoda et retrofeoda, et res nobiles a nobilibus et aliis quibuscumque personis acquirere, et tam acquisitas quam acquirendas retinere ac possidere perpetuo valeant : privilege admirable, et non jamais octroyé à autre famille. Bien trouvons-nous un Eude le Maire, natif du village de Challo Saint-Mas, près d'Étampes, et ses successeurs tant en ligne féminine que masculine, avoir été dispensés de toutes daces (13) ; mais non pour cela réputés nobles, ni joui du privilége de noblesse. Jamais service fait à la France ne vint au parangon de celui de la Pucelle ; aussi jamais lettres d'anoblissement ne furent de tel poids et mesure que celles-ci : anoblissement tellement embrassé, que, comme ainsi soit qu'en la Normandie il y ait quelques hommes issus des filles de cette lignée, ils jouissent de ce privilège. Et ainsi vois-je uns Robert Fournier, Lucas de Chemin, oncle et neveu, après ample connaissance et examen de leur généalogie, avoir fait enregistrer ces lettres d'anoblissement pour eux et les leurs, en la cour des aides de Normandie, le 13 décembre 1608, depuis que le privilége d'Eude le Maire a été supprimé.

  Or, pour plus signalée remarqué de cette gratification, le roi Charles voulut que les frères de la Pucelle portassent en leurs armoiries un écu en champ d'azur, auquel y aurait deux fleurs de lis d'or, et au milieu une couronne ; et en outre, qu'au lieu du surnom d'Arc qu'ils avaient apporté du ventre de leur mère, ils fussent de là en avant surnommés du Lys, comme si la couronne de France et le lis eussent, par les paradoxes exploits et chefs-d'œuvre de la Pucelle, repris leur ancienne force, dignité et vertu : chose que je découvre par un extrait très-notable, dont je vous veux faire part. Dès l'an 1425 on avait baillé, à six livres de rente foncière par chacun an, le marc d'argent revenant à sept livres, une île assise sur la rivière de Loire, contenant deux cents arpents, vulgairement appelée l'île aux Bœufs, dont les receveurs du domaine d'Orléans faisaient état par leurs comptes. Advient que les détenteurs s'en départent le vingt et sixième juillet 1443, et la remettent ès mains de Charles, duc d'Orléans, père de Louis, qui fut depuis roi de France, douzième du nom, lequel, deux jours après, en fit don à Pierre, frère de la Pucelle : vérifié, le vingt-neuvième , par maître Jean le Fuzelier, général de ses finances, pour en jouir par lui et Jean, son fils, leurs vies durant ; en considération de quoi cette partie depuis mise en recette, fut couchée à néant tant et si longuement qu'ils véquirent, comme de fait vous trouverez tout cela amplement narré par le compte de l'an 1444, rendu en la chambre des comptes par maître Robin Gaffard, portant entre autres choses l'article de recette ces mots qui servent à mon intention : « Laquelle île mondit seigneur le duc a donné à messire Pierre du Lys, chevalier, ouïe la supplication dudit messire Pierre, contenant que pour acquitter la loyauté envers le roi, notredit seigneur, et monsieur le duc d'Orléans, il se partit de son pays pour venir au service du roi, notredit seigneur, et de monsieur le duc, en la compagnie de Jeanne la Pucelle, sa sœur, avec laquelle, jusques à son absentement, et depuis jusques à présent, il a exposé son corps et ses biens audit service et au fait des guerres du roi, tant à la résistance des anciens ennemis du royaume qui tinrent le siège devant la ville d'Orléans, comme à plusieurs voyages faits et entrepris par le roi, notredit seigneur, et ses chefs de guerre, et autrement en plusieurs et divers lieux. » Je vous laisse le demeurant de l'article auquel est pareillement faite mention de Jean du Lys, fils de Pierre, me contentant qu'on voie que ce Pierre, surnommé du Lys, était frère de la Pucelle : surnom que je vois lui avoir été baillé, et à son fils, en tous les comptes subséquents faisant mention d'eux.

  Je ne me puis faire accroire que celui, ayant affaire à un grand prince du sang, eût osé changer son surnom d'Arc en celui du Lys, sans que lui et ses frères eussent permission expresse de ce faire, par le bénéfice du roi ; mais surtout me plaît qu'on trouve, par quelques anciens titres, que plusieurs des leurs qui les survéquirent, après avoir mis le surnom du Lys, ajoutaient tout suivamment ces mots, dits la Pucelle, pour montrer qu'ils étaient de sa lignée. Au demeurant, comme, par succession de temps, cette famille fut casuellement épandue en diverses branches par la France, tant en lignée masculine que féminine ; aussi maître Charles du Lys, conseiller du roi et son avocat général en la cour des aides de Paris, a par devers soi plusieurs enseignements, par lesquels il se trouve et prouve en être un des rejetons.


                                                 


Source : "Oeuvres choisies d'Étienne Pasquier" par Léon Feugère - t.I - Paris 1849.
Présentation Étienne Pasquier : Wikipedia


Notes :
[...] très courts passages que je n'ai pu lire sur la source.

1 Féminin de "gars" (ndlr).

2 Vieux style: on écrirait aujourd'hui 1431; mais la nouvelle année jusqu'à l'ordonnance de Roussillon, rendue en 1561, ne commença qu'à Pâques.

3 Qu'on lui permette de s'établir et de siéger dans cette ville.

4 Poursuivie, persécutée, obsédée...


5 Jeanne avait seulement 19 ans.

6 On disait alors je lairrai pour je laisserai.

7 Pasquier semble faire des confusions dans la lecture ou la traduction des chifrres latins relevés dans le procès (29 ans au lieu de 19 etc...) Rien ne permet dans le procès de dire que pendant son séjour à Neufchâtel elle y travailla 5 ans (Jeanne dit 15 jours, les témoignages au procès de réhabilitation disent moins).

8 Lui fut reproché...

9 Il s'agit ici de la mort de Franquet d'Arras relatée dans le procès.

10 Coutances.

11 Tromper


12 C'est-à-dire : gagna la partie aux trois quarts. Cette métaphore est empruntée au jeu de paume, où l'on comptait par quinze points, et où soixante donnaient le gain de la partie. Ce jeu était fort aimé au seizième siècle. C'est à la suite d'une partie de paume que La Boëtie, comme nous l'apprend Montaigne, fut atteint du refroidissement qui mit fin à ses jours.

12 Taxes





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